Me revoilà Kobe. Mis à part les changements mis en place par mon oncle très rapidement après son « couronnement », rien n’a vraiment changé ici. Les mêmes rues, les mêmes bâtiments, la même propreté et la même odeur de danger. Je n’ai appelé personne pour le moment afin de les prévenir de mon retour ; ils auront plutôt la surprise quand je me rendrais à la villa pour y récupérer mes affaires et accessoirement mon téléphone. Il y a d’abord quelqu’un que je dois voir. Je doute que nos retrouvailles soient heureuses vu comment je l’ai laissé en plan mais c’est la première personne que j’ai envie de voir. La seconde sera Ayako. Ensuite les autres. Je me rendais tranquillement jusqu’au bar à hôtesse, m’attendant à trouver Mia sur les lieux. Mais alors que j’arrivais à proximité, je ne vis point de lumière… Et surtout, des types étaient en train de transporter des cartons. Du ménage ? Fronçant les sourcils, je m’approchais d’eux afin de savoir ce qu’il en était. Mon oncle a aussi opéré des changements ici… Mia n’est plus là… Le bar ne lui appartient plus… Mais… et les filles alors ? Il m’avait promis de ne pas toucher à ce qui appartenait à Mia ! La mine complètement renfrognée, je m’éloignais bouillonnant une nouvelle fois. Je téléphonais à mon oncle pour avoir le fin mot de l’histoire.

« C’est quoi ces conneries mon oncle ?! Pourquoi le bar n’est plus à Mia ?! T’en fais quoi des filles qui bossaient là hein ? Et Mia ! Où est-elle ?? »

« Holà du calme mon garçon. Je suppose donc que tu as finis par enfin rentrer… C’est trop dangereux pour Mia de rester dans ce bar. Réfléchis imbécile. Tu as été déchu, tu es devenu un simple Yakuza et il y a certainement des traitres qui voudraient te voir mort pour m’atteindre. Tu ne crois pas qu’ils vont essayer de s’en prendre aussi à Mia ? Elle est au salon de tatouage. Pour l’instant, c’est notre meilleure couverture pour pouvoir la protéger. Je lui ai donné un bon boulot mais ne t’en fais pas. J’aurais quelques projets pour vous deux bientôt. »

« Tout ce que tu me dis ne me rassure absolument pas. Le salon de tatouage donc… Merci. »

« Oublie pas de passer nous voir ensuite hein… Ingrat. »

Ouais, ouais, je suis ingrat, un petit con de temps à autre. Tu peux bien dire ça mon oncle, je m’en fiche. Mais je vois, il a préféré lui donner un job d’hôtesse d’accueil au salon de tatouage. Là où elle ne pourra pas se défendre correctement si ça tourne mal car il y pas mal de passage. Je ne sais pas si c’est une très bonne idée. Cependant, je n’ai pas aimé le ton sur lequel il m’a fait cette proposition. C’est quoi encore son truc de projets pour nous. Il y a une chose que je dois faire avant de pouvoir aller voir Mia. La seule chose qui pourra me garantir que le Yamaguchi ne l’utilisera plus comme un pion et qui assurera qu’elle a la protection en tant que membre de la famille.

Je sais que le moment est très mal choisi pour cela mais si je veux garantir une pleine sécurité à Mia, je crains de ne pas avoir d’autres choix. Je me rendais ainsi donc dans une bijouterie pour choisir une bague. Un bijou délicat pour une femme délicate et forte à la fois. Un bijou qui soit plutôt discret car je sais qu’elle n’aime pas non plus tout ce qui est extravagant avec de petites pierres incrustées dans l’anneau en argent. Une fois mon achat fait, je mis la boite avec la bague dedans dans la poche de ma veste avant de reprendre ma route. Suis-je vraiment prêt à la revoir ? Je ne suis sans doute plus le bienvenu dans sa vie et pourtant, je veux continuer de m’accrocher à elle. Le trajet ne fut pas très long jusqu’au salon de tatouage. Il y a beaucoup de passage dans cette rue oui donc finalement pas étonnant que mon oncle ait préféré faire transférer Mia ici. Les talons de mes chaussures claquent le sol, tandis que je marche les mains dans les poches, nerveux comme jamais.

Je rentrais à tâtons discrètement, la jeune femme ne m’ayant pas encore repéré. Je tentais de calmer ma nervosité, me retrouvant ainsi debout au milieu de la pièce. Un violon, plus exactement un son strident qui me fit sursauter. Elle a fini par me voir. Je voudrais la prendre dans mes bras là tout de suite mais j’avoue qu’elle me parait assez dangereuse avec son archet pour le faire. Je m’avançais doucement vers elle, découvrant ainsi mon visage. Celui d’un homme serein. Elle me croyait mort… C’est légitime, d’après mon oncle beaucoup ont cru que j’étais mort jusqu’à ce qu’ils leur lisent la lettre à la cérémonie.

« Je sais… Comme beaucoup d’ailleurs… Je te demande pardon Mia. »

Ho et puis merde, tant pis si le moment est mal choisi pour quoi que ce soit. Il est hors de question que je refrène le fait que je sois heureux de la revoir. Je finis par l’entourer dans mes bras pour une étreinte de quelques secondes avant de me reculer, la prenant à revers avant qu’elle ne veuille me repousser. Je sortis de ma poche le petit boitier avant de l’ouvrir et de lui présenter la bague.

