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Duotone, ft. Min-Jun| Ven 6 Aoû - 13:06

Duotone

Le claquement que provoque la semelle de ses nouvelles chaussures de ville résonne entre les murs blancs et les œuvres colorées de l'artiste Tadanori Yokoo. Légèrement agaçant. À vrai dire, s'il n'était pas lui-même à l'origine de ces échos répétitifs, il ne le supporterait pas. Une chance que le musée accueille un flux assez important de visiteurs ce dimanche, les quelques discussions et les pas des autres atténuent un peu le bruit qu'il fait. Une chance toute relative, puisque qu'en ce début de matinée et après la soirée qu'il a passé hier, Héra aurait largement préféré être tranquille dans sa visite. Au lieu de quoi, il peine à naviguer entre les touristes, se retrouve parfois derrière des silhouettes qui lui cachent les toiles devant lesquels il se poste, manque de trébucher sur des enfants qui ne prêtent aucune attention à leur environnement immédiat... C'est très loin du moment calme qu'il s'était imaginé passer en contemplant et décortiquant les pièces colorées et complexes de l'artiste.

Il a déjà visité plusieurs fois le musée d'arts de la Préfecture de Hyogo, mais n'était passé que rapidement sans cette aile dédiée à l'œuvre de Yokoo. Alors il s'était dit qu'il reviendrait, parce que chaque tableau mériterait bien qu'on s'y attarde plusieurs minutes pour capter tous les détails qui s'y trouvent. C'était visiblement le mauvais jour. Il ne peut pas prendre plus de quelques secondes devant chaque tableau avant que quelqu'un ne fasse un commentaire malvenu, qu'on le frôle ou que la présence de silhouettes autour de lui ne le perturbe. Et le voilà qu'en se retournant après être resté planté trois minutes devant une affiche aux inspirations pop art représentant une femme en duotone, il manque de rentrer dans la personne qui se trouvait juste derrière lui.

"Excusez-moi." murmure-t-il en anglais et de façon assez peu concernée au jeune homme à la chevelure brune qu'il contourne finalement pour passer. Avant de faire volte-face et de le détailler un instant. Si l'on excepte les origines clairement différentes, il a l'impression de se voir version yin. Il est habillé tout en blanc aujourd'hui, l'autre est en noir. Les yeux clairs versus les yeux sombres. Cheveux blancs, cheveux bruns. Mais cette même silhouette, petite et légère, ces mêmes tâches de rousseur. Et certainement cette même expression désinvolte.

Légèrement troublé, Héra se détourne, une expression à présent renfrognée sur le visage. Les quatre ou cinq œuvres qu'il visite ensuite ne franchiront pas le voile de ses réflexions. Drôle de rencontre. Alors qu'il pensait l'inconnu déjà parti, englouti par les familles et les groupes de touristes, il le croise encore une fois, frôlant son épaule en se dirigeant vers une autre pièce. Décidémment...

La suite de son parcours s'avère heureusement moins densément peuplée, moins de risque ici de rentrer accidentellement dans tout le monde. Le jeune mannequin prend donc tout son temps devant chaque œuvre, suivant le défilé de cadres en silence. Et, chaque fois, il le voit du coin de l'œil, le jeune homme en noir, comme une ombre sur les murs immaculés, toujours à quelques mètres de lui sans savoir pour autant lequel d'eux deux suit l'autre. Il a beau essayer de ne pas y prêter attention, souvent leurs deux silhouettes se retrouvent face à la même image. Ou alors il se trouve juste un peu plus loin et Héra ne peut nier être perturbé par sa présence malgré tout. Il semble dégager une aura un peu arrogante qui l'intrigue tout autant qu'elle l'agace. Même s'il tente de mettre un couloir ou une pièce entière entre eux, il l'aperçoit dans le cadre d'un passage, le retrouve peu de temps après de l'autre côté d'une cloison bien qu'il le pensait loin. Les minutes s'écoulent et régulièrement il le croise, le suit sans le vouloir, fait mine de l'ignorer alors qu'il a bien vu qu'il se trouve juste en face de lui.

