Aliyah Fuma, 30 ans, maman d’un petit garçon d’un an et demi, ancienne chanteuse devenue styliste. Boutique qui fête ses 3 ans cette année et ma réputation qui ne faiblit pas, bien qu’enfin, je commence à être tranquille côté paparazzis. Il y a bien d’autres personnes à aller aduler que moi, une sorte de vieille dans le monde du show-business. Je n’en reste pas moins célèbre mais il semblerait que cela aille enfin mieux ! En tout cas, la boutique se porte plutôt bien et le bouche-à-oreille côté célébrité a bien effectué son travail puisque je travaille essentiellement avec de la clientèle connue. De ce fait, ma côte de popularité reste à un certain niveau. J’ai aussi décidé qu’à partir de ce mois d’août jusqu’au mois d’octobre, il y aurait un événement un peu spécial à la boutique pour fêter ces trois ans justement. Ateliers de couture en mode « donner des conseils aux débutants », soirées privées avant-première pour montrer la prochaine nouvelle collection accessible aux petits budgets et vente aux enchères d’objets et vêtements m’ayant appartenu. Je sais, ça ne rentre pas vraiment dans le domaine du stylisme ça mais les fans restent fans jusqu’au bout généralement. Ah j’ai même demandé à mes anciens musiciens de Spyair de venir faire un mini concert un samedi sur deux pendant toute la durée de l’événement pour continuer à promouvoir le groupe et promouvoir la boutique en même temps. Je me suis donnée beaucoup de mal pour organiser tout cet événement et j’ai même fait l’effort de faire quelques interviews pour ça. Tout pourrait aller dans le meilleur des mondes comme ça. Mais… non.

A cause de mes recherches insensées sur le décès de mon époux il y a deux ans de cela, il n’est pas rare que je voie des yakuzas venir dans ma boutique pour de la retouche de costume… Et pire encore ! Kenji Yumeda… qui est ami et collègue de mon beau-frère, faisant partie du Yamaguchi-gumi… me surveille de près ! Il n’est malheureusement pas rare que je voie cet amateur de mode finir dans ma boutique, au moment où je m’y attends le moins. Je lui ai pourtant dit que j’avais arrêté mais il semblerait que les problèmes que je me suis engendrée toute seule avec les Yakuzas ne sont pas près de se terminer. Enfin, voilà ma super vie en ce moment. J’ai une épine dans le pied et du coup maintenant, je flippe un peu que ça gâche tout l’événement que j’ai mis en place dans le seul but de promouvoir mon travail. Et en même temps… Cela fait deux ans qu’il est parti mais… je ne peux m’empêcher, au fond de moi de penser à la vengeance et de vouloir retrouver ces sales types. Enfin bref.

J’avais repris le travail mais un peu moins qu’avant pour m’occuper d’Atsuo et parce que mes frères m’ont tapé un scandale en voyant que j’avais encore tendance à en faire trop. Le bourreau de travail a été sommé de ralentir et de profiter de son enfant. Je ne l’avais d’ailleurs encore jamais amené à la boutique alors je ne dis pas le carnage qu’il était en train de faire. En positif comme en négatif d’ailleurs. Habillé d’un petit pantalon noir, un sweat à capuche blanc avec des touches de rouges et ses petites baskets rouges, il me faisait presque concurrence tant les clients le trouvaient trop mignons. Et ce n’est pas faute de m’être raccordée à lui… Ou disons c’est plutôt le contraire. Jean noir avec talons aiguilles de la même couleur, chemise blanche et veston rouge. Donc, oui il a attiré toute l’attention des gens présents – si la séduction commence à son âge… je crains qu’il ne devienne comme son père, je suis mal barrée… Mais il a aussi attiré les foudres de sa mère. Ce petit filou a commencé à tout me mettre sens dessus sens dessous ! J’étais en train de ranger les cordons Obijime que j’utilise sur certaines de mes créations, jetant un œil sur le petit garçon quand celui-ci en courant, se heurta à un grand homme…

« Ah Atsuo ! Je t’ai déjà dit de ne pas courir dans la boutique… Excusez-moi Mons… Laurent ?! »

C’est en m’approchant de l’homme pour récupérer mon fils qui s’était mis à pleurer en voyant la tête de l’homme que je le reconnus. Celui-là même qui a été l’ingénieur son de mon dernier concert à Kobe et semble-t-il une sorte d’ami pour Magoichi. Je ne m’attendais pas du tout à le revoir, et encore moins ici à la boutique. Si je me souviens bien, ce n’est pas trop son genre les costumes, que fait-il ici ?

