L'ambiance dans le bar c'était refroidit. Les fêtards étaient parties, les habitués de la fermeture avaient suivit une petite demi-heure après, et Charles avait pu commencer à balayer la salle principale. Maintenant la salle était vide, les chaises remontées sur la plus part des tables, le parquet propre. Le seul problème était la silhouette au bar, le front contre le bois du comptoir, qui ne répondait que par des grognements lointains.

Charles ne s'était pas retrouvé dans cette situation avant maintenant, mais rien n'aurait pu mieux illustrer les raisons de sa haine pour ce job. Il était habitué aux bars familiaux, avec des retrouvailles d'amis, des rendez-vous amoureux, des touristes, des promeneurs venus pour la plage. Pas aux fêtards, aux marches zigzagantes, aux cigarettes discrètement fumées à l'intérieur alors qu'un panneau prêt du bar indiqué de sortir.

« Il reste un gars dans la salle. »

Jun se retourna avec un son surprit et allongea quelques enjambés vers la salle du bar avant de retourner à l'évier avec un rire silencieux.

« C'est qui ? » Appela la voix d'Yosano, déjà en train de se changer. « Rien, juste Noba. » Un rire s'échappa des toilettes où sa collègue se changeait, en plus d'un commentaire enjoignant de juste le mettre dehors.
« Heu, dehors ? Il répondait pas vraiment quand je lui parlais... » Jun hocha la tête. « … Vous êtes tarés, c'est irresponsable. - Mec on est là pour servir des bières, pas ramasser leur vomis. J'm'en occupe t'inquiètes, mais nous fais pas la morale. T'en pensera pas moins une fois que t'aura du gérer un ou deux alcoolisés. »
Jun laissa une poignée de couverts retomber au fond, de l’évier, partant dans la salle en même tant que Charles finissait la vaisselle restant. Un bruit de chaise qui racle sur le sol, quelques paroles faibles et lointaines – surtout la voix haut-perché de Jun – et le métis entendit la porte du bar claquer. Jun revient dans la pièce avec un regard noircis par des sourcils froncés et attrapa un verre pour l'essuyer.

* * *

Jun et lui sortirent par la porte arrière du bar, Yosano partie depuis déjà une vingtaine de minutes.

« Bon à samedi prochain. »
Charles marmonna une réponse à son collègue et enchaîna quelques pas dans sa direction habituelle avant d'enchaîner les virages à gauches, jusqu'à avoir fait le tour du pâté d'immeubles, jusqu'à la rue ou le devant du bar s'étalait. Et le gars du bar aussi, face contre terre, assez proche de l'entrée du bar pour laisser deviner que Jun l'avait littéralement jeté. Rien qui étonnait vraiment le métis, la seule chose qui s'approchait d'une certaine douceur chez son collègue était la poudre rose qu'il étalait en quantité discrète sur ses paupières. Pour le reste, Jun était une sorte d'Ashton en coloris brun, et Charles avait déjà d'un Ashton dans sa vie.

Avec un regard circulaire autour d'eux, le métis s'approcha de l'homme à terre, un raclement de gorge en espérant que ce serait suffisant pour le faire réagir. Sans réponse, il finit par s'accroupir prêt de l'inconnu. Ses lèvres se pincèrent à l'odeur d'alcool et de tabac et il tenta une légèrement sur l'épaule. « Hey... Ça va ? »

Pas de réponse.
Si le gars était en train de faire un coma éthylique, Jun gouterra le même bitume samedi prochain.
Un genoux à terre, Charles tira l'inconnu sur le dos avec précaution, une main glissée sous sa mâchoire pour vérifier son pouds. Lent mais rien de dangereux pour l'instant.
Après le silence presque complet de la rue, le léger marmonnement qu'il entendit d'entre les dents de l'homme le fait presque sursauter. Il leva les yeux au ciel complètement noir, éclairé de lampadaires lointains, et empoigna le manteau de l'homme, le tirant jusqu'à ce qu'il puisse s'asseoir. Une de ses mains resta malgré tout sur son épaule, le poids de l'homme y reposait toujours trop et Charles savait que s'il lâchait, l'inconnu retomberait immédiatement.

