Lorsque Miller-sensei évoque ses fameuses 'lubies', je ne peux m'empêcher d'afficher un léger rictus de dégoût. Bien sûr, le terme pourrait vouloir dire n'importe quoi et c'est à dessein qu'il est aussi nébuleux. Il aime faire travailler l'imagination des gens. Peut-être est-ce pour celer une vie incroyablement terne. Cela ne change rien à mon sentiment de répulsion. Dans tous les cas, c'est à mon sens une forme de perversion.

Apparemment stimulé par mon interrogatoire, il semble vouloir s'engager dans une sorte de débat existentiel. Face à d'autres personnes, cela m'aurait peut-être enchantée. Après tout, m'a crise existentielle est passée depuis plusieurs mois, maintenant. Et pourtant, peu importent les circonstances, je ne pourrai partager mon opinion qu'avec moi-même. Car ma vision du monde dévoile mes intentions et que mes intentions sont des actes hostiles. Mon avis sur la question n'est pas une simple discussion pour meubler le temps, ou me rapprocher d'autrui. C'est un acte de langage dangereux.
A moi de répondre de façon vague, alors :

"La notion de destin est un fardeau auquel l'humanité s'est stupidement attaché depuis bien trop longtemps. Si ça peut répondre à votre question, je suis déterministe. Ce qui n'a aucune incidence sur mes luttes : à quoi bon prendre en compte quelque chose qui dépasse en toutes proportions nos petits calculs mesquins ? Il est certain que nous allons tous mourir un jour et tout aussi certain que, dans l'intervalle, nous vivons tous les jours. Pourtant, la majorité des gens agit comme si ni l'un ni l'autre ne devait jamais se produire."

Dans mes écouteurs, la porte s'ouvre. J'entends mes murmures. Un ton plus que des mots.
"Si vous deviez mourir ce soir, Miller-sensei, et que vous deviez jeter un dernier regard dernière votre épaule avant de vous évanouir dans le néant, sans qu'aucun au-delà ne vienne vous accueillir ; seriez-vous satisfait de la manière dont vous avez mené votre vie ?
Pas de son déroulement : juste de la manière dont vous l'avez menée."

Tu souris légèrement à sa réponse. C’est une position qui semble lui convenir à merveille, et la fin de sa phrase te laisse songeur. Elle parle de « la majorité des gens » comme si elle n’en faisait pas partie, ce qui, une fois mis en lien avec ce qu’elle a dit juste avant, la drape d’un autre voile énigmatique. Est-elle le genre de personne à avancer en sachant que la fin qui nous attend est la mort, et rien d’autre ?

Tu n’as pas le temps d’y réfléchir plus qu’elle enchaîne. Un mouvement sur ton écran te distrait une fraction de seconde mais les mots de Tanaka-san te ramènent vers elle. Ils s’incrustent dans ta peau, te brûlent et s’insinuent en toi sans que tu ne puisses faire quoi que ce soit pour les en empêcher. Elle te regarde et tu la regardes. Tu ne peux pas faire durer l’instant, tu le sais, ça va commencer et ça serait con de tout faire foirer. Alors tu inclines très légèrement la tête sur le côté, et avec un sourire qui semble dire « c’est évident, pourtant », tu lui réponds laconiquement.

« Pas du tout. »

Tu ne t’attardes pas sur ces mots, trop vrais, amenant trop de vulnérabilité alors que c’est quelque chose que tu veux toujours te défaire. Tu ne veux pas penser à ta vie, que tu gâches de jour en jour, tu essaies de compenser ce gâchis avec des divertissements en tout genre mais ceux-ci ne font que contribuer à la pourriture de ta vie.
C’est étonnant que tu aies répondu avec honnêteté. Avec quelqu’un d’autres, quelqu’un de lambda, tu aurais souri avec un peu de modestie et tu aurais raconté de la merde, comme tu sais si bien le faire. Mais là, rien ne te donnait envie de mentir. Peut-être que les remarques et l’attitude de Tanaka-san te hérissaient le poil et tu n’avais qu’une envie, lui donner raison pour qu’elle te laisse tranquille avec toute cette discussion à propos de toi. Tu n’aimes pas que les gens essaient de comprendre. Ils finissent par te détester, te prendre en pitié ou être dégoûtés.

« Quand nous y mettons-nous ? Devrions-nous les laisser s’installer ? »

Tu fais un geste en direction de l’écran. Ça va finir par te filer la nausée de parler de toi. C’est drôle de poser des questions à Tanaka-san, d’essayer de dissiper le brouillard qui l’entoure, mais forcément, c’est moins agréable lorsque l’inverse se produit et se répète.