« Bah ça alors… Je ne pensais pas te revoir. Qu’est-ce que tu fais là ? »

Je ne l’ai pas revu depuis un bon bout de temps, je ne sais même pas s’il est au courant que Magoichi n’est plus de ce monde. Après ce qui est arrivé, je me suis coupée du monde pendant plusieurs mois alors je ne sais pas ce qu’il est devenu.

Si je savais que j’allais tomber sur un vieil ami aujourd’hui… Aussi surprise l’un que l’autre, je réconfortais mon petit garçon en le prenant dans mes bras. Je peux comprendre qu’il ait eu peur d’un grand gaillard comme Laurent. Mais c’est aussi ça le monde. Quand on est tout petits, tout nous parait gigantesque alors il suffit qu’une personne qui mesure plus d’un mètre quatre-vingts se pointe et c’est la fin du monde. L’homme commence à me dérouler son petit numéro, ne comprenant pas sur le moment. Enfin, normal que je sois surprise non ? Cela fait un bail que l’on ne s’est pas vus, et je ne pensais jamais le voir dans ma boutique surtout. En plus, tout doit lui paraitre trop grand ici…

« Faut dire que… ça fait longtemps que l’on ne s’est pas vus… »

Et il finit par capter que ce bout de chou était bien à moi, en tout cas sorti de moi oui. J’hochais la tête en riant légèrement.

« Alors à ton tour d’être largement surpris hein ? Oui. Mais je ne sais plus si je te l’avais dit ou pas. Il y a eu pas mal de choses qui se sont passées après que j’ai appris que j’étais enceinte et peu de gens étaient finalement au courant. Mais voilà… je te présente Atsuo. »

Je l’invitais ensuite à entrer, me dirigeant vers le coin où je reçois habituellement mes rendez-vous. Canapés design mais hyper confortable pour mettre les gens à l’aise, c’est ça aussi la marque de fabrique de la nouvelle Aliyah.

« Mets-toi à l’aise. Tu veux un café ? J’ai du thé aussi si jamais. »

Une fois que l’homme m’avait dit ce qu’il voulait boire, je partis le lui préparer, avec le petit dans les bras car il ne voulait pas me quitter. Au moins, ça évitera qu’il ne coure encore de partout et me mette du bazar. Une fois la boisson faite et dans une main, je revenais vers Laurent pour la lui poser sur la table en verre devant lui. Pensant qu’il s’était calmé… Il a fallu qu’Atsuo voie la pile de magazines sur la table pour vouloir aller jouer. Il n’a qu’un an et demi mais il est déjà bien trop turbulent et éveillé…

« Je ne pensais pas te voir un jour dans ma boutique haha. Qu’est-ce que tu deviens depuis le temps ? »

J’ai envie de savoir forcément et en même temps, je me demande si je dois lui dire que Magoichi n’est plus de ce monde. Je n’ai pas voulu le cacher à qui que ce soit mais émotionnellement parlant, je ne pouvais pas gérer ça. J’espère qu’il ne va pas m’en vouloir de ne pas lui avoir dit sur le coup. Enfin peut-être qu’il le sait déjà. Après tout, de ce que j’ai entendu de mes frères, il y a un article dans le journal qui était sorti, parlant d’un grave accident de la route ce jour-là mais ils n’ont pas donné plus de détails sur le passager. Un peu trituré, ça devait d’ailleurs se voir un peu sur mon visage, je finis par regarder Laurent avant de me courber légèrement.

« Je m’excuse… J’aurais dû t’appeler plus tôt pour te le dire mais… Magoichi n’est plus de ce monde depuis deux ans à présent… »

Ça reste encore douloureux à le dire. Tant pis s’il le sait déjà et que je passe pour une conne mais c’était de mon devoir de le prévenir à la base.