« Épouse-moi Mia. »

Mon corps réagit tout seul lorsque je vis la jeune femme commencer à vaciller. Ho merde ! Mia ! Je la rattrapais ainsi que le violon in extremis. L’ayant toujours contre moi, la tenant d’un bras, je posais de l’autre délicatement le violon au sol avant de m’assoir à même le sol avec la jeune femme contre moi. Je ne pensais pas que le fait de me revoir la ferait réagir comme ça… Je l’aurais bien emmené à l’hôpital mais est-ce que ça vaut vraiment le coup ? Rah tout se bouscule dans mes pensées et je ne sais que faire alors qu’elle prend son temps pour se réveiller. Je touche son front, elle n’a pas de fièvre, c’est déjà ça, mais… un détail me perturbe. Est-ce qu’elle s’est bien nourrie pendant mon absence ? J’ai l’impression qu’elle a perdu du poids ; elle parait si frêle entre mes mains… Je suis la cause de tout ça, je ne lui demanderais rien. Pourquoi tu ne t’es pas nourri ? Question idiote, j’ai déjà la réponse. Parce que j’ai disparu des radars pendant quelques temps. Trop de temps.

Je ne suis qu’un idiot hein ? Oui, je le sais bien… Un léger sourire embêté apparu sur mon visage. Je suis parti comme un couillon pendant plus de deux semaines parce que j’en avais besoin. Je ne supportais plus nos engueulades, les merdes avec le clan, avec Noba etc. Trop de pression sur mes épaules, il fallait que je parte pour protéger les autres de moi. Je ne bougeais pas, Mia se mit à pleurer à grands flots. Me mordant la lèvre car je n’aime pas la voir pleurer et je sais que je suis la raison à ses pleurs en plus de ça donc ça me fait mal en plus de me faire chier.

La leçon de morale ne tarda pas trop à venir. Heureusement pour elle, ce n’est pas pour la protéger que je suis parti. C’est vrai que je lui ai juste intimé de m’épouser sans vraiment lui poser la question d'une et surtout, oui j’aurais dû commencer par lui donner quelques explications avant de lui répondre. Ce qu’elle me dit me fait plus que mal au cœur et je comprends qu’elle pleure à chaudes larmes, même si je suis mal à l’aise avec ça. Une fois de plus, je l’ai blessé et je m’en veux énormément. Enfin, le mal est fait, on ne pourra pas revenir en arrière et surtout, je me suis promis de changer pour pouvoir être quelqu’un de meilleur pour elle. Bon, Ayako est donc bien venue habiter avec elle comme on l’avait prévu. C’est une bonne chose, je pourrais garder un œil sur elle de façon plus approfondie. Ha ce cher Akone… C’était mon lieutenant, quoi de plus normal… C’est son devoir de me protéger, de savoir où je suis et de me suivre où que j’aille après tout. Enfin, toujours est-il qu’il va être l’heure des grandes explications et je ne suis pas très doué pour ça quoi qu’on en dise.

Je fus néanmoins surpris quand elle me demanda de recommencer avec un genou à terre cette fois-ci. Ho vraiment ? Tu serais prête à m’épouser quand même si j’y mettais les formes ? Je posais le violon intact de façon qu’elle puisse l’avoir en visu et qu’elle sache qu’il n’a pas un impact. Merci mon agilité, j’ai vraiment failli le laisser tomber pour pouvoir rattraper Mia correctement. Il se peut qu’elle ait mal à la nuque et au bras gauche pendant quelques jours… De la gymnastique. Enfin bref, je chassais l’ironie de cette situation pour redevenir complètement sérieux.

« Je sais que je suis un idiot… Pour te répondre, non ce n’est pas pour te protéger que je suis parti. Je suis parti pour pouvoir me retrouver. Nos engueulades, les chutes de tensions à répétition pour diverses choses, la tension que mon père me mettait pour la cérémonie de passation, qui me donnait de la fièvre quasiment tous les soirs... Quand je suis allé faire mon dernier bilan après l’histoire avec Noba à la villa puis l’histoire avec son pote là, le médecin m’a dit que si je continuais comme ça, ce foie vivrait beaucoup moins longtemps que prévu, et que les crises de colères etc. pouvaient amener plus fréquemment à des AVC ou ce genre de choses… C’est lui qui m’a fortement suggéré de prendre de vraies vacances loin de tout le monde… Alors pour ma santé, j’ai préféré partir quelques temps. Je devais aussi m’éloigner du clan pour finaliser les choses avec mon oncle car tout s’est fait dans le plus grand secret sans que personne ne soit au courant, à part toi. Je sais que tu m'en veux d'être parti sans te prévenir mais je me suis dis que si je le faisais, tu chercherais à me retrouver et je voulais pouvoir être seul avec moi-même. Je voulais pouvoir réfléchir seul sur mes sentiments, sur nous deux. Je ne te mérite absolument pas et pourtant je t’aime Mia. Je ne veux plus m’engueuler avec toi. Je ne dis pas que la vie sera facile à cause des changements au sein du clan mais j’ai espoir que l’on puisse arriver à mieux composer et à mieux vivre ensemble. C’est égoïste, je te demande pardon. »

C’est égoïste de ma part de lui avoir dit pourquoi je suis parti. Il fallait que je change d’air quelques temps et que je me concentre sur ma santé principalement. Le fait d’avoir moins de défenses immunitaires que n’importe quel autre être humain me desservit beaucoup trop et si je ne faisais tout de même pas attention à mon train de vie, j’aurais déjà choppé une multitude de virus pas très sympathiques. Sentant qu’elle allait un peu mieux, je me dégageais d’elle avant de reprendre la boite avec la bague qui était tombée pendant que je la rattrapais. Je la récupérais avant de me positionner de nouveau devant elle, cette fois-ci un genou à terre. C’est aussi égoïste la raison pour laquelle je veux l’épouser ; hormis le fait que je l’aime bien entendu. C’est que comme ça, je sais que personne ne pourra la toucher au sein du clan et essayer de lui faire du mal. J’ai espoir que ce mariage arrange certaines choses et nous permettent de vivre un peu plus sereinement notre relation.