« Je pense pas que fumer maintenant soit une bonne idée. Vous avez un moyen de rentrer chez vous ? » Articula-t-il, l'agacement rendant ses mots raides.

Si j’avais le temps et l’envie, je pourrais presqu’écrire un guide Michelin des trottoirs de Kobe.

Une pensée fugace qui me traverse quand je réalise que les gravillons froids de cette ruelle appuient sur ma peau de façon peu agréable. Même si ça pourrait presque couper la circulation de certaines parties de mon corps, la matière à la fois sableuse, à la fois dure est cela dit relativement confortable comparée à Akai.

Quand je disais que je pourrais en faire un guide, je ne plaisante qu’à moitié bien que ce ne soit là que mes propres divagations douteuses alors que j’essaie d’utiliser mon poignet pour me redresser. Et… je retombe aussi sec.

… La merde, je crois que je vais rester là. On y croirait pas vu la température mais je m’y sens très bien entre les odeurs d’ordures ménagères des rares résidences accolées à la rue et la miction d’un random pégu qui sent le putois jusque-là. Ou alors celle d’un clebs. La frontière entre l’homme et l’animal a toujours été très floue. Comme ma vision actuelle.

Quant à savoir ce qui m’a tiré jusque-là… À part le vague souvenir d’un moment de flottement entre la porte du bar et ici, ah, et le barman qui me jette comme un sac. C’est un poil nébuleux.

Mouais. Le côté finir dehors était presque prévisible, je conçois. Tout comme le moment où je finis par ne plus penser à rien se pointe tout aussi rapidement.
C’est noir. Ça tourne. Et j’ai moyennement envie de lutter.




Vaguement blanc, entre la vie et le chemin qui mène vers un autre monde, je sens une pression sur mon épaule tandis que j’entrouvre à peine les yeux.
Les grésillements derrières, m’en parlez pas. C’est… effectivement à côté qu’un truc vient s’enquérir de mon état.
Si c’est pas un miracle dans une rue comme celle-ci : un bon samaritain venu tout droit de la galaxie des anges. Ou de celle des lutins du père-noël, je sais plus trop.

L’idée d’imaginer des lutins avec des ailes en train de soulever un corps m’amuse et je me laisse manipuler, entre le coma et la nausée qui revient.
La seule action notable est mon corps enfin retourné de sorte que le noir du bitume se change en néons aveuglants d’une nuit bien après minuit dans le quartier des fêtards.
Ça pique, je cligne et ne veut qu’une chose : me rendormir.

- Mes clopes…

Je marmonne en farfouillant un point quasi invisible sur ce que je suppose être le sol sur mon côté droit ou gauche. Rien au premier essai. Terrible. Deuxième essai et le gloubiboulga de sons à mes côtés se précise au moment où j’ai l’impression de m’élever de nouveau au-dessus du sol. De façon assez bancale il faut dire mais ya un accoudoir pour m’empêcher de tomber, c’est pratique.

Un accoudoir qui se mue en la silhouette plus ou moins précise d’un type dont la question me laisse silencieux quelques secondes, le temps de processer ce qu’il vient de baragouiner.
Je reste bien évidemment pas immobile et réussit par miracle à rentrer une main dans ce que je suppose être une poche. Sûrement celle de mon manteau.
Toujours rien ptain…. AH SI. Un autre miracle de la soirée, je sens un bâton perdu entre deux plis que je sors peu adroitement avant de le coller à mes lèvres. Ça en peinant à lever les yeux vers le visage de mon interlocuteur de fortune. L'air décidé à répondre.

- ...T’as l’heure ? Ou un briquet ?... Le briquet plutôt.