L’homme était un peu trop avide de secrets je trouvais mais bon, que pouvais-je y faire. C’était sa façon de faire avec les autres, de ce que j’avais pu voir en tout cas. Toujours ingénieur son, ça m’aurait étonné qu’il choisisse de faire autre chose tiens. Je ne peux qu’hocher la tête à ses dires et ah je vois. Une scène métal dans le coin hein. Ça restera toujours le type de musique que j’aime le moins ; trop criard, trop bruyant. Mais il en faut pour tous les goûts n’est-ce pas. Quand je lui servis mon petit discours, mes excuses sur un plateau d’argent, je me sentis juste très conne quand il répondit qu’il savait déjà. Et merde… Je me mis à rire légèrement, une pointe d’ironie sans méchanceté.

« Aha je me doutais bien mais je n’en étais pas certaine. »

Est-ce que ça a détendu l’atmosphère ? Je ne sais pas mais au moins, il n’y a plus ce malaise que je ressentais jusqu’à maintenant de ne pas l’avoir prévenu. Ah cela expliquerait donc : un changement de numéro !

« Quelque part, un peu. Vous avez été amis tous les deux non ? Mais okay, c’est bon à savoir, faudra que tu me passes ton nouveau numéro alors. »

Au moins, cela clôt le débat intérieur et la culpabilité de ne pas l’avoir dit. S’il a changé de numéro, je n’aurais de toute manière pas pu le joindre alors cela n’aurait finalement pas changé grand-chose. Laurent me demanda ensuite comment moi j’allais avec un grand sourire. Un sourire bienveillant m’invitant à sourire moi aussi. Que devrais-je répondre ? Est-ce que je vais vraiment bien ? Je fais au mieux disons pour tout gérer. Ce n’est pas tous les jours faciles mais j’avance, je n’ai pas le choix après tout et disons que maintenant, je ne suis plus vraiment toute seule. Le beau-frère fantôme est venu dans ma vie. Je finis par laisser Atsuo jouer avec les magazines, tant pis pour me rapprocher de Laurent et prendre un air plein d’autodérision pour ce que je vais lui dire.

« Comment dire que je me suis mise certains membres du Yamaguchi à dos haha. Et le pire dans tout ça ? Mon beau-frère est Yakuza chez eux. Au fait, tu savais que Magoichi avait un frère ? Parce que perso avant de le découvrir au cimetière, je n’étais pas du tout au courant. Il me l’avait caché… »

Et je sens bien que Laurent va se dire mais dans quel pétrin elle s’est fourrée… Je pense qu’il commence à bien me connaitre maintenant pour savoir que j’ai tendance à attirer certains problèmes à moi. Je repris ensuite ma place avant de regarder mon enfant un instant, mon regard se perdant avant de revenir dans les prunelles de l’homme.

« Mais ça va sinon. Ce n’est pas facile tous les jours, surtout avec un enfant et une boutique qui tourne, mais je gère comme je peux. Je suis obligée de me payer un chef pour qu’il nous fasse à manger parce que je ne sais toujours pas cuisiner, si ce n’est pas triste hein… »

Riant légèrement en étant un peu mal à l’aise de lui révéler que ce n’est même pas moi qui fais à manger pour mon enfant, en bonne incapable que je suis. Je préfère donner des détails plus positifs, plus légers au lieu de me rappeler que cet accouchement a failli me coûter la vie. Mais ça aussi… tout se sait à un moment donné ou à un autre. Enfin bref, c’est la vie, il y en aura d’autres des coups durs de toute façon.

« Au fait… Je ne sais pas si tu serais de bon conseil pour ça mais sait-on jamais… Est-ce que tu sais ce que je pourrais faire pour qu’il fasse réellement ses nuits ? Je crois que j’ai tout essayé de ce que disait les livres mais je n’ai plus de solutions là… Je pensais que la période était passée mais c’est revenu et il se réveille bien au moins 5 à 7 fois par nuit… »

Et j’avoue que ça m’épuise à force et forcément, je peux commencer à être cran. C’est horrible mais au fond de moi, j’aurais envie de l’abandonner pour un temps à quelqu’un, pour que je puisse me reposer et retrouver toute mon énergie afin de pouvoir m’en occuper correctement.

