On ne choisit pas sa famille. Mais on choisit ses amis. Une vérité absolue. Sa famille, Tsuki a l'impression qu'elle pourrait s'écrouler si elle n'était pas là. Non pas qu'elle s'octroie un quelconque mérite. Non. Simplement, elle se demande parfois ce qu'il serait advenu si ses choix avait été différents. S'il n'y avait pas eu Haru, sa sœur, se serait-elle donner tant de mal pour porter cette famille défaillante à bout de bras ? Elle aurait surement essayer. Fait de son mieux. Peut-être serait-elle tuer à la tâche. Parce qu'en vérité, elle a sans cesse l'impression de devoir courir après l'argent. Pour payer le loyer, les factures, la nourriture. Pour acheter des nouveaux vêtements à Haru qui grandit et qui ne peut pas toujours reprendre ses vêtements car ils ont été trop usés. Elle doit aussi aider Seiji à rembourser ces dettes. Pas toujours. Seulement quand il joue ou boit trop et qu'il perd la raison. Ça lui déplait, fortement. Pourtant, elle n'a aucune envie de voir des criminels de Sanda débarquer chez eux pour lui refaire leur portrait. Leur quartier a beau être pauvre, les gens y vivent tranquillement. Elle n'a pas envie qu'ils deviennent la famille qu'on pointe du doigt. Elle n'a pas envie qu'on les exclus.

Elle n'a pas choisit sa famille. Ses amis eux, par contre, elle les a choisit, et ils constituent une source de bonheur et de réconfort. Certains sont là depuis l'école, d'autres rencontrés au cours de ces différents petits emplois. Ils ne sont pas très nombreux, ceux qui comptent vraiment. Ceux qui savent ce qu'elle endure et qui la soutienne sans avoir pitié. Ceux qui l'aime comme elle est. Alors, même si elle ne peut que se payer un soda quand ils vont boire un verre ensemble, elle vient. Car elle a envie d'entendre leur voix, elle a envie de rire avec eux. Ça lui permet d'oublier tous les tracas du quotidien.

Ce soir-là, est un soir comme elle les aime. Une fin de semaine sans qu'elle ne doivent travailler le week-end. Ça rapporte plus, c'est vrai. Mais elle a aussi envie de profiter un peu de la vie et des gens qu'elle aime. Ils sont dans un bar où la clientèle est principalement entre la vingtaine et le trentaine. Des gens comme eux. Des amis. Des couples. Qui parlent de leur semaine, du dernier film qu'ils ont vu ou de ce qu'ils vont aller manger après.

Dans son petit short noir Tsuki sirote son jus de fruit avec plaisir. Il est frais et plein de saveur. Il y a un peu de musique, assez forte pour créer une ambiance, pas assez pour empêcher les conversation sans avoir besoin de hurler. L'endroit est agréable. Uzume est un quartier très différent du sien. Elle y vient quand elle voit ses amis. Ou parfois pour certains jobs. Il y a toujours postes à pourvoir ça et là. Pour un ou deux soirs. Ou quand les touristes sont plus nombreux. Difficile de ne pas considérer cet endroit comme un bon gagne pain. Même si elle aurait surtout préférer profiter de tout ce qu'il y a de sympathique à offrir.

Ses yeux scrutent les visages joyeux dans le bar. Certains entrent, d'autres sortent. Les tables se remplissent et se vident sans bousculades. Comme un jeu des chaises musicales bien orchestré. Au milieu de tous ces visages inconnus, un, pourtant, attire son regard à plusieurs reprises. Une silhouette féminine. Des traits qu'on remarquent. Elle ne peut s'empêche de regarder cette femme qu'elle trouve belle. Parce qu'il y a des gens comme ça, qui sortent du lot. Qu'on remarque. Chacun n'est pas sensible aux mêmes choses. Mais pour elle, ce soir, c'est cette femme qu'elle remarque. Non pas qu'elle ressente une quelconque attirance physique pour sa personne. Simplement, elle a envie de la regarder. Et puis surtout, ce visage lui semble familier.