« Mia Evans… Toi qui es la lumière de mon monde, un lotus en perpétuel évolution et la paix de mon cœur. Veux-tu m’épouser, moi l’idiot de service qui a accepté de faire le sale boulot de temps à autre pour ne pas avoir à devenir chef de clan et vivre auprès de celle que j’aime ? »

Il semblerait que ma déclaration d’amour suivie de ma demande en mariage l’ait emplie de joie. Tellement que malgré ses larmes, elle me sauta dessus me retrouvant ainsi à terre sur le dos. Un léger grimacement à cause du tatouage tout frais mais rien n’est plus beau que ce moment ou ma joie se mêle à la sienne et ou le sérieux laisse place au rire alors que je l’enlace contre moi. S’agrippant à moi comme jamais, je sentis bien que je n’avais plus le droit de partir comme ça… Surtout sans la prévenir. Un grand sourire de con complètement amoureux apparut sur mon visage alors qu’elle accepte officiellement ma demande en mariage. Le plus beau cadeau que l’on pouvait me faire. Tellement ému que les larmes coulèrent un instant le long de mes joues. Je suis heureux et elle me réitère qu’elle va me faire changer d’avis sur cette idée stupide que j’ai de ne pas la mériter. Ces trois mots, en fait ces six mots me réconfortent dans ma demande en mariage. Je ne voudrais passer le restant de mes jours avec aucune autre femme qu’elle. Je prends l’avertissement avec beaucoup de sérieux. Okay, promis la prochaine fois que je veux me casser, ce sera avec elle. Hum après l’idée de me faire attacher à une chaise pour que je ne disparaisse pas me plait bien mais je vais éviter de la tenter quand même. Je me demande comment Ayako va réagir et surtout les autres…

« Tu as raison, je n’ai plus aucune raison de vouloir m’évader sans toi à présent. Je ne compte plus m’évader… Certes, j’ai fui mes responsabilités en tant qu’héritier du clan mais… je ne veux pas fuir mes responsabilités en ce qui te concerne la plus belle femme au monde. »

Une main dans ses cheveux, l’autre sur sa hanche alors que je prolonge tendrement ce baiser qu’elle vient de m’offrir. Mes doigts viennent s’entrelacer dans les siens alors que je la regarde longuement avec amour et ce sentiment de paix dans mon cœur. Enfin, elle voit la bague et je suis rassuré sur le choix que j’ai fait. Je ne me suis pas trompé cette fois-ci.

« Effectivement, il me faudra une bague à moi aussi ! Je t’avoue, je n’ai pas réfléchi j’ai juste choisi la tienne haha… »

Pire demande en mariage express parce que j’ai décidé de faire ça en deux-deux, tu meures. J’hochais la tête quand elle notifia que l’échange avait été fait. Bien sûr, elle est tout à fait en droit de se poser des questions sur la suite. J’avoue que je me pose pas mal de questions sur la suite également, la tournure que vont prendre les choses. Je pris un air un peu plus sérieux cette fois-ci, gardant ma main dans la sienne.

« Je suis allé au bar, espérant t’y trouver et j’ai failli exploser quand j’ai appris que l’on t’avait enlevé le bar… Mais mon oncle m’a dit que tu serais plus en sécurité ici au salon de tatouage parce que nous sommes dans une rue fréquentée et que le danger serait moins grand ici. A présent que l’échange a été fait et que nous avons été engloutis dans le Yamaguchi, des traitres vont émerger et vont vouloir s’en prendre à moi ou à mes proches pour atteindre le nouvel Oyabun, alors pour ta protection, il a décidé que ce serait le mieux que tu sois ci. Cependant, il a dit qu’il avait des projets pour nous deux mais je ne sais pas encore quoi… Quant à te faire tatouer hum… C’est une bonne question. Je ne sais pas si le fait que tu deviennes ma femme va faire pencher la balance en mode ; les femmes sont en arrière-plan donc pas censées faire officiellement parti du clan et donc pas de tatouage ou si mon oncle après discussion avec le grand boss décide de faire de toi une membre officielle puisque tu as été leur informatrice jusqu’à maintenant. Si tu ne le veux pas, alors je ne veux pas que tu te fasses tatouer, mais je ne décide plus rien à présent. Moi c’est une autre histoire… »

Je n’avais pas spécialement envie de me refaire tatouer mais ça va le rendu est bien. Je dois aussi remettre à plat une chose. Je lui avais promis d’être là tous les soirs. En temps normal, c’est ce qui devrait se passer mais cela va sans dire qu’il va certainement arriver quelques fois où je serais de mission en pleine nuit…

« Je t’ai promis que je rentrerais tous les soirs, cependant, je ne peux pas savoir à l’avance si je vais devoir faire du sale boulot pendant la nuit ou pas… Mais dans ces cas-là, je t’enverrais un message. Si par malheur, je ne pouvais pas t’envoyer de message te disant que j’ai du retard ou quoi, tu sais que je suis dans une sale situation et dans ces cas-là, tu vas directement trouver mon oncle. Je n’ai pas encore tous les détails mais je sais juste qu’Akone deviendra ton chauffeur officiellement et qu’il travaillera avec moi le cas échéant. Je ne te cache pas Mia que les prochains mois vont sans doute être névrosant, surtout pour moi à cause des traitres. Je dois rendre visite à mon oncle, il va me tirer les oreilles pour avoir mis du temps à revenir après la cérémonie mais je dois nous trouver à tous les trois avec Ayako un lieu de vie qui soit le plus caché possible aux gens. Peu de gens au sein même du clan sauront où l’on habitera pour éviter certains risques. Et je vais sans doute parler de la suite, avec qui je vais bosser, j’aurais peut-être aussi droit à plus de détails sur le boulot que je vais avoir à faire. Et aussi sur ces fameux projets pour nous deux. »

Je viens de la demander en mariage, on a passé un moment heureux malgré des retrouvailles laissant à supposer que ça allait le big drama et voilà que je suis obligé de parler de sujets un peu trop sérieux pour le moment de joie que l’on vient de passer. Enfin, après tout, rien ne sert de cacher des choses, et surtout pas quand on est sur le point de se marier et de passer le reste de sa vie avec la femme que l’on aime le plus au monde. Mia sait tout sur notre monde, je sais qu’elle sait combien peuvent être grand les dangers, alors inutile de prendre des pincettes.