De la vodka dans le biberon de mon enfant… Bah voyons ! Je pris un air choqué devant sa suggestion. Et le pire, c’est que Laurent avait l’air ultra sérieux en disant cela. Fin, je n’en sais rien mais même avec un sourire, il avait l’air d’être le plus sérieux du monde en disant ça.

« Euh t’es vraiment sérieux là pour la vodka dans le biberon ? Nan, je vais éviter de faire la même erreur que ma génitrice hein. On voit ce que je suis devenue à cause d'elle. »

Un soupir s'échappa de mes lèvres en repensant un peu à mon enfance déplorable et combien je me suis enfermée dans ma coquille en créant cette égocentrique personnage que je suis en public. Enfin que dire de mes erreurs passées tiens… J’ai quand même repris la clope quelques semaines après que Magoichi soit parti car je savais aussi que si je commençais à toucher à l’alcool, j’allais m’enfoncer et ce ne serait pas bon. Fin, ce n’est pas comme si déjà la gynécologue m’avait averti à plusieurs reprises de faire attention à mon état émotionnel… Manque de pot, j’ai donné naissance à un petit garçon avec une faiblesse physique. Et si ça se trouve, en grandissant, il y a aura d’autres conséquences. En fait, on ne peut pas dire que j’ai fait mieux que la femme qui m’a donné naissance.

Bref, Laurent finit par me prodiguer un vrai conseil. Essayer de traiter la cause plutôt que le symptôme hein. Il va donc falloir que je cherche pourquoi il ne dort pas… Cela pourrait être des tas de choses, bien qu’au fond j’ai peut-être ma petite idée : une mère trop stressée sans doute. On est très fusionnels, ça ne m’étonnerait pas que ce soit ça. Ou alors un père qui lui manque même s’il ne l’a jamais connu. J’essaie de m’imaginer l’homme quand il était petit alors qu’il me raconte son anecdote et me surprend à rire avec un sourire et un regard tout mignon sur le visage.

« Trop chou. Enfin, même si je lui demandais, il aurait sans doute du mal à me dire ce qu’il ne va pas. A part dire maman, il ne parle pas encore. Je n’ai rien changé à la maison et pour l’instant il dort dans la même chambre que moi car c’est plus simple mais… J’ai pas mal de photos de Magoichi et moi à la maison, peut-être qu’il l’identifie comme quelqu’un d’important et que du coup c’est pour ça. Peut-être que ça lui manque de ne pas avoir un papa. »

Fin, bien que je pense que ce soit un peu trop tôt mais qu’est-ce que j’en sais. Même mon frère Ryo qui a deux enfants n’a jamais eu ce genre de problèmes, ses enfants ont fait tous les deux leurs nuits à 6-8 mois et il n’a pas su non plus me conseiller sur quoi faire. Quant au reste, je fais attention à toujours prendre des produits qui soient hypoallergéniques donc j’avoue que je ne sais plus trop ce que je dois faire. Perdue dans mes pensées, il se remet à plaisanter avec la vodka et je secoue la tête un peu amusée.

« Ah je vois. »

Je ne le connais pas assez profondément pour m’amuser à lui dire une petite pique alors je me contenterais de cela. Semble-t-il plus à l’aise avec l’homme, mon petit garçon s’approcha de l’homme avec l’un de mes magazines à la main pour le lui tendre. Je n’en peux plus, il y a de quoi fondre non ?

« Je crois qu’il veut t’initier à la mode. S’il commence dès le plus jeune âge, j’ai bien peur qu’il veuille prendre ma succession plus tard haha. »

En vrai, ça ne me dérangerait pas, je pourrais transmettre tout ce que j’ai construit mais je ne veux pas non plus qu’il se fasse alpager par la presse et ces autres cafards de paparazzis comme ça a été mon cas.

« Il lui ressemble, tu ne trouves pas ? »

Shintaro avait déjà dit ça la dernière fois mais plus il grandit, plus j’ai vraiment cette impression qu’il a davantage pris de son père que de sa mère.

Je suis au combien surprise de voir Laurent très à l’aise avec mon petit garçon. Beaucoup d’adultes ne seraient pas forcément à l’aise avec un bambin, surtout quand on est célibataire. Des préjugés ? Oui j’en ai effectivement et alors ? Enfin, cela ne changerait en rien au fait que c’était hyper mignon de le voir commenter tout ce qu’Atsuo lui montrait dans le magazine et cela me faisait rire en même temps. Pour connaitre un peu l’homme, il n’est pas du genre à aimer les costumes ou les belles pièces sur mesure.