Un ami l'interpèle en lui demandant de raconter sa journée. Alors, elle se détourne pour prendre part à la conversation. En espérant, secrètement, qu'elle n'est pas disparue cette inconnue. Car même si sa bouche formule d'autres mots, ses neurones s'agitent pour tenter de retrouver l'origine de ce sentiment familier à la vue de ce visage.

Il y a un léger heurt derrière eux. Les yeux de Tsuki suivent, comme beaucoup d'autres regards. Deux femmes viennent de se « rentrer dedans ». Son regard est immédiatement attiré par la tâche sur le beau chemisier d'une jeune femme. C'est la femme qu'elle regardait tout à l'heure. Très rapidement, elle disparaît au milieu de la foule, se soustrayant à ses yeux inquisiteurs. La pauvre… Ce genre d'accident est vite arrivé dans ce genre d'endroit.

Quelques minutes plus tard, grâce aux mouvements des uns et des autres, la fille revient dans son champ de vision. L'ami à côté d'elle se penche un peu vers elle avec un sourire.

- Pourquoi tu la regarde comme ça ?

Il jète un œil rapide à la personne qu'elle regardait avant de l'observer à nouveau l'air interrogateur. Il est vrai que ça ne lui ressemble pas de scruter quelqu'un comme ça. Ou alors très rarement...Quand elle trouve un garçon charmant mais que sa timidité l'empêche d'aller le saluer par exemple. La situation est tout autre actuellement mais il n'en demeure pas moins que c'est aussi sa timidité qui la cloue sur sa chaise.

- Je..je ne suis pas sûre mais je crois que c'est quelqu'un qu'Haru adore.

C'est ça. Elle a vraiment l'impression d'avoir déjà vu ce visage et ses neurones l'associent automatiquement au visage d'Haru. Alors c'est surement elle qui lui a parlé de cette fille. Sauf si elle se trompe complètement et qu'elle fait une fausse reconnaissance. C'est bien là tout le problème d'ailleurs.

- Ils ont chanté avant qu'on arrive tout à l'heure attend.

Ses billes sombres se fixent sur son ami qui sort son téléphone pour se mettre sur le site internet du bar. Tsuki se penche avec lui sur l'écran pour regarder la programmation du soir. Il y a le nom du groupe mais aussi des petites vignettes photo avec le nom des membres. En voyant la photo de la chanteuse, la jeune fille se dit qu'il s'agit de la personne qu'elle a vu. Un bon point pour commencer. Et le nom en dessous lui évoque cette fois parfaitement quelque chose.

- Alors ? C'est la personne que tu penses ?
- On dirait bien que oui.

Haru n'a de cesse de chanter à tue tête de nombreux titres de cette fille. Elle lui en parle régulièrement et vient lui faire un petit show personnel dès qu'elle connaît une nouvelle chanson par coeur. C'est vraiment elle. Sa coeur aurait aimé être là. La connaissant elle lui aurait déjà sauter au bras pour la regarder avec les yeux et la bouche en coeur. Mieux valait pour cette fille qu'elle ne soit pas là. Sinon elle lui aurait coller aux basques toute la soirée.

- Si tu n'y va pas j'y vais pour toi.

Les billes de Tsuki s'arrondissent comme deux soucoupes. Comment ça il y va pour elle ? Lui demander une photo ? Ou un autographe ? Un flush rouge lui monte aux joues. Est- ce qu'il va vraiment le faire ? A la façon dont il la regarde elle sait très bien que oui. Mais ce serait plutôt la honte non ? « Hé la sœur de mon amie vous aime bien ».

- Ok...ok j'y vais.