« Bon, un sujet autant sérieux mais sans doute plus plaisant. Il va falloir que l’on prépare notre mariage ! Je n’ose pas voir la tête d’Ayako, des autres quand ils vont l’apprendre… Au fait, ça s’est bien passé avec Ayako pendant mon absence ? C’est vrai que je l’ai aussi laissé en plan… Je ne suis pas un très bon père. »

Elle va m'en vouloir et elle aurait tout à fait raison ; je ne suis vraiment pas un bon père pour elle...

On ne change pas un homme impulsif comme ça après tout. Je lui fais totale confiance pour savoir quelle bague m’ira le mieux et je lui souris simplement. Hâte tout de même de voir ce petit bijou. J’en profitais avant de reprendre les choses sérieusement, de lui passer la bague à son doigt. Taille parfaite. Le ton sérieux reprit et je me suis bien douté que ce n’était pas le bar en lui-même mais bien les filles. Elles avaient confiance en elle et elle leur faisait confiance. Je m’en veux un peu pour ces jeunes filles. J’espère que mon oncle leur a retrouvé un travail… le Yamaguchi dispose de quelques bars à hôtesse à Kobe et les autres sont plutôt à Osaka. J’espère que pour leur sécurité, il les a envoyés à Osaka. Il va vraiment falloir que je me renseigne pour ne pas laisser Mia avoir le cœur brisé trop longtemps. Ce n’est pas bon.

« Mia… Les êtres humains ont toujours besoin de pouvoir s’attacher à un de leur semblable. Je me renseignerais auprès de mon oncle pour savoir ce qu’il en est exactement. J’ai espoir qu’elles aient été envoyées dans les bars d’Osaka. »

Ses ongles se creusent dans ma main au fur et à mesure que je lui parle de tout ce qui va se passer dès à présent. Du moins, ce que je sais à l’heure actuelle. Je peux seulement faire quelques suppositions mais je ne sais pas exactement ce qu’il va en être. Cela étant, j’avoue que je ne comprends pas trop pourquoi il aurait des plans pour nous deux. Je ne suis plus héritier, je ne vois pas trop le truc. Une descendance ? Hum, ça peut-être une possibilité dans le cadre où… Ho wait. Serait-ce donc pour ça qu’il a accepté plutôt vite et que je suis sa faiblesse en même temps ? Est-ce que dans sa petite tête de manipulateur, le plan est de me faire faire une descendance pour prendre sa place ensuite ? J’avoue que c’est un plan hyper cocasse et très tiré par les cheveux mais je ne vois pas vraiment d’autres raisons qui le pousserait à me faire grâce d’une certaine manière. Ah c’est vrai qu’il a perdu son propre fils il y a quelques années… Mes souvenirs sont un peu vagues cependant. Enfin, je préfère ne pas trop penser à ce que mon oncle veut faire. Je pense que j’aurais tous les détails dont j’ai besoin très bientôt.

« Je ne sais pas encore quoi comme plan Mia… Je pense que j’en saurais plus quand j’irais le voir. Ah je voulais dire par rapport au tatouage ; tu fais ce que tu veux. Si tu ne veux pas alors je ne veux pas mais si tu le veux, alors je suis d’accord. Je l’ai fait hier… »

Je me relevais afin de poser ma veste en premier lieu. Il n’est pas type du Yamaguchi ce tatouage mais du moment que l’on retrouve la carpe, c’est bon. J’enlevais ensuite mon haut afin de dévoiler mon dos complètement tatoué. C’est encore un peu rouge par moment puisqu’il n’a été fait qu’hier mais il rend déjà bien quand je l’ai vu pour la première fois dans le miroir.

« Qu’en penses-tu ? Le dragon et la carpe Koi ensemble… Ça ne jure pas trop avec le tatouage de dragon que j’ai déjà ? »

Je me suis dit que ça pouvait faire too much mais en même temps, j’ai déjà ce tatouage de dragon depuis de très longues années. Je ne voyais pas comment l’incorporer à cet autre tatouage. Bon après, le style est assez différent malgré tout. Un frisson me parcourt le corps alors qu’elle me dit qu’elle ne veut plus me perdre, me regardant droit dans les yeux et m’ayant agrippé le poignet en même temps. Je sais que je lui demande de me faire confiance aveugle pour les situations où je serais en mauvaise posture mais je ne sais pas comment la réconforter en fait.

« Je n’ai pas encore toutes les réponses Mia par rapport à cet emploi, ce que tu vas faire exactement, ce que je vais faire exactement. Je te promets, demain quand j’irais voir mon oncle, j’aurais des réponses à t’apporter. Je n’aime pas non plus être dans l’ignorance. Ma famille, c’est toi et Ayako. »

Je la vois trembler comme une feuille et finalement me tomber dans les bras. Je fronce un instant les sourcils ; est-ce qu’elle a au moins mangé ces dernières heures ? Bon, une seule solution, c’est que l’on aille dîner. Je pense même que je vais la ramener à l’appartement et que je vais cuisiner quelque chose. Il y aura sans doute Ayako, je pourrais lui parler ainsi. Je prends un air un peu hébété quand elle me dit d’arrêter de la faire flipper. En même temps, il faut bien que l’on commence à réfléchir à ce que l’on va faire non ? Et attendre que le danger soit écarté ? Je ne suis pas certain qu’il va être écarté pour toujours mais pourquoi pas oui essayer d’attendre autant que possible que ça se calme un petit peu. Un mariage à l’occidental ou japonais ? J’imagine que ce doit être différent mais je n’y ai pas encore réfléchi. Bon, en soit, on a le temps d’y réfléchir en fait. Personne pour l’amener à l’autel hein… Qui a dit que je te laisserais seule sans quelqu’un pour t’amener à l’autel ?