Il répondit vaguement à la question que je lui posais, sans trop savoir pourquoi. Est-ce qu’il voulait éviter la question au risque de me blesser ? Ce n'est pas ça qui peut réellement me blesser à vrai dire, parce que c’est juste un fait. Il y a des enfants qui ressemblent davantage à leur père qu’à leur mère, c’est tout. Mon attention se reporta sur Laurent alors qu’il commença à me dire quelque chose. Une histoire comme quoi il essayait de trouver une boutique pour faire réparer son téléphone… Ouais okay, accouche. Son pied qui aurait failli marcher sur un truc pas très loin d’ici hein ? Oula, son histoire commence à devenir de plus en plus saugrenu là. Il commença à se tortiller avant de sortir une boite. Fronçant les sourcils, son histoire ne tenait pas vraiment la route. Un gars qui l’aurait fait tomber ? Quand je vis la boite qu’il venait de poser sur la table basse, mes yeux s’écarquillèrent grandement. Impossible. Je secouais la tête avant d’approcher une main tremblante de la boite.

« Impossible… Non, ce n’est pas possible. Dis-moi que c’est toi qui l’avais Laurent depuis tout ce temps. Elle n’a pas pu se retrouver comme ça par magie dans les mains d’un inconnu. »

Cette boite… cette boite noire en tissu avec les lettres dorées MF gravées dessus. Je croyais l’avoir perdu à tout jamais. Je l’avais offerte à Magoichi avec à l’intérieur un bandeau noir doré en satin, de ma confection pour notre mariage puis il avait gardé la boite dans un coin mais sans savoir ce qu’il avait pu y mettre à l’intérieur à la place. Ce qui me fait penser qu’en faisant un peu le tri dans ses affaires, il y a des choses que je n’ai jamais retrouvé dont ce fameux bandeau. Je finis par prendre la boite des deux mains, sentant les larmes monter alors que mes doigts tremblants ouvrirent la boite. Je restais un instant en suspens, les larmes commençant à perler le long de mes joues. Il y avait le fameux bandeau pour son œil, la première photo prise de la grossesse que je lui avais donnée et… ses boutons de manchette préférées. J’avoue ne pas avoir compris sur le coup pourquoi il les avait mises dans la boite mais en la refermant, je remarquais en dessous, une encoche faite avec un bout de papier dépassant : une note. Je pris le morceau de papier pour le déplier avant de lire à voix haute, mêlée de mes sanglots.

« Ma chère Aliyah, ma femme chérie… Si tu retrouves cette boite, c’est que je ne suis sans doute plus là. Je veux que tu transmettes ces boutons de manchette à notre fils, c’est l’emblème de la famille Fuma. Je t’aime et t’aimerai toujours où que je sois. Ton pervers de mari. »

Il y avait tellement de mystère autour de Magoichi Fuma et ce n’est pas avec ce maigre mot que je vais pouvoir déchiffrer le fin mot de l’histoire mais à aucun moment, je me doutais que ces boutons de manchette avaient une signification particulière. Ils étaient beau en plaqué or mais je n’y avais jamais vu de signification. Il les a sans doute hérités à un moment donné ou à un autre de son père. Comme à la recherche d’un autre mot de sa part, je rouvris la boite, et commençais à chercher notamment au verso de la photo. Et bingo, il y avait un mot disant « Haha je vais devenir papa !!! C’est le plus beau cadeau que l’on ne m’a jamais fait ! ». J’ai remis la main sur son trésor caché. Je finis par de nouveau fermer la boite avant d’essuyer mes larmes et regarder Laurent avec un regard nostalgique.

« Il te l’avait confié n’est-ce pas ? Ça veut dire que vous vous étiez vus avant qu’il n’ait son pseudo accident ? Est-ce qu’il t’a dit quelque chose de particulier ou pas ? »

Et voilà que j’étais à nouveau en quête de réponses. Je n’avais pas spécialement d’élan d’espoir de pouvoir avoir des réponses puisque j’avais essayé d’enquêter sur son meurtre maquillé en accident mais quelque part au fond de moi, peut-être que Laurent sait quelque chose que Magoichi n’a pas pu me dire.

