Un tintement métallique rebondit sur le comptoir et j'attrape entre mes doigts les clefs du salon alors qu'un flash me rappelle la scène rocambolesque derrière ma nouvelle possession. Provisoire paraît-il, mais le souvenir d'un Kenji sur le point d'assassiner le rare spécimen qu'est Zei la Licornale est pour le moins... cocasse.
Un souffle du nez involontaire me rappelle aussi l'amusement cynique de cette vision, puis je range le trousseau dans une poche de mon pantalon, revenant à la réalité du travail épuisant et pénible.

Rester le cul vissé sur une chaise, le dos rond et le dos de la main tenant vaguement ma mâchoire en attendant que le temps passe à la vue de l'horloge stylisée au mur d'en face bardé de tableaux en tout genre, dont nombre d'entre eux illustrent des tatouages, est loin d'être une activité passionnante : sans dec ?
Tic tac, tic tac, un bruit inlassable qui finit par me faire bâiller à travers la salle vide. La vie n'est pas présente dans ce bâtiment (le fun non plus). Personne.
C'est sûr que ça m'évite de taffer d'un certain côté, ce qui peut être arrangeant. Et ça s'explique par la teneur relativement nouvelle du salon de tatouage de Kenji. Pas encore de contact, pas encore assez de client ou de réguliers. C'est juste une conséquence logique.

Je pourrais fermer on me dira, certes, ce serait envisageable. Si une visiteuse inopinée ne s'était pas pointée en plantant son drapeau comme un certain gamer ayant manqué de rejoindre les anges ya pas longtemps. Ou les diablolutins du perce oreille. C't'une notion assez floue. Je digresse.
En y repensant, j'accorde pas trop d'importance à sa présence, je sais juste que je ne peux pas fermer quand une personne est là.
Quant à comment elle est, j'imagine bien installée dans une salle à côté, je saurais pas dire depuis quand.

Hm. J'ai soudainement une impulsion, celle de me relever de ma place assise et de me diriger vers une des salles. Pile là où l'occupante se trouve, affairée sur ses écrits dont j'ignore la teneur. Un journal intime d'américaine cliché ?
Qui sait ? Je me contente d'entrer en attrapant mon carnet sur l'étagère à gauche ainsi qu'un crayon à papier bleu tandis que je m'assois à côté d'elle, sur un siège qui émet un grincement léger sous mon poids. Je ressens l'envie soudaine et pressante de la dessiner pour une raison qui m'échappe.

Un instant je m'arrête et la regarde, avant de revenir immédiatement sur mon crayon qui crisse sur le papier, comme happé par mon croquis.