Sa réponse n'est pas surprenante, c'est plutôt le ton de sa voix, l'indifférence - encore - qui l'imprègne. En moi-même, je me dis qu'elle est si nihiliste qu'elle ne peut être que sincère. Bien sûr, je n'ai aucun moyen de savoir si c'est le cas, mais elle a le mérite d'expliquer son comportement. Peut-être estime-t-il, contrairement à moi, qu'il n'existe aucun moyen d'être rétrospectivement satisfait de sa vie ; peut-être que céder à ce qu'il y a de pire en lui est peut-être ce qu'il considère comme la voie la plus aisée, à défaut de pouvoir en trouver une qui ait du sens ? Tout à coup, je me sens un peu coupable de l'avoir emmené dans tout cela. Le rendre complice de chantage ne va certainement pas l'aider à s'améliorer en tant que personne. Mais, après tout, ma quête ne saurait s'arrêter aux considérations individuelles. Le bon vieux dilemme du tramway, auquel chacun a sa réponse.

"Devrions-nous les laisser s’installer ?
- Partiellement. Ils négligeront probablement de répondre à leur portable s'ils sont en pleine action, ce que nous voulons éviter, mais Ueno-san se sentira plus vulnérable s'il est nu dans les bras de sa maîtresse. Cela dit, évite de lui faire comprendre qu'on a un visuel sur eux ou il pourrait paniquer et chercher les caméras espion. S'il a une preuve de notre présence, il pourrait appeler la police."

A les entendre, je n'ai pas besoin de voir ce qu'il se passe pour comprendre que le couple est légèrement ivre. Tant mieux, Ueno-san sera plus malléable, il ne réfléchira pas aussi bien.

Il y a un long moment, durant lequel ils parlent de tout et de rien, flirtant et s'éternisant en préliminaires. Puis la passion commence à s'enflammer un peu, et ils retirent un à un leurs vêtements.

Je fais un signe de tête à Miller-sensei pour lui donner carte blanche. L'adrénaline ne tarde pas à épaissir mon sang.
Le tramway est en route, et je n'ai que faire de qui sera écrasé. Seule compte la destination.

Tu ne tires aucun amusement à voir ces individus discuter, s’embrasser et glousser comme des adolescents. Ton regard se fait de plus en plus éteint, tu es à deux doigts de te mettre à bâiller pour faire passer le temps quand Tanaka-san te fait un signe de tête. Tu reprends vie et tu te redresses dans ta chaise, passant une main dans tes cheveux pour revenir complètement dans la réalité.
Mais quel genre de réalité est-ce ? Extorquer de l’argent, faire du chantage… Tout compte fait, présenté comme ça, ça te ressemble plutôt, bien que tu faisais plutôt ça dans tes années lycée, c’était beaucoup moins risqué. Les adolescents n’aiment pas « fayoter », ils ont trop peur et trop de fierté pour ça.

Tu tapes le message, hésitant peu, mais faisant attention à choisir les bons mots. Tu as l’habitude, bien que tu sois normalement bien moins prudent en temps normal. Tu relis rapidement le message, inclines la tête sur le côté, et avec un sourire en coin, tu l’envoies.
Par chance, le téléphone est en mode son. Tu entends le « ping ! » caractéristique, et Ueno-san jette un coup d’œil distrait à son manteau, qui contient sans donc son appareil mobile, mais il ne bouge pas du lit, où il se fait tendrement déshabiller par sa maîtresse.
Action réaction, tu rédiges un autre message, toujours aussi nonchalant. « Ping ! Ping ! »
Ueno-san soupire, arrête sa maîtresse et se lève en lui disant qu’il va mettre son téléphone en silencieux. L’autre, presque boudeuse, le regarde faire, et le voit se figer. Ton sourire est impeccable sur tes lèvres. Ueno-san ne bouge pas. Il lit.

Je sais qui vous êtes. Je sais ce que vous faites. Nous pouvons régler ça tranquillement, sans qu’aucun de nous ne le regrette affreusement.
Il vous suffit de coopérer pour que votre femme n’en sache rien. Ça serait délicat pour vous, si vous deviez vous expliquer, non ?
Pas besoin d’en parler à votre maîtresse. Réglons ça entre nous, et rien ne sera ébruité.

Ta main supporte le poids de ta tête pendant que tu observes la réaction d’Ueno-san. Il lit, ne dit rien. Tu te demandes comment il va réagir. Tu as envie de rire, ça t’enchante, ça fait du bien d’être mauvais, ça te fait jubiler, et en même temps, ça ne fait qu’appliquer une pression supplémentaire à la fêlure de ton âme. Tant pis, tu te dis. Il faut bien vivre, non ?

Ueno-san finit par bouger. Il se tourne mécaniquement vers sa maîtresse, lui propose qu’elle aille prendre une douche parce qu’il a une urgence et doit s’en occuper immédiatement. Ton sourire se fait satisfait. Elle proteste d’abord mais l’homme ne lui donne pas le choix et elle claque la porte de la salle de bain adjacente tandis que tu retiens un ricanement.

Que voulez-vous ?