Balancé-je rond comme une queue de pelle en matant bon gré mal gré ce que je devine être la partie basse de son corps alors que je sens mon épaule pencher de plus en plus vers l’appui de fortune que me propose mon vis à vis, tout aussi de fortune.
Je n'avais à l'évidence, pas compris un traître mot de ce qu'il m'avait dit. Et j’ignore la gueule que je tire à l’instant t, mais si je suis suffisamment arraché, je dois bien avoir rejoint la teinte du japonais typique qui sait pas encaisser les enzymes ou le regard vitreux. Boh… Tant qu’il a ce qu’il faut, c’est un détail.

L'inconnue planait trop pour répondre à ses questions, peut-être même pour les comprendre. Les yeux plissés à cause de la lumière des néons, sa main tâtonnait sur le bitume pour un paquet de cigarette qu'il alla au final trouver dans la poche d'un manteau noir. Charles le regarda porter le bâtonnet de papier à ses lèvres gercées et soupira en silence, ses épaules s'abaissant dans le mouvement. Les comportements auto-destructeurs n'avaient jamais fait partie de son environnement. Du moins avaient-ils la décence de se cacher : si son frère assassinait sa santé physique et morale, c'était pour le bien de sa famille future comme présente, donc excusable. Enchaîner une dizaine de bières puis trois cigarettes, c'était un déréglage qui ne se cachait pas, c'était frontale et il détestait devoir composer avec ses gens qui avaient un grains dans leur tête ou un problème dans leur vie et qui le montraient d'une façon cachée et pourtant toujours trop direct. C'était encore cet « à-côté », pas si à côté mais en tout cas caché, qu'il ne voulait pas voir parce qu'on lui avait apprit qu'il ne fallait pas le montrer. C’était aussi sa responsabilité à lui, alors qu'il servait un énième verre à un gars dont la consommation ne faisait qu'augmenter. Une pique de culpabilité et des lèvres pincées qu'il n'avait jamais connu dans son travail au bar de plage. Quand il portait le tablier noir de serveur, il ne pouvait qu'obtempérer. Alors maintenant, une demi-heure après que le bar est fermé, il se fit un plaisir d'ignorer la seconde question de l'inconnu.

« Il est minuit trente-sept... » Dit-il avant de tourner la tête pour observer un côté et l'autre de la rue. Il y avait un konbini dont l'écriteau jaune brillait entre deux immeubles, pas grand chose mais toujours un endroit éclairé et ouvert toute la nuit où il pourrait déposer l'inconnu en cas de besoin.

Avec quelques secondes d'hésitation, il ramena son sac devant lui pour en tirer une petite bouteille d'eau, cabossée et tiède à coup sûr, mais ils devraient faire avec. Il n'allait pas atteindre de l'inconnu dégrise avec un estomac vide et il ne semblait pas capable de répondre dans son état présent. Du bout des doigts, le métis attrapa la cigarette entre les lèvres de l'inconnu, imitation inconsciente de la prise vue et revue d'Ashton. Il lui enleva avec une crispation discrète dans les épaules, espérant éviter des protestations, et la rangea dans une petite poche au fond de son sac.

« De l'eau, ça sera mieux. » Dit-il, tendant la bouteille à l'homme. Le sarcasme qu'il avait développé au contact de ses collègues ces dernières semaines menaça de prendre la forme d'un commentaire sur l'interdiction de fumer hors des zones prévues, mais Charles avait de la salive à économiser. En même temps qu'il défaisait le bouchon, une galère de moins pour l'inconnu qui avait déjà trouvé ses cigarettes par chance, il redemanda :

« Vous avez un moyen de rentrer chez vous ? Vous habitez près d'ici ? » Son vouvoiement faisait tâche au milieu de la rue et de l'haleine d'alcool de l'homme en face de lui, mais c'était le petit détails qui permettait de ne pas basculer dans le personnel. Ou du moins de garder une certaine distance. De donner l'illusion que Charles n'était pas la bonne poire qu'il était.

Les lèvres asséchées, je passe ma langue dessus rapidement pour dissiper la désagréable sensation, faisant attention à garder mon bien en bouche malgré tout, tout en respirant lentement, sans pondérer plus que ça.
J'ai comme qui dirait la tête vide.
On pourrait me secouer que je révèlerai des trucs random comme la boule magique 8.
Je sais pas pourquoi je me souviens de ce genre d'objet, peut être à cause du billard.
Yavait un billard dans ce bar ?