Ah oui… C’est vrai que je vais devoir expliquer beaucoup de choses à Ayako. Bon, déjà c’est une bonne chose si Mia a réussi à trouver un terrain d’entente avec elle et que la miss veuille bien continuer le lycée. Têtue comme une mule, comme moi ? Bizarrement, ça me fait plaisir à entendre parce que comme ça, je me sens un peu plus proche d’elle. Mais ne pas lui en vouloir si elle réagit mal, si elle veut prendre de la distance avec moi. Okay, c’est noté chef. Hum, j’aime le cadre que tu as mis ma chère fiancée. J’hoche la tête acquiesçant cette façon d’éducation. Pas d’invités, tout du moins pas d’invités surprises et une seule chose : terminer le lycée.

« Oui je comprends ce que tu dis Mia… Je vais tâcher de m’y prendre autrement avec elle et d’apprendre à agir en vrai père. En tout cas, je te remercie de lui avoir imposé des règles et qu’elle les suive malgré tout. »

J’accompagne la miss pour qu’elle s’assoie le temps que je remette mon haut et ma veste avant de la prendre par surprise et la soulever dans mes bras en mode princesse.

« Bon, maintenant que je suis revenu, il y a une chose urgente que je dois faire pour toi : Cuisiner pour que tu manges quelque chose ! Tu as mangé ce midi ? Ce soir, on ne parle plus des choses sérieuses. Ho tiens, est-ce que je pourrais t’écouter jouer du violon ? »

Je lui donnais les clés pour qu’elle puisse fermer et comme ma voiture n’était pas très loin, je la portais jusqu’à celle-ci. Son appartement n’est pas très loin non plus en voiture. Ah j’espère qu’elle a tout de même de quoi cuisiner dans son frigo et ses placards… Cela fait tout de même plus de deux semaines d’absence et je ne suis pas certaine qu’Ayako ait pris l’initiative de faire à manger en soirée.

Je sais bien que peu importe où sont les filles, ça ne va pas les ramener mais j’aimerais quand même savoir si elles vont bien et si on ne leur a pas fait de mal. Un frisson me parcourut l’échine en sentant ses doigts se poser sur ma peau toute chaude. Quelques soubresauts par moment alors que c’est encore un peu douloureux. C’est moi qui ai insisté pour qu’il me le fasse en totalité, en une seule fois. Après coup, je me dis que ce n’était pas une très bonne idée. Je suis aussi ravi qu’elle me dise que le dragon que j’ai déjà va bien avec le reste du tatouage. Son conseil me fait sourire ; oui pas faux. Son souffle contre mon oreille me donna un nouveau frisson et un sourire parcourut à nouveau mes lèvres.

« Cela me ferait très plaisir de te le faire. Et oui, je vais aller chercher le pot. »

Quelque part, je me sentirais fier d’avoir réalisé le tatouage de ma future femme. J’ai déjà quelques idées pour pouvoir la sublimer mais avant toute chose, avant de faire quoi que ce soit, je dois dessiner mes idées et les lui montrer pour qu’elle puisse les valider ou les faire modifier le cas échéant. Je la regarde en penchant la tête sur le côté, en me demandant à quoi elle peut bien penser alors qu’elle touche mes bras pour ensuite dériver sur mon torse. Je finis par rire en prenant un air bien plus léger.

« Ah tu as remarqué que je m’étais fait du muscle pendant mon escapade ! Faut dire que la vie de moine, sans le côté rituel, les prières et tout le machin, ça laisse du temps pour fortifier son corps le plus possible. Je crois que la randonnée et ma nuit dans la forêt m’ont bien servi aussi. »

Pas peu fier d’avoir repris un peu de muscle sur ce que j’avais commencé à perdre ces derniers temps. Je n’avais pas pris de temps depuis longtemps pour une remise en forme complète, intérieur comme extérieur. Je finis par me relever pour aller chercher le pot de crème et en profiter pour me rhabiller.

« Rassure-toi, je ne compte pas devenir moine ou pasteur. Je me suis juste senti bien, en phase avec moi-même pendant le temps où j’étais là-bas. Et concernant le mariage, oui je trouve ça une très bonne idée de mélanger les deux styles. Ça va être drôle quand mon père va l’apprendre… J’espère tout de même qu’il fera l’effort de venir au mariage de son fils. »

Mia me parle ensuite des questions d’éducation, de matières dont Ayako pourraient avoir des lacunes et je souris. Aucun problème pour tout ce qui est math et histoire, c’est plutôt ma spécialité. Je ris en imaginant Mia sécher les cours et être la fine peste de la classe. Si on n’aime pas les études, on ne peut pas être tout le temps discipliné après tout. Ça ou la villa donc ? Je ne doute pas un instant qu’elle ait préféré suivre les règles imposées par Mia que de rester à la villa. Elle fait partie de la famille mais personne ne l’a jamais réellement accueilli comme un membre à part entière. Seul Ryuji agissait comme un frère pour elle, les autres se sont simplement détournés pour la laisser de côté. Tout comme j’ai pu le faire. Je soupire intérieurement, rien que d’y penser ; je vais devoir rattraper les choses avec elle et rapidement si je veux qu’elle se sente complètement épanouie.

Mia dans mes bras, le salon fermé, je me dirigeais vers la voiture quand elle m’expliqua qu’elle n’avait pas mangé, me demandant au passage de ne pas m’énerver. Donc, quand elle est stressée, elle ne mange pas… Hum, je l’ai donc fait stresser et à cause de ça, elle n’a pas beaucoup mangé. Je la regarde avec un air en mode pas content mais comme j’en suis la cause, je ne peux pas trop m’énerver non plus contre elle. Je soupirais grandement en guise de réponse. Bon, il y a quand même de la nourriture dans son frigo. C’est déjà ça. Ah Mia, comment faisais-tu avant de me rencontrer ? Même si tu ne te nourrissais pas toujours de façon saine, comment faisais-tu ? Il fallait bien que tu manges pour vivre quand même. Enfin, je lui ai promis d’être là et de ne plus disparaitre comme ça.