Sur la vidéo, tu vois ses mains trembler. Il tape sur l’écran, les yeux rivés dessus.

Je ne sais pas de quoi vous parlez. Je pense que vous vous êtes trompés de numéro.

Tu éclates de rire, un éclat bref qui se réduit rapidement au silence. Classique. Tes doigts se remettent en mouvement.

Ueno-san.
Une maison dans le district Fujin.
Une femme.
Deux enfants.
Et une maîtresse. Ou plusieurs ?
Je ne pense pas me tromper de numéro.

La tension monte, mais seulement chez lui. Tu peux le voir. Tu peux le deviner. On entend presque sa lourde respiration à travers les micros. Tu bascules en arrière et tu rappuies ton dos contre la chaise et tu fermes les yeux le temps de quelques secondes, te demandant quand est-ce qu’il craquera.

L'entrée en contact se déroule comme prévu. Ueno-san a l'intelligence d'écarter sa maîtresse de la situation. C'est un atout supplémentaire pour nous : qu'il ne lui fasse pas suffisamment confiance à pour la mettre dans la confidence, ou qu'il l'écarte par délicatesse de gentleman, cela resserre encore l'étau sur lui, car il voudra régler cette affaire avant qu'elle ne revienne de sa douche.

Je fais part de ma réflexion à Miller-sensei et continue de l'observer. Il semble doué à ce petit jeu. Contrairement au moment où il m'avait surprise dans le bureau d'Ueno-san, il n'est pas en face-à-face avec son flagrant délit, aussi se permet-il d'exprimer sa joie ; mais je ne doute pas un instant qu'il resterait aussi équanime et avenant qu'à son habitude s'il avait dû le confronter. J'envie sa maîtrise de soi. Même si j'ai toujours cherché à ne pas laisser transparaître la moindre faiblesse, en particulier depuis mon diagnostique, l'idée de faire quelque chose d'illégal et la perspective d'être mis en défaut me stresse énormément. C'est l'une des raisons pour lesquelles je me mouille de façon progressive dans cette vie dangereuse : pour m'habituer à la pression et apprendre à ne pas faire d'erreur aux moments critiques.

Tout en gardant un œil sur Miller-sensei, je mets en place les passerelles et les connexions sécurisées nécessaires à la transaction à venir. Ueno-san est encore dans l'expectative ; il ne prend manifestement pas la mesure de la gravité de sa situation. Une fois qu'il aura connaissance de nos moyens, il sera malléable à notre convenance.

Je lance les protocoles d'intrusion qui ne tardent à me renvoyer un rapport positif.
"Tu as maintenant un contrôle total sur son téléphone." Dis-je à mon coéquipier.

'Coéquipier' ; comme c'est étrange...

Tu l’observes, comme si tu étais dans la même pièce, en face de lui. Tu essaies de deviner ses prochaines réactions et tu verrais presque les petits rouages tourner et s’imbriquer dans son crâne menacé de calvitie. Cependant, tu sais qu’il ne faut pas non plus trop anticiper et s’engager sur une voie spécifique, les gens peuvent être imprévisibles et tu dois être prêt à réagir à n’importe quoi, du plus absurde au plus sensé.

Tanaka-san t’informe de l’avancée de votre intrusion et tu hoches la tête en la remerciant. Tu ne sais pas vraiment quoi faire avec cet accès au téléphone, faut dire que tu n’en as jamais eu besoin auparavant, mais une idée extraordinaire finira par apparaître dans ton cerveau de génie.

Ton corps est détendu, tu as l’habitude de ce genre de choses, bien que ça soit la première fois que le cadre est aussi professionnel, et que tu ne t’exposes pas directement. Tu regardes son visage. Tu entends sa respiration. Merveilleux… La panique déforme un instant ses traits et tu tapotes légèrement la table du bout de tes doigts, attendant qu’il réponde. S’il ne le fait pas, tu es prêt à lui mettre un peu plus la pression et lui exposer les… termes du contrat.

Qu’est-ce que vous voulez faire ? Que voulez-vous régler ?

Tes paupières s’abaissent d’un petit millimètre, à la manière d’un chat nonchalant. Il admet les faits et ne cherche pas à se défiler, du moins pas pour l’instant. Tout se passe pour le mieux. Tu poses tes mains sur le clavier et tu optes pour une réponse claire et neutre, sans l’usuel sarcasme qui t’accompagne en temps normal. Tu te dis que ça ne ferait que l’énerver, et ce n’est pas ce que vous voulez, ça serait trop risqué. Il semblerait que tu fasses les bons choix, parfois, c’est étonnant !

Vous avez de l’argent. Ça m’intéresse. Ne vous inquiétez pas, ça ne sera pas excessif, mon ambition n’est pas de vous ruiner.

Tu n’es pas sûr que ça le rassure, mais ça aura au moins le mérite de ne pas être trop belliqueux. Tu réfléchis une fraction de seconde avant de te remettre à taper sur le clavier.