Je digresse mais je crois que l'ange du père noël a pas trop compris ma demande. "N'y compte pas" comme dirait la boule : Je peux m'asseoir sur le briquet. Rah...
Pas au premier degré non.
Tout du moins ai-je l'heure dans mon malheur.

- Minuit trente-sept...

Fis-je en écholalie, tentant une réflexion quelconque dans ce cerveau désespéramment absent. Est-ce que j'avais quelque chose de prévu ? Non, je serais pas venu au bar dans le cas contraire.
Ou plutôt, je n'aurais pas accepté la proposition d'Hayate quand il a voulu "m'inviter" pour me remercier d'avoir fait son premier tatouage : le premier de moi.
C'est qui lui ? Cherchez pas, un gars un peu louche que je connais depuis quelques années.
Ah, c'était ça donc. La mémoire remonte quelque peu.

Pas de quoi être totalement sûr s'il s'agit vraiment de ce qu'il s'est passé ou d'un souvenir plus antérieur en tout cas puisque cette introspection est interrompue par un bruit de plastique. Certains le trouverait aussi désagréable que celui du polystyrène ou d'un ongle sur un tableau, moi je ferme simplement un oeil, le seul valide. Ce qui doit me donner l'air de fermer les deux vu qu'on voit pas le deuxième. Et descend l'iris sur la source du bruissement.
Une bouteille d'eau à première vue.

Hm, le seul soucis ? Sentir que la clope se détache de ma bouche.
Qu'est-ce que c'est que ce...
L'inconnu que je crois être brun vient de me priver de ma douceur comme on aurait retiré une sucette à un gosse. Ce qui ne me plaît pas beaucoup. Je ne sais même pas où il vient de la fourrer tandis qu'il me propose de me désaltérer à la place.
J'ai perdu ma clope. On m'a déclopé ma clope.
Je soupire un bon coup et tique de frustration en le voyant débouchonner son contenant "d'eau" qu'il vient tendre vers moi.
De l'eau ou tout autre liquide qu'il voudrait me faire boire. Pas que je sois en état de l'en empêcher si il voulait vraiment me le faire ingurgiter cela dit.
Gavé au goulot par le déclopeur de service.

Soit, si je bois ce sera moins prise de tête et j'ai plus de chance qu'il me la rende en obtempérant qu'en essayant vainement de bouger des bras.
Pas dans la plus grande élégance c'est sûr, je dois sûrement en avoir renversé sur moi vu la façon dont je tiens le plastoc entre mes doigts.
Oui, je sens effectivement l'humidité sur mon torse.
Maintenant, heureux ? Je peux avoir mon sucre ? Non ?

Cher Noba, vous avez en ce jour la grâce d'une brique et la chance d'un... lavabo ? Je suis pas d'attaque pour les comparaisons lyrique.

Tout ce que je peux dire, c'est qu'il n'a pas fini de s'occuper de mon bien être pour une raison qui m'est obscure quand il me pose une autre question.
Chez moi ?
Chez moi...

- Sûrement. Deux secondes.

À cette réponse lente, je réussi par on ne sait quel miracle à sortir mon smartphone sur lequel je pianote, je viens, étonnamment, à en oublier le vol éhonté que j'ai subi il y a quelques secondes.
Mouais... Je suis pas si loin selon la map, j'hésite un instant à appeler Kenji en passant mon doigt sur les contacts puis, abandonne finalement en verrouillant l'engin.

Étape 2, se redresser.

- 'juste besoin des jambes

Ne terminant que cette phrase incomplète d'un regard vers... plus haut ? Sans doute pour initier un contact visuel approximatif, je me permets de m'appuyer à la fois sur le bras de mon "sauveur" des neiges et sur le mur sale afin d'enclencher un mouvement à la fois simple et lent : celui de bouger mes jambes pour les plier et les utiliser comme tremplin improvisé.
À croire d'ailleurs que la soirée est remplie de miracle car je réussi on ne sait comment à me retrouver sur mes deux jambes, le téléphone toujours à la main bien sûr.

