Je m’en veux… Je m’en veux terriblement d’avoir laissé tomber Mia comme une merde pour aller récupérer Noba. En même temps, ce type-là qui était avec lui… Il aurait très bien pu être un Yakuza d’un autre gang et prendre mon meilleur ami comme appât pour me faire venir. Je vais me faire déglinguer par Mia. Elle va me tuer, c’est certain. Et je viens de penser que je ne lui ai même pas présenté Noba… Prise de tête… Pris de remords, j’envoyais un message à la jeune femme une fois rentré, m’excusant d’être parti comme ça et m’excusant de l’étouffer comme je le fais, à vouloir la protéger de tout et n’importe quoi. Pour sûr que nous n’avons pas terminé cette discussion.

Je devrais disparaitre quelques temps, le temps de réfléchir à mes actions, à ce que je veux vraiment, à nous deux. J’ai l’impression d’être juste un fardeau pour elle. Après tout, pourquoi une femme exceptionnelle comme elle se trainerait un boulet comme moi ? J’ai les larmes qui me perlent le long des joues tandis que je conduis pour rentrer. Je me sens mal, terriblement mal. Franchement, ouais, qu’est-ce qu’elle fout avec moi ? En plus d’être un fardeau, j’ai aussi l’impression de plonger dans mes propres ténèbres, mes propres affres. C’est bien connu, je détruis tout ce qui se trouve sur mon passage. Quant à ces problèmes de clan… J’appellerais bien mon oncle pour lui demander quoi faire. Ça fait au moins quatre ans qu’il n’est pas revenu nous voir et même s’ils ne s’entendent pas avec mon père, je lui refilerais bien le taff de chef de clan pour pouvoir être certain de partir du clan sans excommunions.

Mon père ne serait pas super content vu qu’il a un peu de mal avec son frère mais en même temps, il ne voudrait pas que son propre fils soit excommunié. Ou je pourrais aussi aller coopérer de mon propre chef avec la police. Je sais bien que normalement, si on collabore avec la police, c’est plutôt par vengeance personnelle que pour réellement rendre service aux services publics. De toute manière, vu les pères Hashimoto et Yumitsu qui ne voient pas du tout d’un bon œil que je reprenne l’affaire… Si je les écarte définitivement du clan, ça pourrait m’aider à assoir ma suprématie. En fait, plusieurs possibilités s’offrent à moi pour me barrer du cercle et devenir un citoyen ordinaire. Déjà, je fais dans l’ordinaire avec mon futur salon de tatouage ! Ainsi, si j’écarte les éléments gênants, que je refile le taff à mon oncle, je ne serais plus une menace pour les gros comme le Yamaguchi et ils laisseraient tranquilles Mia !

Tout n’est presque qu’utopie de toute manière. Si mon oncle, je suis quasi certain d’arriver à le convaincre de prendre la succession. Depuis que mon père lui a dit que je reprendrais la suite, il n’était tellement pas content qu’il a quasiment coupé tous les ponts avec nous. Je suis bien content de l’avoir retrouvé et d’être en contact avec lui. Enfin bref. Ça n’avance pas le fait que c’est la queue entre les jambes, mal au cœur et au ventre, que je suis rentré cette nuit-là à la villa en ramenant l’ivre mort qu’est Noba jusqu’à mon lit. Il faudrait peut-être qu’il arrête de boire comme ça… Et c’est qu’il pèse l’animal inconscient en plus de ça !

Heureusement que je suis plutôt bien musclé pour arriver à le poser sur le lit. Soucieux de son bien être comme chacun des membres de ma famille de sang, je commençais à le déshabiller, le laissant en caleçon pour aller mettre ses affaires dans la machine. Je me sens chaud, merde, ça ne va pas. Je ne peux pas avoir une crise de foie maintenant. Je ne peux pas tomber malade maintenant. Putain Kenji, qu’est-ce que tu fous sérieux ? Ne devrais-je pas retourner chez Mia ? Ca ne me parait pas être une très bonne idée au vu de la soirée. Je ne serais je ne crois même pas en état de conduire en fait. J’ai les mains tremblantes et une terrible envie de m’automutiler. Ça ne me ressemble pas.