Je n’aurais ainsi jamais les réponses espérées à mes questions… J’esquisse un rictus involontaire quand il me dit qu’il n’est pas une personne fiable et je secoue la tête. Crétin, je ne suis pas spécialement en colère, je tentais juste de savoir si à tout hasard Magoichi avait pu te confier certaines choses qu’il n’avait pas pu me confier… Soupirant un instant, je ne fais plus cas de ses paroles.

« Ah, c’est pour ça que tu es aussi maigre. Faut prendre plus soin de toi Laurent hein… »

J’ai sorti ça comme ça mais dans ma bouche, cela semblait être une pique. Involontaire et volontaire à la fois. Est-ce que je ne suis réellement pas en colère ? Est-ce que je lui en voudrais un peu au fond de moi ? Difficile de dire ce qu’il me passe par la tête mais en tout cas, il semble bien vouloir mettre une distance entre nous deux. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé chez lui avant que l’on ne se connaisse, je ne connais pas son histoire mais ça m’a tout l’air d’être une sorte de rupture sans même qu’on ait fait quoi que ce soit ou que l’on se soit rapprochés. Il me dit ensuite que je devrais me concentrer sur ce que j’ai… Je comprends le gros sous-entendu qu’il y a derrière : « au lieu de chercher des réponses, de continuer à vouloir te venger ». Shintaro m’avait fait les mêmes remarques.

Ce que j’ai hein… De mon point de vue, tout pourrait éclater en mille éclats du jour au lendemain alors oui je préfère me morfondre dans ce que j’ai perdu pour ne pas faire face à cette certaine réalité. Le confort de vivre dans le passé et la tristesse, la mémoire de ce que l’on a perdu par peur de faire face au monde réel et au présent. Ne pas vouloir lâcher prise et laisser partir l’autre une bonne fois pour toutes, ne pas vouloir tourner la page au risque de l’autodestruction mental à long terme. C’est ça mon quotidien après tout. Oui je m’interdis d’aller mieux mentalement, je m’interdis de regarder vers l’avenir parce que son ombre me suit sans jamais me quitter. Comment cela pourrait-il en être autrement ? Son frère, mon beau-frère lui ressemble tellement et s’il n’avait pas ses deux yeux, je l’aurais pris pour son époux. Alors comment aller mieux hein ? Comment ne pas vouloir plus que de se concentrer uniquement sur ce que j’ai moi en tant qu’Aliyah Klein. Pas en tant qu’Aliyah Fuma, la veuve d’un mafieux mais bien en tant qu’Aliyah Klein. Enfin, d’elle, il ne reste plus grand-chose à part la chanteuse qui a été rouée de coup dans son enfance. Je m’éloigne dans les affres de mes ténèbres, le regard vide avant de finalement revenir à la surface grâce à Atsuo qui me grimpait dessus pour un câlin.

« Pardon, tu disais ? Ah ouais, je crois me concentrer sur ce que j’ai c’est ça ? En réalité, je n’ai rien. Aliyah Klein a construit sa vie de chanteuse, s’est transformée, a évolué quand elle devenue Aliyah Fuma et a construit sa carrière de styliste, est devenue maman mais au fond, rien n’est à elle. Elle se raccroche juste à ce qu’elle peut. »

J’ai beau toujours porter un masque en public, je ne suis qu’une petite perle perdue dans sa coquille au fond de cet océan qui est la société. En plus, je ne peux pas dire que je suis la plus épanouie des personnes ou des mamans. Oui, je l’aime mon enfant et jamais je ne l’abandonnerais ou je ne l’aurais abandonné mais… au fond, j’aurais préféré ne pas avoir d’enfants alors j’aurais disparu de la surface et Aliyah quel que soit son nom de famille n’aurait plus existé. Merde, si je commence à repenser comme ça, je vais devoir retourner chez le psy. Je resterais une âme brisée jusqu’à ce que je décide moi-même de remonter à la surface et pour l’instant, ça n’est pas près d’arriver.