Avant de trop regretter ses propres paroles la demoiselle quitte son siège devant le grand sourire de son camarade. Dans quoi elle s'est fouré encore ? Plus elle avance vers elle, moins elle sait ce qu'elle va lui dire. Et plus elle angoisse. Quand elle n'est plus qu'à quelques mètres, Tsuki s'est littéralement liquéfiée intérieurement. Elle s'arrête, jète un œil à sa table où son ami l'encourage d'un signe de tête. Son coeur bat si fort dans sa poitrine que ça lui donne la nausée. Comment on peut se mettre dans un tel état ? Qu'est ce qui peut lui arriver de toute manière ? Qu'elle l'envoie bouler. Elle aura honte et retournera s'asseoir. Cette femme l'oubliera vite. Ce n'est pas si grave, si ?

Elle franchit les derniers mètres qui la sépare de la jeune femme sans s'être décidé sur la façon dont elle allait l'aborder. Son cerveau n'est plus tout à fait capable de réfléchir correctement face à ce stress qu'elle n'arrive pas franchement à contrôler.

- B-bonsoir.

La voilà bègue. Une particularité lui arrivant assez rarement fort heureusement.

- Je suis désolée de vous déranger en fait...Ma petite sœur vous aime beaucoup. Elle...elle connaît toutes vos chansons par coeur.

Ça ne lui semble pas si terrible que ça une fois dit. Même si elle doit tout de même avoir l'air un peu bête. Elle espère que la fille ne va pas croire qu'elle utilise un moyen détourner pour ne pas passer pour une fan envahissante.

Tsuki n'arrive pas à savoir si elle l'importune ou pas. Le visage de la femme est avenant, sa voix est plutôt douce. Mais Tsuki a souvent peur de déranger. Et puis, elle passait tranquillement un bon moment. Il serait logique qu'elle veuille être en paix. Pourtant elle prend le temps de lui répondre et même de demander l'âge de sa sœur. Ce n'est pas grand-chose mais ça la touche. Après tout, elle aurait très bien pu l'envoyer sur les roses.

- Ah elle a 13 ans...Et ne vous inquiétez pas pour votre chemisier. Les accidents sont vite arrivés dans ce genre d'endroit.

Les gens ne font pas toujours attention à l'endroit où ils mettent les pieds. Quand la foule se fait plus dense, ça complique d'avantage les choses. Venir avec un aussi beau chemisier était un risque, même si la demoiselle comprend que ce soit important pour son image. Pendant qu'elle termine sa cigarette, la brune prend le temps d'observer celle qui se tient en face d'elle. Elle comprend pourquoi Haru passe un temps considérable à regarder des photos et des vidéos d'elle. Cette femme est belle et elle a du charisme. Elle donne envie de la regarder. Elle donne envie de lui ressembler. Même avec ce chemisier taché, elle n'inspire pas franchement de moquerie. Si Tsuki avait été à sa place, elle aurait surement fondu en larme et serait déjà rentrée chez elle.

Quand elle la questionne sur l'endroit où elle doit signé un autographe, la demoiselle la fixe une surprise non feinte.

- Un autographe ?

Oh bon sang un autographe ! Mais oui !

- Ah ! Oui je...En fait je n'ai pas pensé à prendre un papier...Ni un stylo en fait.

Plus elle parle, plus elle se mortifie de honte. En vérité, elle s'était dit qu'elle échangerait quelques mots avec elle. Que comme ça elle pourrait le raconter à Haru. Quoi qu'il se soit passé peut être qu'elle lui aurait dit qu'elle était aussi gentille et incroyable qu'elle l'imagine. Pour ne pas la décevoir. Pas un seul instant, elle ne s'était dit qu'elle pourrait demander un autographe. Ses joues s'échauffent rapidement et son coeur repart de plus belle.

- Pardon c'est juste que...je ne fais pas ce genre de choses d'habitude.