Avec un salaire mensuel frôlant ¥2 100 000, je pense que vous délester d’un peu de cette somme très pesante soit une bonne chose.

Tu as envie d’ajouter une remarque acide, piquante, n’importe, mais tu te dis que tu dépasserais les bornes, et tu te répètes qu’il ne faut pas. Tu ne fais pas ça que pour t’amuser. Ton regard glisse brièvement sur Tanaka-san. Bien sûr, ça t’amuserait de la voir se rétamer dans son projet, mais d’un autre côté, si elle se rate, tu te rates aussi, et ça, c’est beaucoup moins glorieux.

Je suis désolé de vous le l’apprendre, mais je serai assez peu flexible quant au prix que je vais vous proposer.
Disons donc ¥18 000 000.

Une fois le message envoyé, ton dos revient au contact de la chaise et tu te remets à observer ses réactions. Il tremble un peu. De peur ? de rage ? Tu n’arrives pas à le savoir. Ce n’est pas grave, les deux te conviennent. Tu lances à Tanaka-san :

« J’ai demandé 18 millions. Ça vous va ? »

Tu croises son regard. Si ça ne lui va pas, tu as plusieurs choix. T’en foutre, ou alors manipuler Ueno-san et augmenter le prix. Ça t’arrangerait de récupérer plus d’argent, mais il y a toujours un risque à laisser la pression s’accumuler sur le pauvre crâne d’un homme pourri.

"J’ai demandé 18 millions. Ça vous va ?
- C'est parfait." Dis-je, bien que le ton de ma voix n'illustre pas exactement le terme 'parfait'.

Je suis concentrée sur ma part du travail et, quant à l'argent récolté, il m'est tout à fait indifférent. Disons que c'est mieux que rien. Si l'on a le goût du risque, il est possible de gagner bien plus en peu de temps. Ce qui m'importe, pour le moment, c'est de sécuriser au mieux mon positionnement. Impliquer Miller-sensei dans la transaction est un bon moyen de me protéger. Mais il en va de même pour Ueno-san. Ce que j'attends de lui est bien plus lourd de conséquences qu'un simple chantage. Lorsque j'utiliserai les informations à ma disposition, nul doute qu'on cherchera à remonter le fil. Et une escroquerie au chantage brouillera les pistes. Ueno-san passera pour celui qui aura fait fuiter les informations. Bien entendu, messieurs de la police, je sais que vous n'aurez aucun intérêt à révéler au grand public ce détail de mon journal. Vous comme moi savons pourquoi.

Toujours est-il que lorsque Miller-sensei parvient à ferrer notre poisson, je finis justement de mettre en place une passerelle sécurisée afin d'effectuer le virement. J'envoie au jeune anglais les informations de connexion et active les chaînes de proxy. Une quinzaine d'ordinateurs en Indes doit participer à signer la blockchain.

"Nous allons effectuer la transaction en bitcoins. Le cours est faible, actuellement, donc ça risque de rapporter bien plus à l'avenir... A moins qu'il ne s'effondre définitivement. Mais j'ai cru comprendre que vous étiez joueur ?"

Bien entendu, le cours du bitcoin n'a pas la moindre importance pour moi dans les circonstances présentes. Mais il a un avantage : il est extrêmement sûr. On ne peut pas le retracer. Cet argent, pourtant visible par tout un chacun, restera invisible aux yeux du fisc. Nous sommes blancs comme neige.

Elle s’en fiche.
Tu te retiens de hausser les épaules devant son désintérêt, et quelque chose s’instille dans ton crâne. Elle ne veut pas de cet argent, ou du moins, il ne lui est pas nécessaire. Ou alors, elle est très très forte pour dissimuler ses émotions et avoir l’air complètement blasé devant une telle somme d’argent. On n’a pas besoin d’être cupide à l’extrême pour saliver devant ces chiffres insensés.
Tu la regardes encore quelques secondes pendant qu’elle t’explique les caractéristiques de la transaction.

« Je vais compter sur ma chance, alors. »

Tu glisses un petit sourire et tu finis par détourner les yeux lorsque tu vois un nouveau message s’afficher sur ton écran. Tu fronces les sourcils.

Je vais appeler la police.

Néanmoins, sur le petit rectangle qui retransmet tout en direct, tu vois Ueno-san, assis à la table, la tête dans les mains. Tu souris, satisfait. Ça t’étonne, qu’il bluffe d’une manière aussi médiocre, mais tout le monde n’est pas paré à bien réagir sous le stress. Et là, tu lui mets une pression énorme sur les épaules, malgré tes doux messages et ton absence d’agressivité.

Je ne pense pas, non. Coopérez, s’il vous plaît. Les informations circulent vite, ces temps-ci, et ça serait fâcheux pour tout le monde s’il était révélé que votre maîtresse est en fait la sœur de votre femme.