« Tu dois te sentir mal à l’aise ici, je ne vais pas te retenir plus longtemps. Mais merci de m’avoir ramené la boite et d’être passé. »

Hahaha quelle blague terrible Laurent et au lieu de me faire rire, elle me fait lever les yeux au ciel. Comme si je venais de faire une révélation, je ne m’attendais pas à ce qu’il me rétorque un truc hyper profond. Comme quoi ce serait normal de se chercher pendant longtemps mais qu’on finit toujours par arriver à se trouver à un moment donné ou à un autre. Ah donc, c’est juste moi qui me suis fait des idées – Monsieur me certifie qu’il n’est jamais à l’aise et que c’est juste mon émotion qui pense ça. Okay, soit. Un dernier conseil hein… Vas-y, je t’écoute, je suis toute ouïe mon très cher Laurent. Juste être Aliyah. Hum, tu ne m’avances pas beaucoup en me disant ça n’empêche. Juste être moi, tout comme lui il est juste Laurent l’ingénieur du son un peu louche. Je ne pourrais pas dire le contraire mais comment alors je pourrais me définir ? Je me suis souvent définie par mon travail et pour l’instant la juste Aliyah est styliste et maman. Ça revient au même de ce à quoi je pensais non ? Wha, il vient de me perdre complet là avec ses explications.

Bah j’essaie bien de ne pas prendre une charge mentale en étant ce que les autres attendent de moi mais quelque part pour eux, il ne vaudrait mieux pas que je montre mon vrai visage. Ah non pardon, ils l’ont déjà vu pour certains. Tous les jours d’ailleurs quand je viens bosser. Oui, oui, le dragon perfectionniste qui veut que tout soit au millimètre près et qui pète un câble dès que rien ne va. Eux, mes collègues la connaissent bien cette facette, celle de la femme un peu blessée aussi d’ailleurs. Mais je dois avouer que quasiment personne n’a vu la féru de boxe qui n’hésite pas à se battre et à envoyer des gens à l’hôpital. Ça… c’est réservé à mes victimes d’un soir. Même Magoichi et Shintaro n’ont jamais vu cette facette de moi. Je suis une demoiselle « en besoin de protection » après tout. Les demoiselles, ce n’est pas censé se battre et pourtant.

Faire ce qui te plait et envoyer bouler ceux que ça dérange hein… Dans cette société où tout est régit par l’image que l’on dégage, comment faire ce que l’on veut réellement sans conséquences, j’aimerais bien que tu me le dises Laurent, parce que ce n’est pas possible. Si je pouvais vraiment faire ce que je voulais, je passerais mon temps à voyager d’un endroit à un autre, à changer d’identité, à disparaitre quand j’en ai envie puis revenir au bout de quelques mois. Et puis, je passerais mon temps à fumer, boire du saké et à tester les nouvelles drogues à la mode. Alors non, je ne peux décidément pas faire réellement ce que je veux. Je crois que je tabasserais bien quelques gens sur mon passage pour me défouler quand j’en ai besoin aussi. Je pris un rictus avant de regarder Laurent alors qu’il continue à me pondre que le masque social, il est là plus pour se protéger que pour autre chose et qu’il ne faut pas tout le temps y avoir recours.

« Ho Laurent… Si tu savais ce qu’il y a dans ma tête là en ce moment, je crois que tu regretterais amèrement de m’avoir filé ce conseil. C’est comme si tu me donnais la permission de passer du côté obscur de la force. »

Mon sourire s’agrandit pour lui montrer un sourire digne d’une folle admise en hôpital psychiatrique avant de me reprendre. Non, je ne peux décidément pas laisser ce côté prendre le dessus. En tout cas, pas tant que Shintaro n’aura pas monté son propre clan. Alors là, je pourrais tout laisser tomber et le masque s’effritera enfin. Je finis par me lever, le petit dans les bras qui était tout calme pour une fois avant de me diriger vers l’entrée de la boutique. Une cigarette me remettra un peu les idées en place je pense. Non pas que j’aime avoir Atsuo dans les bras pour fumer en plus. Je demandais à une de mes employés si elle pouvait le prendre un moment le temps d’aller fumer puis invitais Laurent à me rejoindre en lui tendant mon paquet, après avoir pris ma cancéreuse.

« Si un jour tu me vois dans les journaux, non pas parce que j’ai autant de popularité dans le bon sens, tu sauras que j’ai définitivement quitté le masque. »