Non, elle n'a jamais demandé d'autographe à personne jusqu'ici. C'était une première. Elle n'a rien dans ses poches. N'a pas non plus de papier dans son minuscule sac à main. Ni de quoi écrire d'ailleurs. Elle qui est plutôt prévoyante en général, elle n'a rien de tout ça. Mais elle était venue passer une soirée entre amis. Qui aurait pu prévoir qu'elle tomberai sur l'idole de sa sœur ? Et encore moins qu'elle oserait venir échanger quelques mots avec elle alors qu'en soit...elle a plus entendu Haru chanter ces chansons qu'elle ne les a écouter elle-même. Elle doit la prendre pour une sacré cruche. Ou bien ça va la faire rire. Et il y aurait de quoi… Au moins ça lui prouvera peut-être qu'elle n'était pas venue avec de drôles d'idées en tête.

Tsuki reste droite comme un i. Comme si elle attendait une quelconque sentence. Qui ne vient pas. Au lieu de ça, la fille en face d'elle se met à rire. Ses épaules s'affaissent d'étonnement face à cette réaction qu'elle n'avait pas anticiper. La demoiselle imaginait bien s'être tourner en ridicule mais pas à ce point. Le fard à ces jours doit être incandescent à présent. Mais finalement la jeune femme lui explique qu'il s'agit plus d'un rire de soulagement. Une fan en furie ? Grand dieu !

- Oh non..non ce n'est pas du tout mon genre soyez rassurée !!

C'est même aux antipodes de ce qu'elle est réellement. Il est vrai qu'elle a déjà vu des personnes agir ainsi à la télévision. Jamais en vrai. Comment peut être espérer que se jeter sur quelqu'un en criant peut être bien reçu par l'intéressé ? Aucune idée. Mais ça ne lui viendrait même pas à l'esprit de faire une chose pareil. Peut importe ô combien elle apprécie cette personne et son travail. Un minimum de respect de l'espace personnel est nécessaire pour survivre !

Quand son interlocutrice lui prend la main, les yeux de la brunette s'ouvrent telles deux soucoupes. Viens ? Ou ça ? Ses pas suivent les siens. Telles deux anguilles elles se faufilent entre les personnes. Elle ne pense même pas à faire un signe à ses comparses mais les connaissant ils devaient garder un œil sur elle. Au pire, elle a toujours son téléphone pour envoyer un signal de détresse. Même si cette femme lui semble plutôt inoffensive et bien dans ses baskets.

En arrivant dans la loge Tsuki regarde autour d'elle. L'endroit n'est pas immense mais il porte tout même ce nom de « loge ».

- Je m'appelle Tsuki !

Une loge. Quatre lettres. Si simple. Pourtant si significatif. Car peu importe qui l'emploi, quand on a une loge c'est qu'on est quelqu'un. Quand elle remarque qu'elle commence à se changer, Tsuki tourne le dos à son tour. Pour ne pas la déranger. Elle triture un instant les bords de son t-shirt.

- C'est la première fois que je viens dans une loge...Vous allez faire de moi une star auprès de ma petite sœur avec cette histoire. Elle va surement vouloir que je lui décrive cet endroit dans le moindre détail !

Un léger rire cristallin s'échappe de ses lèvres. C'est vrai ça. Elle aussi sera une star dans les yeux d'Haru. « J'ai été dans la loge d'Aliyah ». Elle voit déjà sa sœur la regarder avec ses grands yeux brillants. Elle lui demandera la couleur des murs. De lui décrire chaque objets. La tenue de son idole. Avait-elle d'autres vêtements dans l'endroit ? Elle pourrait bien affabuler un peu pour rendre ça encore plus extraordinaire. Elle méritait bien de rêver un peu.

- Et à vrai dire...c'est un ami qui m'a poussé à venir vous voir...Je n'osais pas. Par peur de vous déranger et parce que c'est...je suis assez timide. Mais je crois que ça se voit.

Ah bon ?! Sans blague.

Ses yeux se posent sur le chapeau qui a quitté la tête de la demoiselle. Elle a envie de le toucher mais n'ose pas. Elle n'a pas d'accessoire de ce genre. Il doit valoir très cher.

- J'aime beaucoup votre chapeau.