Kenji, tu n’es pas un superhomme. Ptin et en plus, j’ai oublié de prendre mes médicaments. Rien ne tourne plus rond chez moi, ça ne va vraiment pas là. Expire, inspire, expire, inspire. Reprenons où on en était. Noba est hors de danger, il dort comme un con dans mon lit. Mia va me tuer mais tout va bien. Personne n’est en danger de mort, tout va bien. Une fois les médicaments pris, je me laissais aller dans mon lit. Impossible à trouver le sommeil, encore une insomnie. Les heures sont longues, je me tourne et me retourne ayant de plus en plus chaud.

J’entends que ça bouge, pas loin d’ici… C’est déjà le matin ? J’ai dû réussir à m’endormir à un moment donné alors. Transpirant, je pris un temps pour me relever et aller me prendre une douche froide. Mon front est brûlant alors que je passe la main dessus. Ce n’est pas le moment Kenji de tomber malade, absolument pas le moment. La belle au bois dormant qui squatte mon lit n’est pas encore réveillé malgré le raffut. La douche froide me réveille un peu mais je ne suis pas au meilleur de ma forme. Je ne sais plus si j’ai dit à Mia de passer ou pas pour qu’on termine notre discussion. A peine sorti de la salle de bain en me tenant contre le mur que je vis une désagréable sensation de déjà-vu. La jeune femme déjà là… C’est son flingue que je vois là ?

« M… Mia ! Attends, je peux t’expliquer… »

Un bras tendu dans le vide mais complètement désorienté. Est-ce qu’elle m’a entendu ? J’ai eu l’impression que ma voix s’est éteinte au moment où je l’ai vu. J’ai intérêt à avoir une très bonne excuse pour ça là. C’est flou là… Merde. Je finis par m’assoir sur le sol en fermant un instant les yeux, montrant du doigt Noba.

« C’est… mon meilleur… ami d’enfance… J’ai cru qu’il l’avait enlevé… je l’ai récupéré ivre… je l’ai ramené et déshabillé… »

Kenji, tu viens de signer ton arrêt de mort...

Rah fuck… je me doutais bien que ça allait se passer comme ça. Je serais à la place de Noba, je n’oserais pas lever ne serait-ce qu’un petit doigt même. Pourquoi je l’ai ramené dans ma chambre, c’est vrai ça ? Je n’ai pas réfléchi aux possibles conséquences. Je n’ai pas réfléchi du tout parce que mon cerveau n’arrivait plus à tourner rond. Je ne compte pas bouger de là bébé, le sol est bien. Je vais y rester un petit moment je pense. Le bruit est assourdissant ; c’est celui de la douche je crois. J’en ai pris une froide vraiment ? Je n’avais pas réglé sur tiède ? Ho bwarf… Je me contente de prendre la pastille qu’elle me met dans la bouche en essayant de recaler les événements et comment je vais lui répondre.

Que je l’appelle ? Vu comment on s’est engueulés, vu comment je suis parti ? Peut-être mais je me suis dit qu’elle m’en voudrait encore. Arf, j’avais oublié qu’Akone était toujours casé quelque part à ses côtés. Et puis, c’est vrai, c’est l’un des seuls qui peut lui permettre de venir ici sans y être invitée par moi. Aah putain, oui que je reprenne mes esprits c’est ça et que je lui explique comment on en est arrivé là. C’est vrai. J’entends aussi la voix de Noba un peu vaguement. Il me faut quelques minutes de plus pour sentir que le médicament fait effet. La fièvre semble tomber un peu et d’un air un peu plus éveillé, je finis par regarder Mia.