...

Oh là... ça tangue...
Hm. Les vaguelettes de part et d'autres de mon champ de vision me font un peu perdre la notion de distance.

C'est pas grave, ça se gère.

Quand l'inconnu avait accepté de boire, Charles c'était dit que c'était la fin de son calvaire qui s'approchait. Il y avait cru, avait placé le peu de foi qu'il lui restait dans le peu de lucidité encore présente de l'inconnu. Il était resté près, pour le soutenir s'il semblait vaciller dans son ascension. Et puis le type était retombé au sol quelques secondes à peine après avoir réussit à se tenir debout. Charles paniqua et s’agenouilla près de lui, déjà en train de s'imaginer devoir appeler une ambulance.

Il glissa sa main sous la mâchoire de l'inconnu, immobile quelques secondes, jusqu'à ce qu'il puisse sentir un pouls régulier quoiqu'un peu lent. Le métis se redressa avec un soupire et fixa le mur face à lui avec un regard vide. Il avait une tonne sur chaque épaule, et un mal de crâne en train d'arriver en douceur. Toute cette situation était trop pour lui et Jun avait raison : il serait bien moins sympathique et miséricordieux avec les clients alcooliques à partir de maintenant. Parfois, il devrait apprendre à faire comme Ashton, et n'en avoir à rien foutre. Il ramassa le téléphone de l'inconnu, un sifflement entre ses dents quand il vit une fissure dans le haut de l'écran. Il s'attendait à devoir essayer de deviner un code à partir des traces de doigts sur l'écran, ou à utiliser la reconnaissance faciale et repousser les mèches qui cacher à moitié le visage de l'inconnu. Mais il n'y avait pas de mot de passe. Plus il restait avec ce type, plus le profils qu'il en dressait être une catastrophe bordélique. Alcoolique, fumeur, et pas assez d'instinct de survie pour installer un mot de passe sur un téléphone. Au moins pouvait-il le remercier d'être resté dans ses contacts, sur un numéro en particulier. Vu la précision absente des geste de l'inconnu quand il avait tenté de se relever, Charles ne pouvait pas être sûr qu'il n'avait pas choisit par mégarde le numéro de son patron. Il resta quelques secondes avec son pouce en train de planer au-dessus de l'écran, avant d'appuyer.  Les conséquences ne serait pas pour lui et il faisait déjà beaucoup. Beaucoup plus qu'il n'aurait fait avant de venir travailler ici.
Deux sonneries et puis quelqu'un décrocha, le ton énervé.

« Désolé de vous déranger, je suis avec votre ami dans une rue D'uzume. Il a trop bu et a essayé de vous appelez avant de heu s'endormir. » Charles allait droit au but pour ne pas énervé un peu plus son interlocuteur, et diminué un peu la réalité pour ne pas créer une panique générale. L'inconnu était sûrement plus proche du coma éthylique que du sommeil. « Est-ce que vous pourriez venir le chercher ? Je peux vous envoyer l'adresse. »

Il savait. Quand l'homme a l'autre bout du téléphone avait commencé à élever la voix, Charles avait sût que la situation ne faisait plus parti de celles qu'il connaissait et pouvait gérer. Il avait envisagé de partir une fois l'adresse transmise, pour éviter un remerciement sous forme de point au coin de la mâchoire. Mais au final ses pieds ne bougeaient pas, et il resta à côté de l'idiot alcoolisé, qu'il avait renversé en position latérale de sécurité avec précaution.  