Cette fille a un sens aigu du style. Tsuki elle, n'a jamais eu la capacité de savoir ce qui lui aller vraiment. Ni les moyens de se payer des tenues en accord avec cela. Elle privilégie des tenues où elle se sent biens. Et qui ne coutent pas trop chères non plus.

Une idée germe dans son esprit. Mieux vaut demander tout de suite avant qu'un nouvel évènement face que son courage s'envole à nouveau.

- Oh ! J'ai une idée….à défaut d'autographe. Est-ce que...vous seriez d'accord de faire une photo ? Vraiment si...si ça ne vous convient pas je comprendrai tout à fait. C'est déjà tellement gentil à vous de m'avoir fait entrer ici…

Elle ne veut pas la forcer. Prendre une photo est peut-être même pire que signer un bout de papier. Est-ce qu'elle va finir en dehors de la loge illico presto ?

Quand Aliyah évoque son petit frère, Tsuki se sent immédiatement plus proche d'elle. Parce qu'elle comprend parfaitement sa position. Celle de grande-sœur. De la personne qui doit être responsable pour les deux. Et sa place doit être d'autant plus difficile qu'on peut la reconnaître, en effet. La demoiselle n'avait pas vu ça sous cet angle. Les gens qui n'apprécient pas la sœur pourrait bien s'en prendre au petit frère. Ou bien au contraire d'autre pourrait se lier avec lui par intérêt pour elle. Peu importe le cas de figure, ce serait malheureux pour le garçon. Si elle avait été connue, Tsuki n'aurait pas aimer qu'on en sache trop sur sa vie privée non plus. Fort heureusement pour elle, ce genre de préoccupations n'arrivera jamais. Parce qu'elle n'a aucun talent particulier. Et qu'elle n'aspire pas à devenir célèbre non plus.

- Oh vous avez un petit frère ?! Il doit être très fier de vous !

Ça c'est sur.

Elle accepte pour la photo. Sous couvert d'une mise en garde. Ou d'une menace ? Elle ne saurait trop dire. Elle n'ose d'ailleurs pas sortir son propre téléphone, prête à renoncer à ce qu'elle vient elle-même de prononcer. Elle est aussi bien trop surprise par le fait qu'elle vienne de lui planter son magnifique chapeau sur le crâne. Tsuki a à peine le temps de sourire pour faire face à l'objectif.

- Merci c'est vraiment très gentil. Et ne vous en faites pas cette photo est seulement pour ma sœur. Je ne suis pas très « branchée » comme fille de toute façon haha…

Elle a bien un profil mais qu'elle n'utilise quasi pas. Elle n'a rien de passionnant à mettre en photo sur le net. Certes cette photo pourrait lui apporter beaucoup de like mais ce n'est pas le but recherché. Les petits pouces bleus virtuels de parfaits inconnus lui importait peu.

Elle rentre son numéro dans le téléphone pour qu'elle lui envoie le cliché tout en l'écoutant. Quand elle lui rend son appareil ces billes sombres l'observent avec surprise.

- Ah ?

Comment ça ce sera surement la dernière fois ? En effet, il y a fort à parier qu'elle ne retourner jamais dans une loge. C'est un fait avec lequel la brune est tout à fait d'accord. Cependant la seconde partie de la phrase laisse beaucoup plus de sous entendu, on ne peut plus étonnants.

- Vous pensez...arrêter de chanter ?

Comment se passe la vie d'un artiste ? Qui décide de quand une carrière s'arrête ? Elle lève une main en signe d'excuse.

- Oh enfin...ça ne me regarde pas. J'espère simplement que vous faites ce qui vous rend heureuse.

Elle lui offre un sourire timide et encourageant. Ce n'est pas simple de trouver sa voie. Ni de maintenir un cap. Il y a parfois ce qu'on a envie de faire et ce qu'il faut faire. Pour sa famille notamment. Si elle arrête, c'est qu'elle doit avoir ces raisons. Du peu qu'elle sache, elle est encore plutôt populaire. Ça ne doit pas être là, la raison de ce changement de vie. Peut-être aspire-t-elle a plus de quiétude. Ce qui serait parfaitement compréhensible.