« Ouais excuse-moi… C’est Noba. En gros, ma mère et sa mère étaient les meilleures amies du monde, on se connait depuis l’enfance. Je suis un peu son bon samaritain en ce moment et tu sais à cause de ce qui s’est passé avec l’autre clan cet après-midi, j’ai cru que quelqu’un avait fait des recherches sur moi, qu’il était remonté dans mes liens jusqu’à lui et que cette personne venait d’un autre clan. Qu’il voulait me piéger en kidnappant Noba. Noba, je te présente Mia du coup. Ma copine. »

C’est un peu ça l’histoire en fait. En bon parano que je suis parce qu’un mafieux doit toujours rester sur ses gardes, j’ai vraiment cru qu’on voulait m’atteindre en touchant à mes proches. Mais heureusement, je me suis trompé. Les présentations ont été faites un peu à la va vite et surtout, ce sont des présentations musclées…

« Et en fait… cet imbécile avait juste bu comme un trou… Le gars qui l’a retrouvé était en fait sympa… Pas de coups mafieux dans l’air. Je n’ai pas réfléchi quand je l’ai ramené ici. J’ai juste fait au plus vite… Et personne ne sait qu’il est là en plus. »

La fièvre, le coup de pas bien m’a pris d’un seul coup comme ça arrive un peu trop souvent. Puis comme personne n’est au courant qu’il y a un invité, je ne me suis pas posé trente-six questions et je l’ai amené dans ma chambre directement. J’ai encore un peu le tournis mais me sentant un peu mieux, je pris la peine de me lever en longeant le mur. Je crois que je vais juste aller me coucher pour le restant de la journée. En plus, je suis juste épuisé vu que je n’ai quasiment rien dormi de la nuit.

« Si ça peut te faire plaisir Mia… je n’ai pas dormi de la nuit. Noba, tu peux dire à ton téléphone qu’il fait trop de bruit ? »

Quand j’ai une pastèque à la place de la tête, tous les petits bruits me sont insupportables et encore plus le vibreur d’un téléphone. Je passais les bras autour de Mia comme pour m’appuyer sur elle, enfouissant ma tête dans sa nuque.

« On pourrait déménager Ayako, toi et moi quelque part t’en penses quoi ? »

Okay, on passe du coq à l’âne maintenant. Faudrait peut-être que j’aille dormir non ? En même temps, on a laissé notre discussion et ce point en suspens. Ah ouais faudrait peut-être que je demande à la belle au bois dormant s’il a bien dormi. Je me redressais un peu et jetais un coup d’œil au jeune homme.

« Désolé au fait Bro, je n’ai pas cherché à comprendre je t’ai ramené direct ici. Je n’avais pas les clés de chez toi, pas envie de fouiller. Pas trop mal de crâne ? J’ai ce qu’il faut sinon. »

Oui bon, bon okay j’aurais pu lui envoyer un petit message pour lui dire que je récupérais un ami ivre, c’est vrai… Mais ça ne résout rien au fait qu’elle aurait été en colère quand même parce que je l’ai quitté sur notre dispute pour un truc mineur. Les femmes sont vraiment difficiles à comprendre. Enfin, je suis plutôt d’accord avec elle sur le fait que Noba pourrait apprendre à mieux gérer son alcoolémie. J’en ai un petit peu marre de jouer les bons samaritains et surtout de les jouer en pleine nuit. Mes insomnies ravagent déjà assez bien comme ça mes nuits et ma santé. Comme si je pouvais réellement lui laisser penser que mes problèmes de santé passaient avant ses problèmes… Pour moi, c’est tout le contraire. Pour elle, ce sont mes problèmes de santé qui passe avant tout, pour moi ce sont ses problèmes à elle, tout ce qui la concerne qui passe avant ma santé. Quel couple pas du tout complémentaire nous faisons quand même !

Alors que je lui donne ma proposition pour que l’on puisse vivre notre couple peut-être de façon plus calme, voilà qu’elle pleure. Ah non… Mia… C’est plus qui me soutient que moi pour le coup, tant je ne suis pas très sûr de mon équilibre. Je me retrouve bien vite propulsé sur mon lit, m’affalant dessus. Heureusement que j’ai atterri au milieu, il n’aurait plus que manqué que je me rate complet et que je fasse un roulé boulé jusque sur la moquette et que je me fasse mal tiens. Mia enchaine, elle a eu aussi cette idée. Il me semble bien que ce soit la seule idée prometteuse qu’on ait réussi à avoir dans notre engueulade… Être là tous les soirs, je pense que oui ça devrait être jouable. Non, cela doit être jouable quoi qu’il arrive. J’acquiesce, oui je sais bien que les promesses ont beaucoup de valeur et pour rien au monde, je ne voudrais en briser une. Je me redresse tant bien que mal sur mon lit, j’allais lui dire ce que je comptais faire mais ne m’en laissa pas le temps.