Les mots que tu tapes et envoies sont délectables, tu te régales de tout. C’est si simple. Si merveilleux. Tu t’humectes brièvement les lèvres, puis tu laisses échapper un bâillement. Tu le vois regarder son téléphone, son visage se tord, et tu souris avant de prendre le contrôle et d’aller dans ses contacts et de sélectionner Ueno-san. Il commence à paniquer, tu t’arrêtes là et tu reviens à l’application de SMS.

Ca sera plus simple pour tout le monde. Le mode de transaction est sécurisé. L’envoi est immédiat, invisible.

Tu croises les jambes sous la table en te cognant le genou – maudites jambes trop longues – mais tu ne t’en aperçois pas, tu es trop occupé à guetter sa réaction. Tu vas l’avoir à l’usure, et le fait que sa maîtresse soit à côté en train de se doucher le presse aussi, alors tu sens que c’est pour bientôt. D’un instant à l’autre…

D’accord. Envoyez les instructions.

Tu souris avec satisfaction et, les yeux rivés sur l’écran, tu lances à Tanaka-san :

« C’est bon. »

Tu lui envoies ensuite les étapes à suivre. Tout est parfait.

A ce moment, tout est bon à prendre : reconnaissance digitale sur le smartphone d'Ueno-san, échantillon vocal, accès des comptes. Je ne suis pas trop gourmande ; je ne m'intéresse qu'à ce que je peux obtenir sans déclencher de procédure de sécurité. La passerelle est en place et la transaction peut s'effectuer sans ma supervision, même si je garde un œil sur la console de rapport, au cas où. Je fouille. Je fouille autant que je le peux. Il me faut un accès vers les relevés de son école. Les codes de transactions défilent, inconnus au bataillon. Je connais tous les IBAN qui m'intéressent par cœur mais aucun le correspond. Je voyage dans le temps, remonte le fil  des écritures. Rien sur le dernier mois coulant.

Je commence à désespérer, quand tout à coup...

La distraction se transforme en doute, qui se transforme en intérêt, qui se transforme en épiphanie : l'association des clubs de sports féminin de l'Université de Kobe...

Bien sûr, l'association des anciens élèves de la Kobe Insight School éclate probablement ses virements pour les faire passer en notes de frais, histoire de brouiller les pistes. Elle se contente de ses étrennes, qui sont examinées annuellement par la Cours de comptes ; rien de mieux pour se donner des airs de respectabilité. Autrement dit, peu de chance de retrouver un virement qui ne soit pas dans les archives, c'est-à-dire inaccessible pour moi. Mais l'école bénéficie aussi de réductions fiscales via des dons, et quel meilleur don que celui qui va à une université ? Cela justifie probablement des intéressements de la direction de l'Université de Kobe dans les affaires de l'Insight School. Ceux que je cherche ont des billes partout, y compris dans le public.

"Il va trop vite. Gagne du temps."

Peut-être une instruction quelque peu exigeante et contradictoire à donner à Miller-sensei, mais il me faut encore un peu de temps pour remonter le fil. Le conseil d'administration de la Kobe Insight School effectue un don régulier à l'association des sports féminins de l'Université de Kobe, auxquels sont également membres d'autres campus. Techniquement, le don est en nature, sous la forme de locaux prêtés, mais les frais de fonctionnement sont partiellement réglés par virement, car l'association utilise des bénévole pour assurer une permanence. Ce sont ces virements qui me permettront d'accéder aux comptes de l'école. Cependant, le faire devrait me prendre encore un peu de temps et je ne peux pas me permettre de foncer tête baissée. Pas encore.

Malgré moi, l'adrénaline me tire un sourire en coin.
Ce monde du numérique, ce monde du temps liminal, c'est mon territoire.
Je suis née pour ça.

Elle te prend par surprise. Comment ça, gagner du temps ? Tout n’est pas prêt pour la transaction ? L’intérêt n’était-il pas de faire ça le plus vite possible ? Tu ne comprends pas et tu la regardes un instant, interdit. Elle ne te voit pas, trop occupée à fixer son écran. La méfiance te gagne, si tu en avais l’impression, tu en es à présent convaincu : elle te cache quelque chose. Cependant, tu lui caches beaucoup de choses aussi, et tant que tu as ta part du butin, tu consens à détourner les yeux et à faire semblant de ne rien voir d’anormal. N’empêche, ça t’intrigue, tout ça…

« Avouez, vous essayez juste de me mettre en difficulté… »

Parce que oui, comment gagner du temps sans paraître trop suspect ? Ueno-san est prêt à sortir 18 millions de yens de sa fortune. Tu n’as envoyé que les premières instructions, tu as bien fait. Tu le vois sur l’écran, il attend la suite, il regarde autour de lui, sans doute s’impatiente-t-il. Tu humectes tes lèvres de ta langue, pensif.