Ses doigts s'emparent des bords du chapeau pour le dévisser de sa tête. Cela lui permet de l'observer plus en détail. Le tissus est épais et doux sous ses doigts.

- Et merci….pour le chapeau. Ça sera sans doute la plus belle pièce de mon armoire ! Il va falloir que j'achète une tenue pour aller avec !

Assurément même. Que pourra-t-elle mettre avec une beauté pareille ? Rien qui ne puisse l'égaler. Ce serait du gâchis. C'est la seule chose dont Tsuki est à peut prêt certaine. Quand au reste...il faudra qu'elle demande conseil à des amis ayant un peu plus l'oeil pour dénicher des belles pièces à bon prix.

Quand Aliyah la questionne sur le mot qu'elle a employé, à savoir « branchée », Tsuki ne sait plus trop où se mettre. Ses joues s'échauffent rapidement tandis qu'elle détourne les yeux de ce regard inquisiteur et accusateur. Envers ceux qui auraient pu lui dire de mauvaises choses.

- Ah oui mais c'est simplement...Que je ne sais pas vraiment comment me mettre en valeur.

Elle continue de jouer avec le chapeau jusqu'à ce que la chanteuse finisse par lui répondre. La première chose qu'elle fait est de lui confirmer ce qu'elle avait cru comprendre. Elle met fin à sa carrière. De son plein grès. Pas pour une raison de bénéfices. Il s'agit d'un choix entièrement personnel. Aux raisons qu'elle invoque, Tsuki ne trouve rien à répondre. Ce sont des paroles pleines de bon sens. Celles d'une femme de raison.

De par son métier Tsuki peut garder sa proximité avec sa famille. Il est vrai que les gardes de nuit lui donne parfois un rythme différent. Cependant, elle peut malgré tout les voir tous les jours, surtout Haru. Elle n'imagine pas comme ça doit être difficile d'être très régulièrement loin de chez soit. De ses repères. Des gens qu'on aime. Au delà du succès, du bonheur qu'elle doit ressentir d'être sur scène, tout cela a finit par passer avant.

- Il est vrai que je n'avais pas penser à cet aspect. Ça doit être difficile pour vous d'être très souvent en déplacement… En tout cas vous semblez très heureuse de ce choix ! Alors c'est qu'il s'agit très certainement du bon !

Ça ne doit pas être une décision facile. Autant l'encourager dans ce chemin du changement qu'elle a entreprit de prendre.

Viennent ensuite des propos que la demoiselle peine à comprendre. Elle lui propose une virée shopping ? C'est à dire ? Et puis Harajuku à Tokyo ?! Les yeux de Tsuki s'agrandissent d'incompréhension, et d'un peu d'envie aussi.

- Je connais oui mais je n'y ai jamais été ! C'est là-bas que vous achetez vos vêtements ?

Ce ne serait pas étonnant. Quelle sensation a-t-on quand on peut aller faire du shopping dans la capitale ? Ce n'est pas une chose dont elle pourrait se venter. Si elle se rendait à la capitale se serait pour visiter quelques quartiers qu'elle ne connaît pas, comme Harajuku évidemment. Mais elle ne sait pas si elle achèterait des vêtements.

Un grand sourire éclaire ensuite le visage de la demoiselle.

- Oh vous allez ouvrir une boutique ?! Je pourrai toujours venir vous voir pour avoir des conseils dans ce cas !

Elle a un léger rire quand elle termine sa phrase. C'est une plaisanterie. Car vue le standing de son interlocutrice, elle ne serait certainement pas dans sa clientèle cible. Ou peut-être qu'elle irait. Parce qu'Haru insistera grandement pour s'y rendre. Tout en sachant qu'elles ne pourraient que regarder les étiquettes. Pouvoir toucher des vêtements de son idole serait déjà amplement suffisant pour la jeune fille. Ou alors….Peut-être pourra-t-elle lui offrir une pièce pour son anniversaire un jour. Il faudra sans doute qu'elle économise pour ça. Déjà elle y pense pourtant.