Alors qu'ils sont tout proches, une énième fois, Héra décide de mettre un terme à ce ballet qui se fait mine de rien un peu gênant. Il ne manquerait plus que l'autre pense qu'il le suit et leurs regards se sont croisés plusieurs fois au cours de ce jeu inattendu, le mettant légèrement dans l'embarras. Tant pis pour l'exposition, elle attendra. Faisant un écart pour sortir, ne s'attendant pas à ce que l'autre bouge aussi, Héra le percute cette fois pour de bon, de plein fouet, envoyant probablement son coude rencontrer son abdomen alors qu'il essuie un coup dans son thorax. Par réflexe, il écarte l'inconnu de ses deux mains, guettant déjà une éventuelle réaction de douleur chez l'autre avant même de s'occuper de la sienne. Heureusement, des deux côtés, l'impact ne semble pas avoir été si rude.

Bien obligé à présent d'engager la discussion ou de s'excuser davantage - bien qu'il pense ne pas être le seul fautif dans l'histoire, il se demande même si l'autre ne l'a pas fait exprès - il s'adresse à lui en japonais cette fois, préférant lisser le haut de sa chemise et s'assurer qu'elle n'est pas abîmée plutôt que de le regarder dans les yeux.

- Bonjour. Dis-moi... le musée n'est-il pas assez grand ?

Il fait référence à sa présence continue près de lui depuis une bonne demi-heure, évidemment. Mais il aurait très bien pu le faire de façon légère et amusée au lieu de poser chaque mot froidement et sans sourire, tournant sa question comme un reproche avant de le fixer. Sa seule présence l'agace encore plus désormais que celle des touristes envahissants. Et plus il le regarde et plus il le trouve attirant et ça l'agace encore plus.

- T'es qui, au juste ?

min-jun & héra
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Re: Duotone, ft. Min-Jun| Sam 7 Aoû - 1:49

 

Duotone

Feat Min-Jun Jeong & Héra Marchal

  Lorsqu’on veut tromper des personnes, mieux vaut bien s’y connaître sur son sujet.

C’était la raison pour laquelle Min-Jun s’était décidé à sortir ce jour-là, alors qu’il aurait mille fois préféré rester dans les bras de son amant de la veille. Il n’était pas très câlin, pourtant, mais pour une fois qu’il avait réussi à mettre la main sur un homme musclé et confortable, il n’aurait pas dit non à quelques heures de plus. Mais Mellan l’avait rappelé à l’ordre d’un tout petit sms qui ne contenait qu’un “T’es où ?”, puis un autre “Tu mangeras froid, c’est dans le frigo”. Il n’avait pas lu ces messages la veille et ne les voyait que maintenant. Il avait grommelé en se relevant, et avait enfilé ses vêtements avant de quitter en silence l’appartement du bel homme dont il ne connaissait même pas le prénom, pour rejoindre son appartement à lui. Les cernes sous ses yeux devaient donner bien trop d’indices sur ses activités nocturnes - Mellan évita soigneusement le sujet, comme toujours, mais Min-Jun voyait bien qu’il lui en voulait. Pour se faire pardonner, il décida d’aller chercher de nouvelles références, pour enrichir son catalogue. Ce n’était pas pour faire de nouvelles copies, mais seulement pour que le rouquin ait droit à de nouvelles images. A vrai dire, il lui aurait bien demandé de l’accompagner, mais il avait peur de faire un autre faux pas et qu’il se fâche pour de bon. C’était rare, mais il préférait quand même éviter.

Il n’avait pas fait beaucoup d’efforts vestimentaires. Un jean noir, un tee-shirt noir, une veste noire, et un bonnet noir, il espérait passer inaperçu dans les rues de Kobe. Il savait que le reste de son look, à savoir, ses lunettes rondes et tous ses bijoux qui cliquetaient à chacun de ses mouvements l’en empêcheraient probablement, mais il n’était pas toujours très cohérent (surtout quand il avait la gueule de bois). Au moins, les musées étaient toujours plus ou moins silencieux, non ? … Bon, peut-être pas le dimanche, quoi. Mais ça, il n’y pensa qu’une fois arrivé au musée. Heureusement que le cachet commençait à faire effet, car il n’aurait pas fait long feu au milieu des piaillements des groupes de filles et des cris des enfants. Il paya sa place, puis s’avança dans les allées, silencieux comme une ombre. Semblable à une ombre aussi, vu sa tenue… On lui demanda de retirer son bonnet, ce qu’il fit non sans grogner. Sa chevelure déjà épaisse au naturel semblait avoir doublé de volume, et il passa rapidement ses mains dedans pour faire semblant d’y avoir prêté attention dans la matinée.