Nous arrivons enfin à son appartement et quand elle me demande, du moins elle exige presque de venir avec moi demain, je la regarde en étant perplexe. Ça me parait une bonne idée et en même temps, je ne sais absolument pas comment ça va se passer avec mon oncle.

« Il est clairement différent de mon père c’est certain et en même temps, il faut se méfier de lui. C’est un manipulateur comme pas deux… Il a toujours un coup d’avance tu peux en être certaine. Cependant, je suis comme un fils pour lui, je suppose que ça devrait quand même aller. Tu peux venir avec moi et s’il veut te coller quelqu’un aux basques, ne refuse pas… Ça pourrait te valoir un doigt en moins juste pour ça. »

Refuser = déshonneur au grand patron pour lui alors je préfère la prévenir qu’il ne faut absolument rien refuser avec lui. J’aimerais qu’elle garde ses dix doigts et qu’il en soit de même pour moi. Comme je suis un fils pour lui, je peux encore arriver à jouer de ça pour négocier mais je ne le peux pas non plus. J’ai beaucoup de respect pour lui parce qu’il sait faire marcher tout son petit monde à la baguette. Il a toujours été très respecté quand il faisait partie du GinRyu, sauf qu’il prenait trop d’ampleur et mon père ne supportait pas qu’il résolve tout par la violence. Devant sa porte, je me mis en retrait pour l’attendre, mon cœur battant un peu trop fort dans ma poitrine. Sans doute la peur de la réaction d’Ayako. Quand Mia lui posa la question de savoir qui elle avait trouvé au salon de tatouage, je me rapprochais pour qu’elle puisse me voir et je vis sa joie alors qu’elle me sautait dessus. Des tas de questions, de phrases commencèrent à fuser du genre : Où étais-tu ? Tu as fait quoi pendant tout ce temps ? Tu ne vas plus partir hein ? Je me sentais seul sans toi, j’ai besoin de ton aide pour mes devoirs etc… Mon cerveau eut un peu de mal à tout encaisser.

« Okay, okay… Je vais répondre à tes questions Ayako. Mais tout d’abord, je vais aller cuisiner. On m’a soufflé que par ici, on ne mangeait pas très bien en ce moment. »

« C’est de ta faute, tu n’étais pas là pour faire à manger. »

Oui merci de me le rappeler… Posant ma veste sur le dos d’une chaise après m’être bien sûr déchaussé, je me rendis jusqu’à la cuisine pour pouvoir m’atteler à ce que j’aime faire le plus au monde. Un rapide tour des placards pour m’indiquer qu’il y a de quoi faire de la soupe miso, ce qui est une bonne chose plus les sushis précédemment mentionnés par Mia, dans le frigo avec trois œufs. J’ai plutôt intérêt à aller faire des courses pour remplir placards et frigo, demain. Après les choses sérieuses à la villa bien entendu.

« Au fait, j’ai pu récupérer ton téléphone à la villa avant qu’oncle Makoto ne prenne ton bureau. »

« Ah c’est super Ayako, merci. »

Un rapide coup d’œil pour voir la multitude d’appels en absence me fit soupirer avant que je ne commence à prendre de quoi faire des œufs brouillés et mettre de l’eau à chauffer pour la soupe miso. Lorsque le son du violon commença à se faire entendre, Ayako et moi nous nous stoppons pour pouvoir écouter. Bordel… c’est beau. Quelque chose en moi résonna si fort que mon corps lâcha tout son poids pour me retrouver à genoux sur le sol. Cette paix intérieure que j’avais en montagne loin de tout, le calme absolu dans mon cœur et mon esprit, alors que je l’écoute jouer et sa voix… Mia, tu ne m’avais jamais dit que tu avais une voix si somptueuse. Des larmes venant de nulle part commencèrent à couler le long de mes genoux, me remettant debout à la fin de la chanson. Je ne pensais pas que l’écouter jouer et chanter me feraient un aussi grand choc. Je quittais la cuisine un instant pour venir la prendre dans mes bras et l’embrasser de façon passionnée au grand dam d’Ayako.

« C’était magnifique Mia… Je n’avais jamais entendu de chose aussi magnifique. Et surtout pas qui puisse autant me toucher. »

Voilà une autre façon de me calmer on dirait. Enfin, il faudrait voir si réellement lors d’une crise d’angoisse ou de violence, ce moyen peut fonctionner sur le long terme. Bon après, je n’aurais sans doute pas non plus toujours une Mia et un violon à disposition. L’ambiance est sereine et calme, je finis par retourner en cuisine pour terminer ma petite préparation.

« Ayako, je vais essayer de répondre à toutes tes questions. Et je te demande pardon d’avance si les réponses que je vais te donner ne sont pas celles que tu attends. »

Je n’aime pas spécialement parler des sujets qui fâchent pendant que l’on mange. Ça ne me coupe pas l’appétit pour autant mais je n’aime pas détruire l’ambiance paisible d’un repas avec des sujets aussi sérieux soient-ils. Elle doit savoir, bien entendu. Une fois les œufs brouillés prêts, les soupes misos, nous pouvons passer à table. Je servis les filles en sushis et maki avant de me servir et prendre une grande inspiration.

« Tout d’abord, je me dois de t’avertir que j’ai demandé Mia en mariage, et que l’on va réellement vivre tous les trois dès à présent. »

Vaut mieux commencer soft.