Ah oui… mes médicaments. J’ai oublié, en même temps, je me suis levé il n’y a pas longtemps, j’ai essayé de prendre une douche pour rassembler mes idées mais ça n’allait pas. Heureusement qu’elle est là en vrai. Je ne sais vraiment pas ce que je ferais sans elle. Je prends le verre d’eau et les médicaments qu’elle me tend, ayant un peu oublié Noba. En réalité, il n’y a qu’elle et moi qui compte dans cette pièce. Nous n’avions pas fini de discuter, nous devions tirer tout ça au clair.

« Je veux travailler avec toi Mia, je ne veux plus non qu’on s’engueule pour un rien, et oui, je te promets que je rentrerais tous les soirs. En fait… pour le Yamaguchi, il y a une solution pour qu’ils te laissent tranquilles, qu’ils nous laissent tranquilles. »

Tant pis, Noba sera aussi au courant de mon plan. Je ne comptais pas forcément le lui dire tout de suite puisque cela n’a pas vraiment d’incidence sur lui. Du moins, ça ne devrait pas en avoir. Je ne sais pas encore comment je tiens à peu près debout, un bâillement tiraillant ma bouche alors que je viens attraper Mia pour pouvoir l’enlacer, ma tête contre son ventre puisqu’elle est debout contre lui et moi plus ou moins assis, couché dessus.

« J’ai un plan… Il ne va certainement pas te plaire mais c’est en vérité la seule solution pour pouvoir vivre une vie à peu près sereine. »

Je ferme les yeux, ma tête tambourine encore un peu. Je m’accroche à elle comme à une bouée, pris par le désespoir de m’enfoncer dans les ténèbres. La fièvre encore un peu présente m’intime de plonger dans les bras de Morphée pour un repos sans doute bien mérité et mon corps crie à l’aide également pour se reposer et retrouver toute sa vigueur.

« Mon oncle a des liens avec le Yamaguchi… Il va reprendre le clan. On sera affiliés au Yamaguchi… Tu ne craindras plus rien… comme ça. Pour vivre à tes côtés sans crainte, je ne peux… devenir le chef de clan. Et je ne le veux pas. Je ferais juste le sale boulot à la place mais je serais plus présent au moins. »

Je vais certainement devoir collaborer avec des membres du Yamaguchi présents dans la branche d’Izanami mais tant pis. C’est soit ça, soit devoir continuer à vivre avec la crainte qu’il arrive quelque chose à Mia, devenir un chef de clan que personne ne veut suivre. Je vais sans doute devoir encore me salir les mains et mes insomnies vont sans doute devenir de pire en pire mais… ça à côté de pouvoir passer du temps avec la femme que j’aime, avec ma fille adoptive, loin de la villa. Je signe. Sans doute ma santé en prendra peut-être encore un coup mais connaissant la bienveillance de mon oncle, je sais qu’il ne va pas tout le temps m’appeler pour faire le sale boulot. Il a promis qu’il me ménagerait et je ne manquerais pas de le lui rappeler au moment où je l’appellerais pour conclure réellement cet accord. Rien n’est encore fait pour le moment, c’est en voie de discussion avec le Yamaguchi.

« Ça t’ennuie si je dors quelques heures ? Je ne suis plus certain de pouvoir tenir… »

Mon étreinte n’a jamais été autant leste que ça. J’en tremblais même dans les bras pour arriver à me maintenir contre elle et à maintenir cette étreinte, tant la fatigue m’assaille. Je sais qu’elle saura se débrouiller avec Akone pour faire sortir Noba. Et au pire, elle pourra toujours dire aux autres que c’est moi qui l’ai ramené ici. Tout le monde sait mon goût du « je fais ce que je veux quand je veux, ne posez pas de questions ». Je me prendrais une bonne engueulade et puis tout ira bien.