Rapidement, ses pas le menèrent à une aile qu’il connaissait vaguement, dans laquelle il ne s’aventurait que rarement. Parce que le pop-art n’était pas ce qui intéressait le plus Mellan, il le savait bien. Et à vrai dire, il regretta presque immédiatement d’avoir mis les pieds de ce côté - s’il pouvait apprécier le travail de Tadanori Yokoo sobre, les couleurs flashy lui donnaient l’impression d’allumer des feux d’artifice sous son crâne. Ça et les cris, et les rires, et les murmures de la foule, il allait finir par étriper quelqu’un. Il s’installa sur un banc le temps de prendre un deuxième cachet (ce n’était certes pas très bon pour son corps, mais pour sa santé mentale et éviter de finir en prison, c’est ce qu’il fallait). Il attendit que le médicament fasse effet et reprit sa visite. Comme par hasard, il fallait que quelqu’un le choisisse lui pour être victime d’une maladresse. Il ne réagit pourtant pas au “Excusez-moi”, car son être se figea en faisant face à celui qui venait de se retourner. Si l’on exceptait les origines clairement différentes, il avait l’impression de se voir version yang. Là où son apparence criait l’obscurité, celle de l’autre lui renvoyait une clarté presque aveuglante. Il fronça légèrement le nez. C’était une blague ? Est-ce que c’est pour ça qu’on ne doit pas prendre plusieurs cachets de manière rapprochée ? Ce devrait être noté sur la notice : “attention, risque de doppelgänger”. Il détourna le regard - il n’était pas en assez bon état pour ces conneries.

Et pourtant… c’était comme si ses pas étaient attirés par l’inconnu. Le voilà qui le frôlait ; le voilà encore qui le regardait ; le voilà qui lui faisait soudainement face. C’était… étrange. Il avait rarement ressenti ça - c’était tout à la fois incroyablement agaçant et intriguant. Il avait envie d’éloigner cet inconnu de lui et de s’en rapprocher. Quels chemins avaient-ils pris pour se retrouver ici, et pourquoi étaient-ils si semblables (et si différents) ? Même quand il essayait de l’ignorer, quand il prenait consciemment un chemin différent, ils finissaient toujours par se retrouver, malgré la foule. Il se déroba au regard clair en passant derrière un groupe d’adolescents, mais quelques secondes plus tard, il fut à nouveau percuté par son double maléfique. … En fait, à bien y réfléchir, c’était sûrement lui, le double maléfique. Son haussement de sourcil marqua à la fois sa perplexité et son agacement.

- Je pourrais te poser la même question, je pense. C’est toi qui me suis, après tout.

Sa deuxième question l’agaça davantage.

- La moindre des politesses, c’est de se présenter d’abord avant de demander aux autres de le faire.

A bien y regarder… il était plutôt mignon. C’était encore plus énervant, dans un sens - s’ils se ressemblaient autant qu’il le craignait, c’était mauvais pour les affaires. Il devait avoir l’air sérieux, et imposant, pas donner l’impression d’être une starlette qui fait tourner les têtes sur des podiums.

- Mais comme tu n’as pas l’air d’avoir été bien éduqué, je m’appelle Min-Jun Jeong, je suis un marchand d’art. D’autres questions ?

Par réflexe, il attrapa le poignet de l’autre homme, pour lui éviter de se faire bousculer par des enfants qui couraient sans regarder où ils allaient. Il lâcha un “tch” contrarié, marmonnant un “si c’était moi, je les tiendrai en laisse” à voix basse et en coréen. Il toussota pour reprendre contenance, avant de lâcher le poignet qu’il avait gardé dans sa main. Il massa ses tempes. Venir ici un dimanche en pleine gueule de bois était vraiment la pire idée qu’il avait eu depuis longtemps.

- Désolé pour le ton, je ne pensais pas que le musée serait aussi bruyant et je dois admettre que ça me tape un peu sur les nerfs. Amateur d’art ?

Sa voix s’était brutalement adoucie, ce qui pouvait être perturbant pour celui qui lui faisait face. Mais lui était si habitué à jongler entre les différentes expressions que le changement se faisait maintenant de manière totalement naturelle. Et surtout, il venait de décider qu’il voulait apprendre à connaître son doppelgänger. C’était peut-être la seule chance qu’il aurait de savoir comment sa vie aurait tourné s’il avait suivi les injonctions de ses parents et de la société.
Kobe, Koyane, musée, dimanche.
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