« Ho quoi ????? Wha sérieusement ? Mais c’est trop chouette ! Fin… tu n’as pas peur de ce que grand-père va dire ? Pour de vrai, on va vraiment vivre que tous les trois ? »

« On va dire que je me fiche royalement de son opinion. Oui, comme je ne suis plus l’héritier de ce clan, que je ne suis pas devenu le chef, je peux enfin vivre en dehors de la villa et ça vaut pour toi aussi du coup. »

Je pensais bien que l’adolescente serait aux anges de pouvoir vivre en dehors de cette trop grande maison, où elle était la seule de son âge car faut dire ce qui est, il n’y a plus d’enfants en bas âge. Que des jeunes adultes et des vieux.

« Ensuite, non, je ne partirais plus, je te le promets. Ce n’est pas de gaieté de cœur que j’ai pris ces vacances… J’ai dû le faire pour ma santé principalement. »

« Pour ta santé ? Je ne comprends pas… Quand je te vois, tu vas presque toujours bien. »

« Ho ma grande malheureusement tu ne sais pas tout… Je te montre que je vais bien pour que tu ne t’inquiète pas trop Ayako. Ces derniers temps, j’ai été constamment fatigué, malade et fiévreux la nuit à cause de toutes ces histoires de cérémonie et les trucs administratifs pour le clan dont tu n’as pas forcément besoin de connaitre tous les détails. J’ai accumulé beaucoup trop de pression, de stress pour que mes analyses soient vraiment très mauvaises au dernier bilan. »

« Mais… Pourtant, tu n’as rien montré ! Tu étais au courant Mia, toi non ? Pourquoi je suis la seule qui n’ai rien vu ? »

« Ayako, ce n’est pas ton rôle de t’inquiéter pour moi. C’est plutôt le contraire. Un parent s’inquiète pour son enfant, cela ne devrait jamais être le contraire d’accord ? »

« Mais tu vas mieux maintenant hein ? »

« Oui, je vais mieux. J’ai volontairement abandonné mon titre pour pouvoir prendre soin de ma santé, et pouvoir être plus présent pour toi et Mia. Cependant, je dois aussi de te parler de certaines choses qui sans doute vont arriver. »

« Je n’aime pas quand tu prends cet air sérieux… C’est comme la fois où tu m’as dit de toujours laisser allumer le GPS de mon téléphone pour que tu puisses me retrouver si jamais. »

« Je crois que tu as compris toute seule Ayako. Spécialement à partir de maintenant… Je ne suis plus héritier, beaucoup voient d’un mauvais œil le changement, ils vont atteindre mon oncle en me prenant pour cible, moi ou ma famille. Et ma famille c’est vous. Tu te rappelles les deux règles primordiales ? »

« Ne jamais parler à des inconnus qui sont en noirs et s’ils insistent pour que je monte dans leur voiture, les laisser faire et ne pas me rebeller. Appuyer discrètement sur le bouton rouge de mon téléphone pour te prévenir que je suis en danger. »

« Voilà, c’est bien. »

Elle n’a que 14 ans mais j’ai dû dès qu’elle fut en âge de bien comprendre les choses, prendre des dispositions en cas de force majeur. Je sens qu’elle est au bord des larmes parce qu’elle vit dans la peur constante que quelqu’un veuille l’enlever à cause de moi. Je sais qu’elle se fait martyriser par moment à l’école et qu’elle répond par les poings, pour avoir eu plusieurs appels de la part de sa professeure principale. Certains de ses camarades de classe savent qu’elle est dans une famille de mafieux, ce qui va sans dire que c’est très compliqué.

« Au fait, ça va à l’école ? On t’embête encore ? Tu sais que tu peux m’appeler et que je peux aller parler aux parents si ça continue. »

« Raaah pourquoi tu parles de ça ?! Et non merci… Je peux me défendre toute seule. Je me suis inscrite dans le club de Taekwondo. »

« Je veux simplement que tu saches que tu peux compter sur moi, qu'on est une famille tu vois. Enfin bref, les choses risquent de devenir encore difficiles à partir d’aujourd’hui. Je risque par moment de faire du travail que les autres ne font pas. Je risque de rentrer blessé voire ne pas rentrer… il faut que tu le saches Ayako. »

« Pourquoi on n’est pas une famille normale ?! Tu me dis de ne pas t’inquiéter et tu me dis que tu vas être blessé, même peut-être mourir ! Comment je peux te faire confiance alors que je n’ai que toi ! T’es un menteur ! »

Sur ces mots, elle sortit vivement de table avant de partir dans sa chambre et claquer la porte au passage. Je savais que ça se finirait plus ou moins comme ça. Un enfant, même avec autant de maturité ne peut pas comprendre certaines choses. Cependant, c’est dur de se prendre ces mots en pleine face. Je ne suis pas un menteur… j’expose juste les faits et je la prépare juste à ce qui pourrait arriver. Je finis par regarder Mia.

« Ça s’est plus ou moins bien passé, t’en penses quoi ? Okay, j’avoue avoir été un peu rude sur la fin mais elle a grandi dans le clan. Ce n’est pas comme si je pouvais lui expliquer les choses autrement en fait. »

Ça m’a coupé l’appétit mais elle voulait des réponses et je les lui ai données.

« Je ne dirais pas que je suis super croyant, je me suis juste dis qu’aller au monastère des moines yakuzas, ce ne serait pas une si mauvaise idée que cela. Oui j’y ai pensé et j’avais préparé des affaires chaudes au cas où. Bizarrement, je n’ai pas oublié une seule fois mes médicaments. Loin du stress et des contrariétés, je n’avais presque que ça à penser chef. »

Et puis en vrai, je ne priais même pas pendant les sessions où j’ai dû apprendre la vie de moine en mode « je suis un touriste donc tu vas te familiariser avec les coutumes du monastère, comme tout bon touriste ». J’ai bien entendu fait très attention pour ne pas tomber malade ; ça aurait complètement ruiné ma disparition temporaire car il aurait fallu que je rentre en urgence. Je ne voulais pas me le permettre. Je voulais vraiment ces vacances alors j’ai fait attention, j’ai pris mon traitement tous les jours correctement sans oublier une seule fois et j’ai toujours fait en sorte de bien me couvrir quand j’allais dehors. Surtout la nuit que j’ai passé dans les bois tout seul. Mais au moins grâce à cette nuit seul, je sais tuer d’un coup de couteau un lapin. Je suis devenu un expert en survie des temps modernes.