Plusieurs possibilités s’offrent à toi. Jouer avec son téléphone te permettrait de gagner du temps, mais derrière, Ueno finirait par péter un câble – il ne faut pas sous-estimer la puissance de la frustration générée par un utilitaire déficient. Tu pourrais trouver une excuse, envoyer quelques messages pour le pousser encore un peu plus au bord du gouffre, mais encore une fois, ça serait risqué…

Tes yeux le suivent du regard, alors qu’il commence à faire les cent pas. Il est moins dérouté, moins paniqué qu’il y a quelques instants. Il se dit sûrement que finaliser la transaction signifie la fin des problèmes pour lui – pour l’instant, du moins – donc une excitation nerveuse le gagne, il veut faire ça au plus vite. C’est compréhensible, mais dommage pour lui, Tanaka-san a besoin de plus de temps.

« Vous faites quoi ? »

Tu lui poses la question, nonchalant, alors que tu décides de laisser Ueno-san poireauter un peu. Tu ne lui répondras que s’il t’envoie un message. Tes yeux ne quittent pas l’écran, mais ton attention se reporte partiellement sur ta partenaire. Tu sais qu’elle ne te répondra pas honnêtement, mais tu veux lui faire comprendre que tu sais qu’elle magouille quelque chose. Non pas que ça te dérange, tu comprends qu’elle fasse ses affaires de son côté ; ça attise plutôt ta curiosité.

Tu te demandes si elle te répondra tout court. Tu oses lui lancer un bref coup d'oeil, et elle a l'air complètement plongée dans ce qu'elle fait. Tu souris. Elle y met cœur et âme. Qu'a-t-elle à cacher ? Quelles sont ses motivations ? Ça ne peut pas être le désir de justice, si ? Et ce n'est définitivement pas l'avidité.

"Avouez, vous essayez juste de me mettre en difficulté…
- Vous vous en sortez très bien."

Non, bien sûr, je n'essaye pas de le mettre en difficulté. Mais maintenant qu'il vient d'évoquer ce point, je dois bien admettre que ça n'est pas pour me déplaire. A défaut de mieux, cela fait office de petite revanche pour le stress qu'il a m'a occasionné (et qu'il a savouré). C'est un peu mesquin, mais sans conséquence. Dans tout cela, je n'ai même pas remarqué l'avoir vouvoyé de nouveau. Je suis trop concentrée pour cela.

Il s'en remettra, pensé-je.

Il y a une certaine latence, car les transactions ne sont bien entendu pas directement enregistrée dans le téléphone portable d'Ueno-san. Le nombre de requêtes est important ; heureusement pour moi, sa vanité l'a conduit à acheté le nec plus ultra de la téléphonie, y compris comme second portable, alors qu'un téléphone à bon marché était largement suffisant. Je remarque à ce propos qu'il ne l'utilise pas uniquement pour contacter sa maîtresse, mais plus globalement pour tout ce qui est caché. Je prévois déjà de télécharger ses logs de messagerie instantanée pour les fouiller plus tard, mais la priorité va aux comptes.

J'accède à un compte auxiliaire qu'il utilise via sa société en nom propre pour gérer ses frais professionnels. De nombreux directeurs font cela, et pas que dans le privé : ils créent une société individuelle qu'ils utilisent pour payer à leur compte leurs 'frais professionnels', c'est-à-dire toute dépense qu'ils n'ont pas vraiment envie de payer. Une fois l'année bouclée, ils font un report de prestation à la société pour laquelle ils travaillent (ici le Kobe Insight School), et se font tout rembourser. La prestation a toujours un vague label d'analyse-conseil financier ou de consulting juridique ; des services inquantifiables. De la sorte, toutes leurs dépenses n'apparaissent pas dans les comptes de l'entreprise qui ont l'air plus propres.

Mais dans les années 2010, lorsque les lois antigang ont commencé à se renforcer, les yakuza ont été obligés d'opacifier leurs affaires et ont massivement investi dans divers secteurs légaux, usant abondamment de ce genre de combines et vérolant la finance publique, de l'immobilier jusqu'à certains fonds d'investissements. Il a bien entendu fallu resserrer la vis au blanchiment d'argent, en conséquence de quoi une décision de justice peut autoriser une investigation sur les sociétés en nom propre si le procureur a une raison de penser qu'elle est utilisée pour du blanchiment. Dans les faits, c'était de toute façon une formalité, puisque le procureur est investi de presque tous les pouvoirs dans ce pays, mais les yakuza disposant des meilleurs avocats, je suppose que la Diète n'a pas voulu prendre de risque. Bien entendu, les pontes du crime ayant des amis dans la politique, la loi votée a été largement révisée à la baisse, laissant quelques portes de sorties, notamment en utilisant une tierce société. Ainsi, Ueno-san est totalement à l'abri de la loi.

