C’est un autre homme, de nouveau. Tu le regardes se lever, s’étirer, et tu te dis qu’il pourrait te mettre hors-jeu en quelques secondes, s’il le voulait. Et tu continues de te demander pourquoi il ne l’a toujours pas fait, tu cherches la raison de ta présence dans son salon et tu finis par en isoler deux : il a faim, et tu le divertis un minimum. Alors, tu continues d’adopter le comportement qui semble lui plaire le plus, ouvrant ta bouche sans dépasser les bornes non plus.

Il te regarde, semble se rendre compte de quelque chose, alors tu fronces légèrement les sourcils en l’observant griffonner quelque chose sur un bout de papier. Peut-être l’adresse des pompes funèbres les plus proches. Peut-être un dessin obscène. Il s’approche, te tend le post-it, que tu déplies légèrement. Ah non, ce n’est qu’un numéro de téléphone. Enfin, pas n’importe lequel, d’après ce qu’il te raconte. Tu as l’impression d’avoir un information confidentielle entre les mains, de tenir le détonateur d’une bombe déjà instable. Mais tu l’écoutes, tu fixes le bout de papier replié, et tu ne te dis que ce n'est que ça : un numéro de téléphone sur un post-it.

Tu finis par relever les yeux vers les siens, te surprenant à sourire à sa plaisanterie. « Je suis pas riche, mais j’ai déjà du papier toilette, merci. » Le ton est amusé. Tu secoues la tête. « J’aimerais ne jamais avoir besoin de faire appel à vos services, mais je vais garder le papier… » Tu le glisses dans la poche de ton pantalon, gardant ton sourire. « On sait jamais. » Tu te dis que Charles n’approuverait pas un tel service, mais tu n’en es pas au point de tout t’interdire sous prétexte qu’il ne serait pas d’accord.

Tu regardes ton téléphone de nouveau, réfléchissant. Si le livreur qui vient apporter la pizza, et ta liberté par la même occasion, roule à la même vitesse que toi, il devrait arriver dans moins de dix minutes. Tu te lèves enfin, lissant tes habits, regardant l’homme, et tu te sens pousser des ailes. « Vous avez sûrement assez d’argent pour vous payer une pizza, mais si vous me demandez, vous pourriez avoir un supplément gratuit. Je travaille quasiment tous les soirs. » Tu avais d’abord pensé à lui donner ton numéro directement, mais tu estimes que le risque est trop élevé, alors tu restes sur un terrain relativement neutre. Tu ne sais pas pourquoi tu fais ça. Rester en contrôle ? Prouver que tu ne te pisses plus dessus en le voyant, en lui parlant ? Pousser ta chance trop loin ?

Ton téléphone vibre de nouveau, cette fois, c’est un appel. Tu donnes le code et le numéro de l’appartement, avant de raccrocher, lançant un regard à l’homme, avant de le suivre jusqu’à la porte d’entrée. Rapidement, le livreur apparaît, armé du carton à pizza. L’échange se fait, tu perds ton statut d’otage. « A la prochaine. » Tu t’inclines légèrement en direction du tueur à gages, et tu pars avec ton collègue. Tu espères ne jamais le revoir. Mais comme on dit… jamais deux sans trois ?