- Et quand vous parlez de confectionner...Vous allez dessiner et produire vous-même vos vêtements ? Je sais à peine recoudre un bouton pour ma part !

C'est sa grand-mère qui le lui a apprit. Elle, sait très bien coudre. Malheureusement elle n'a pas prit le temps d'en apprendre d'avantage. Il n'est pas encore trop tard. Ça pourrait lui être utile pour plus tard.

Quand Aliyah lui dit qu'elle de l'empathie, Tsuki est touchée. Parce que c'est une qualité qu'elle juge importante d'avoir. Certains lui disent qu'elle l'est parfois trop. Sans doute ont-ils raison. Mais selon elle, mieux vaut l'être trop que pas assez. La sienne pourra toujours compenser la faible empathie de certaines autres personnes. Elle comprend aussi qu'on puisse donner avec plus de prudence qu'elle. Chat échaudé craint l'eau chaude. Si la vie n'a pas été facile pour elle, Tsuki estime malgré tout que ça aurait pû être pire. Elle a un emploi. Et elle a sa famille et des amis. Que demander de plus ?

Quand Aliyah mentionne sa boutique elle opine du chef. La suite la laisse néanmoins pantoise. Alors...il s'agissait réellement d'une invitation ? Immédiatement, son coeur s'emballe dans sa poitrine. Paniqué mais enjoué à l'idée d'aller faire les magasins avec elle. Une « activité de filles ». Chose qu'elle ne s'accorde que trop peu.

- Je viendrai certainement voir ça avec ma sœur oui ! Mais vous...vous étiez sérieuse alors ? Pardon je ne pensais pas que...Enfin oui. Oui vous pourrez m'écrire et je vous direz quand je suis disponible dans ce cas.

Ça lui paraît assez invraisemblable. Peut-être qu'elle lui dit ça pour être polie. Seulement, Tsuki a l'intime conviction qu'elle est sincère dans sa proposition. Faire les magasins à Osaka...Avec Aliyah. La chanteuse. Une chanteuse qui veut faire les magasins avec elle. Tsuki Ohno. Elle qui n'est, vulgairement, personne. Cette femme veut pourtant l'amener avec elle. Au delà de la partie de la plaisir, ça pourrait être un véritable enseignement. Sur la mode. Le sens du style. Sur ce qui lui conviendrait de porter. Elle qui a tout à apprendre sur le sujet.

Quand Aliyah mentionne l'heure, Tsuki s'empresse de jeter un œil au temps écoulé aussi. Il passe si vite. Rangeant rapidement son téléphone en lieu sûr elle sort de la loge sans demander son reste. Elle doit vouloir la fermer.

- Oh oui vous devez avoir mieux à faire ! Et je dois retourner voir mes amis ! Encore merci milles fois !

Elle n'ose pas prononcer son prénom. Ça lui paraît beaucoup trop familier. Après avoir poliment incliné la tête en signe d'au revoir elle la laisse partir. Son coeur bat encore si fort. Un peu incrédule sur ce qui vient de se produire elle retourne dans la pièce principale du bar, son précieux chapeau entre les mains. Quand elle retourne s'asseoir à sa table ses amis l'accueillent avec de grands sourires.

- Hé te voilà ! On commençait à s'inquiéter et...c'est quoi ce chapeau ?

Plusieurs paires d'yeux se rivent directement sur ce qu'elle tient. Le rose aux joues elle sourit.

- C'est un cadeau.

Elle n'a pas envie d'en dire plus. Parce qu'elle l'a promis. Elle ne montrera pas la photo. Ni le numéro qu'elle laissera sans nom, de préférence, dans son portable. Seule la photo lui permettra de l'identifier. Elle s'attendait à passer une bonne soirée. Mais nullement que cela prenne cette tournure là. Tout cela était beaucoup trop fou ! Ce soir, elle s'endormira des rêves plein la tête.