Mais qu'il utilise une telle structure signifie aussi qu'il a des informations précieuses à cacher, une sensation grisante caractéristique s'empare de moi lorsque je récupère l'intégralité des transactions des six derniers mois, ainsi que leurs métadonnées. J'ai la chaire de poule.

Ueno-san n'est pas à l'abri de tout.

"Vous faites quoi ?
- Ma part du travail et ma part en ce monde."

Même si, d'une certaine façon, j'en ai trop dit, après tout, nous sommes déjà en train de nous compromettre dans l'illégalité, alors cela ne change rien.

Le téléchargement des données est enfin terminé. Je lance directement celui des logs, qui sera beaucoup moins lourd. Il est possible que cela impacte légèrement les performances du smartphone d'Ueno-san, mais ça ne devrait pas éveiller de soupçon en lui, ce d'autant plus qu'il n'a pas l'habitude d'effectuer ces transactions et que, selon lui, elle sera probablement à l'origine du ralentissement. Après tout, il s'agit d'un ordre de virement de 18 millions de yens en Bitcoins.

Je redresse ma tête vers Miller-sensei.
"On peut entamer la transaction."

Sa réponse est énigmatique, son ton neutre – tu y décèles néanmoins un frémissement d’excitation. Tu ne peux t’empêcher de la regarder, fasciné par ce qu’elle cache, intrigué par ses motivations, attiré par la brusque sensation de danger qui se dégage d’elle. Elle traite dans ses choses pas nettes. Tu te mordilles la lèvre inférieure mais tu ne dis rien, tu te contentes de savourer le frisson qui te traverse, la joie de flirter avec l’illégalité, la soif de cet argent immatériel, et la curiosité presque malsaine que Tanaka-san fait croître en toi.

Tu aimes fouiner, mettre ton nez là où il ne faut pas, mais dans cette situation, tu ne sais pas si tu veux être impliqué dans quelque chose qui te dépasse, et de loin. Tu as toujours œuvré à une échelle individuelle, sûre et sans danger judiciairement parlant – ou relativement sans danger – alors c’est pour ça que tu as commencé à douter de ta décision en arrivant ici, mais l’attrait de l’argent est bien plus fort que la peur de se faire prendre. Mais vous ne vous ferez pas prendre.

Ton regard revient sur l’écran et sur Ueno-san, qui a étendu son périmètre de marche à toute la chambre, de la porte d’entrée au lit, du lit à la porte de la salle de bain, de la porte de la salle de bain à la table, le téléphone toujours serré dans sa main. Tu te dis qu’à ce rythme-là, il aura un décompte assez conséquent de pas sur son appli de santé, et tu te retiens de rire puérilement.

Tu t’étires en bâillant et, enfin, Tanaka-san te donne le feu vert pour la transaction. Tu lui souris, et te remets à taper sur le clavier.

Nous pouvons reprendre.

Ting ! Il regarde son téléphone et tu n’attends pas pour lui envoyer le reste des instructions. C’est rapide, un simple copier-coller, rien de bien compliqué. Tu t’accoudes de nouveau au dossier de ta chaise, le regardant lire les messages, toujours debout et nerveux, suivant étape par étape les instructions pour la transaction. Tu peux voir son visage et tu te satisfais de ses sourcils froncés, des rides qui lui plissent le front, de sa mâchoire serrée et tendue, et de l’ensemble qui te renvoie l’image parfaite de la déchéance d’un homme au pied du mur.

« Il commence. »

Tu te sens presque obligé de rester laconique, devant l’ampleur de cette situation. Vous êtes en train d’extorquer dix huit millions de yens à votre employeur. C’est une chose que tu n’aurais jamais imaginée, pas osé rêver, mais qui ne t’aurait pas étonné si on t’en avait parlé. Tu fais souvent des conneries, des marchés, tu prends souvent des décisions incompréhensibles, alors ça ? Non, tu n’aurais pas été surpris.

« Comment allez-vous me donner la moitié ? Enfin, le comment n’est pas la question, je suis plutôt intéressé par le quand. »

Tu tournes la tête vers elle. Tu la sens capable de tout, et si tu n’avais pas détecté son indifférence quant à l’argent, tu te serais méfié d’elle, beaucoup plus que tu ne le fais à présent, mais tu penses – plus que tu n’oses espérer – qu’elle tiendra parole. Elle aurait pu faire tout ça sans toi. Bien sûr, ça aurait été plus compliqué, un peu plus long car elle aurait du gérer les deux côtés en même temps, mais elle aurait pu y arriver. Tu n’es là que pour l’aider. En y réfléchissant bien, qu’elle t’ait utilisé ou non, tu ne penses pas qu’elle t’arnaquera. Aucun contrat n’a été signé entre vous, mais… mais tu as la sensation qu’elle te les filera, les 9 millions de yens. De toute façon, que pourrais-tu faire, dans le cas contraire ?