Quand je lui dis que j’espère quand même que mon père assiste sans doute au seul mariage d’un de ses fils, je souris à la réponse de Mia. C’est vrai, tant pis pour lui s’il n’y est pas mais je pense tout de même qu’il ne raterait pas ça. Ce serait con et surtout, cela mettrait encore plus le fossé qu’il y a déjà entre nous deux. Je suis rassuré quand Mia comprend bien qu’elle ne devra rien refuser si mon oncle exige de nous quelque chose. Mais oui, je sais et je ne peux lui donner que raison. Jouer avec les vies de ses subordonnés, c’est ultra agaçant. C’est ce que je n’aime pas chez lui, j’ai la même impression avec mon père. D’être un pion et en même temps, j’ai un profond respect pour mon oncle. On verra demain ce qu’il va en être mais je ne me fais pas d’illusion. Je vais encore servir de pion sur un échiquier et ça me fatigue d’avance.

« Ce qui est agaçant, c’est de voir que je ne suis finalement qu’un pion sur leur échiquier… Je ne me fais pas trop d’illusion. Mon oncle va m’utiliser comme mon père. Espérons juste que lui au moins se souvienne que j’ai des allergies et une santé pas au top du top. »

En vérité, je sais qu’il s’en souvient car la dernière fois, il m’a demandé si j’allais vraiment bien. Il se soucie bien plus de ma santé que mon père. Je ne devrais pas avoir à me méfier à chaque fois qu’il y a un repas dans les parages. Mon oncle est plus consciencieux avec ses subordonnés que l’était mon père. Il faut croire qu’il a lu tous les profils et cherché toutes les informations possibles et inimaginables à leur sujet. Ce qui n’est pas plus mal en soit ; ça permet de créer de vraies relations plus saines et instaurer une confiance plus rapidement. C’est aussi de cette manière que l’on peut manipuler le monde entier.

Quand j’eus embrassé Mia de façon magistrale après qu’elle ait joué et chanté, elle m’affirme qu’elle n’avait plus joué d’instrument depuis la fac et qu’habituellement, elle ne chante pas. Tout ça est très intéressant ; je devrais peut-être l’encourager à poursuivre tant sa voix est belle. Si mon oncle ne voit pas d’inconvénient à ce que je lui fasse quelques propositions, j’aurais peut-être quelques idées pour mettre en lumière le talent de la jeune femme. Enfin, laissons ça de côté. J’ai… un peu trop parlé rudement à Ayako, ce qui a fait qu’elle est partie dans sa chambre et maintenant je m’en veux. Même Mia confirme ma bêtise. Bah quoi ? Je ne suis pas très doué pour parler aux adolescents… Et puis, ce n'est pas comme si je pouvais expliquer ça autrement. Bon okay, j’aurais pu éviter de dire qu’il se pouvait qu’un jour, je ne rentre pas. Plus jamais. J’haussais les épaules, appréciant ses lèvres sur mon front avant de la laisser aller voir la jeune fille. J’en profitais pour prendre mes médicaments avant d’avoir droit à un rappel à l’ordre.

Comme les murs sont assez fins, bien sûr j’ai tout entendu et je vois bien qu’Ayako m’en veut à mort… Mia a parfaitement résumé la situation et je ne peux donner que raison à ma fille. Pourquoi j’ai pris un job plus dangereux hein ? A vrai dire, c’est donnant-donnant entre les deux. Nous sommes de la chair à canon pour protéger notre chef. Et si le chef n’est pas protégé, il ne peut pas non plus nous protéger. Je serre les poings, j’aurais préféré ne jamais faire partie du clan, ça aurait été tellement plus simple mais j’ai grandi dans ce milieu. Je n’aurais jamais pu fuir mon destin d’une quelconque manière. Je m’en veux tout à coup d’avoir adopté Ayako ce jour-là car au lieu de lui offrir un vrai foyer aimant, je lui ai offert une punition. Je me mordis la lèvre en écoutant les bribes d’histoire de Mia. Elle aussi a subi des violences physiques de la part de sa mère. Ça m’agace. Entendre le chagrin d’Ayako par-dessus me mit vraiment mal. Mia ne tarda pas à revenir auprès de moi, s’installant sur mes genoux.

« Oui, j’ai tout entendu… Être chainé au clan ne m’a pas permis de lui donner une vie hors de ce milieu ; je m’en veux terriblement. »

Un bâillement finit par élargir mes lèvres un moment après. La journée a été longue et je n’ai plus envie de réfléchir à quoique ce soit. Juste profiter d’être là, à leurs côtés à toutes les deux. Je m’approchais ensuite de son oreille pour aller lui susurrer quelques mots doux.

« On a tant de choses à rattraper… mais je m’en voudrais si l’on était trop bruyants. Quelques idées pour qu’Ayako ne nous entendent pas ? »

Il va vraiment falloir qu’on se trouve un autre endroit à vivre. Un endroit plus grand où l’espace est bien préservé et où je suis quasiment certain qu’Ayako ne puisse pas entendre les adultes copuler ensemble.

« Tu as toujours faim de sushis où l’on peut passer directement au dessert ? »

Je souris alors qu’elle est dos contre mon torse, venant souffler contre sa nuque avant de poser mes lèvres sur celle-ci pour l’embrasser à plusieurs reprises. La nuit risque bien d'être longue et exaltante.