Au bout d'un petit quart d'heure, il entendit des pneus grincer sur l'asphalte à quelques rues, et s'approcher jusqu'à ce qu'une voiture pile juste devant leur rue. Le métis regarda l'homme qui descendit, sûr qu'il s'agissait de celui qu'il avait eu au téléphone à la façon dont il violemment la portière. Charles ne comprit pas pourquoi, mais pendant quelques seconde, l'homme resta immobile et ils se dévisagèrent. Il était en colère, paniqué, inquiet, et c'était normal mais le métis refusait de faire parti des dommages collatéraux de la tempête. La main de l'homme restait aussi étrangement dans un pan des pans de son haut, et il crut pendant un instant qu'il était blessé. Puis l'homme commença à approcher et Charles eu un haussement de sourcil sarcastique, se levant pour laisser l'autre s'agenouiller à côté de son ami. Dans le mouvement il vit ce qu'il tenait et ses yeux s'écarquillèrent. Charles ne s'y connaissait pas en arme à feu. Vraiment pas. Alors il espérait s'être trompé et ne pas avoir reconnu la crosse d'un pistolet, ou revolver, ou quoi ce soit le nom de ce l'homme tenait dans une poche intérieure.  

A sa connaissance, les plus promptes à ce balader avec ce genre d'arme étaient des yakuzas, alors ses yeux cherchèrent pour rien un tatouage quelques part sur les poignets ou le cou de l'homme. Mais rien. Et les yakuzas n'étaient pas sensé s'en prendre aux civiles, même si les derniers événement avaient plutôt contredit cette tradition. Autant dire que Charles n'était pas du tout hors de portée.

« Rien, je vous l'ai dit il a trop bu. Je suis barman là où il a passé la soirée, j'ai juste vérifié s'il allait bien après qu'on ai fermé. » Dit-il avec froideur, une raideur dans la voix malgré ses tentatives de paraître naturel. Le plus simple était de faire comme s'il n'avait rien vu, confirmé qu'il était un simple citoyen, et partir loin et vite. Il aurait aimé tourner les talons et partir, les planter tous les deux là. Mais il ne voulait pas tourner le dos à quelqu'un d'armé. Pour l'instant il n'avait pas d'autres options qu'attendre que l'homme soit assez calmé pour laisser tomber l'idée d'utiliser son arme.

Après quelques secondes à se fixer en chiens de faïence, l'homme sembla décider que Charles disait la vérité, et chacun de leur côté ils perdirent de leur crispation. Il était même étonné que l'homme s'excuse, c'était un désamorçage rapide, très rapide, même trop rapide, et il se demanda s'il n'avait pas mit les pieds dans quelque chose qui avait intérêt à rester secret. Il y eu encore quelques résidus de d'anxiété quand l'homme glissa une main dans une de ses poches mais le métis reconnu les couleurs fades des billets, une crispation au bord de la lèvre. Même si elle était présentée comme une compensation, la liasse de billet ressemblait un peu trop à une façon d'acheter son silence. Il voulait la paix, et retourner chez lui parce qu'il avait encore un chien à promener, deux chats à nourrir et des plantes à arroser, alors il tendit la main sans rien dire. Mais il savait qu'il n'utiliserait pas ses billets. Il pourrait les donner à Ashton.

Le métis lança un coup d’œil à l'homme une fois l'échange finit, nota son expression fatigué et les légères cernes sous ses yeux. Il y avait d'autres éléments qui avaient participé à son agressivité ce soir. Une nouvelle fois il se demanda si l'homme était vraiment yakuza – si celui étalé parterre en était aussi un. Par sûreté, il préféra donner le nom du bar à côté du sien. « Le Fujiwara » dit-il avec un signe de menton vague en direction de la devanture des deux bars, celui dont il donnait le nom et celui où il travaillait. Tout ce qui pouvait le trahir, c'est que le Fujiwara fermait une heure avant, que s'il y travaillait réellement, il serait donc resté presque deux heures seul avec l'homme évanouit. Mais ça, c'était une information qui demanderait quelques recherches.

Charles salua l'homme d'un signe de tête raide, ne bougeant pas pendant quelques secondes, attendant qu'il s'éloigne, avant de partir de son côté. Ses pas étaient pressés en même temps qu'il sorti son téléphone de la poche de sa veste.