La transaction de couverture a lieu. Tout se passe sans encombre. Si dégât il doit y avoir, cela n'aura pas lieu maintenant, mais plutôt dans les deux ou trois prochaines semaines. Si Ueno-san décide de prendre sa revanche contre son mystérieux maître-chanteur, il engagera sans doute un privé. L'éventualité est tout à fait improbable, mais au cas où, il faut que je donne quelques indications à Miller-sensei avant que nous nous quittions. Mais il me devance en m'interrogeant sur sa part.

"Le compte bénéficiaire de la transaction est temporaire. Il n'existe que pour faire croire à Ueno-san qu'il n'a à faire qu'à une seule personne. Lorsque la transaction sera terminée, je ferai transiter l'argent vers un deuxième compte, qui permettra de répartir la somme entre nous. Nos deux comptes sont déjà prêt, vacants. Lorsqu'ils seront remplis, les moyens d'accès au vôtre apparaîtront sur l'écran. Vous devrez le recopier sur une feuille de papier.

J'insiste : sur du papier ; en aucun cas sous forme numérique. Si possible, apprenez par cœur le code d'accès. Il est certes un peu compliqué, mais sans lui, votre argent sera irrémédiablement perdu dans les limbes du net et absolument personne ne pourra plus le récupérer. Pas même moi. Cachez ce papier quelque part. De préférence, chiffrez-le avec la méthode de votre choix. Pour ce qui est de l'argent, utilisez-le pour des achats en ligne avec un compte de consommation ou un portefeuille en ligne. Ne l'utilisez jamais pour renflouer votre compte bancaire, ni pour payer des choses importantes, comme votre loyer. N'achetez rien de tape-à-l'œil avec. Si vous suivez mes instructions, vous serez inattaquable : le fisc n'aura aucun moyen de vous soupçonner. Pour autant qu'ils en sauront, vous pourriez tout aussi bien avoir fait les poubelles pendant un an pour économiser et vous payez la voiture de vos rêves. Les vrais riches n'ont jamais l'air riche..."

C'est vrai, les riches n'ont jamais l'air riche. Ou plutôt, ils ont l'air aussi riche que tous les autres riches, ceux que le commun accepte, ceux qui sont à la portée de sont entendement. Pour les vrais riches, il est très important que le commun ignore qu'il existe une caste à part, une caste si démesurément privilégiée que son opulence est impossible à appréhender par l'esprit humain ; comme la différence qui existe entre la distance qui sépare la Terre de la Lune et celle qui sépare la Terre de l'étoile extrasolaire la plus proche.

Mais ni Miller-sensei ni moi, même si nous décidions de faire de notre travail commun une carrière fructueuse, ne pourrons jamais faire partie de cette caste-là.

Tu l’écoutes attentivement et ton cerveau enregistre les informations avec une précision exemplaire. Tu as toujours été bon à ça : comprendre et mémoriser. Je me demande d’ailleurs ce qui a péché lors de tes années à l’université, si ce n’est pas la mémoire. La motivation ? L’assiduité ? La volonté ? Dans tous les cas, tu as merdé mais tu t’es rattrapé avec tes jobs, et maintenant, ton travail à la librairie s’est stabilisé et tu peux fièrement le considérer comme ton métier. Tu ne sais pas si tu y resteras tout le restant de ta vie – c’est peut-être trop banal pour toi – mais pour l’instant, tu t’y plais et la paie est correcte.

Ses explications, comme tout à l’heure, sont claires et précises. Tu n’as rien à redire, elle n’a laissé aucune zone floue, tu n’as pas de doute sur la véracité de ses propos. Toujours accoudé au dossier, tu la regardes et tu te dis que finalement, ce n’est pas si mal de travailler avec elle. Tout est programmé, prévu, et cette organisation te plaît. Les choses organisées sont les plus rassurantes.

« Donc nous restons là jusqu’à ce que les virements soient faits dans chaque compte ? Je ne peux que me réjouir de passer encore plus de temps avec vous. »

Ton sourire est moqueur mais ne dément pas vraiment tes propos. Tu ne détestes pas être en sa présence, mais ça ne te fait pas plaisir non plus. Disons que tu apprécies sa stabilité et ses secrets attisent ta curiosité, mais elle a un quelque chose que tu ne saurais décrire et qui te dit de ne pas t’approcher trop près. Et pour une fois, tu envisages de l’écouter, cet instinct de survie.

« Qu’allez-vous faire avec cet argent, Tanaka-san ? »

S’il faut attendre, tu te dis que c’est tout aussi bien de papoter. Tu supposes qu’elle ne te dira pas la vérité, ou évitera la question, mais tu tentes ta chance. Tu vois Ueno-san regarder son téléphone, puis la porte de la salle de bain. De ton côté, tu n’as pas accès à l’état de la transaction en cours, alors tu ne sais pas quand est-ce que ça sera fini, mais tu es déjà plus détendu, puisqu’il n’y a plus rien d’autre à faire que d’attendre.