Luce plaqua l'accord final du dernier morceau de ce set avec une crispation dans la mâchoire et les lèvres plissées d'exaspération. A sa gauche, le batteur rentra légèrement la tête entre les épaules alors qu'elle pivotait la tête sur le côté, le dardant avec un sourcil haussé qui voulait tout dire. Un surplus de confiance semblait l'avoir prit , et il avait lentement enchaîné les prises de libertés foireuses les unes après les autres, finissant par obliger Luce a tenir la rythmique pour lui. Elle passa la sangle de sa guitare par-dessus sa tête pendant que la chanteuse annonçait d'une voix essoufflée une pause d'une dizaine de minutes, à renfort de quelques plaisanteries et d'un rire fatigué, et rejoignit la salle en passant par les coulisses.
La foule avant repartie assez uniformément dans la salle commençait à affluer vers le bar, dans un espèce de chaos désorganisé, personne n'osant marcher sur les pieds de son voisin, mais ne se gênant pas pour le pousser légèrement de l'épaule ou le doubler sans un commentaire.

Luce slaloma entre eux en refermant quelques boutons sur sa chemise en organza noir, plaçant quelques coups d'épaule pour finalement réussir à poser une main sur le comptoir. Elle attendit que le patron la remarque, entre le service d'un cocktail et d'une bière, en étirant lentement ses mains, sentant la pulpe de ses doigts légèrement la brûler : tenir la rythmique lui avait demandé de jouer plus fort que la batterie, et même la corne au bout de ses doigts avait était légèrement abîmée par les cordes métalliques, sans parler de ses phalanges.  
Le patron s'avança finalement vers elle, semblant incapable de choisir entre le stress d'un rush et la satisfaction de voir la caisse se remplir.

« Oui ?
- Je viens chercher une autre bouteille d'eau pour les mu- ! »

La guitariste rattrapa par réflexe la fille que la foule dégorgea à sa gauche. Ses mains se refermèrent sur ses épaules, leur évitant une collision dont l'inconnue n'avait pas l'air de se soucier, trop occupée à rire doucement de la situation et à marmonner des excuses en anglais, puis dans un japonais marqué d'un accent que Luce ne reconnue pas.

« Une bouteille d'eau pour les musiciens s'il te plaît... »

Dit-elle sans détourner le regard de la fille, les sourcils légèrement froncés.

« J'y vais ! 
- Merci.»

Elle pencha lentement la tête sur le côté, hésitant quelques secondes. L'inconnue faisait clairement partie des plus éméchés du bar, mais assez vive encore pour se sortir d'ennui.

« Ça va ? »

   

La musicienne reconnu vaguement de l'anglais entre les lèvres souriant de la femme, mais trop redessiné par un accent qu'elle n'avait jamais entendu pour avoir la moindre de ce que disait l'inconnue. Luce la regarda s'ancrer au bar dans une prise maladroite, un rire léger sur les lèvres quand la femme plissa légèrement les yeux comme pour essayer de lire son visage. La musicienne était mutine, alors elle plissa les yeux à son tord avec un demi-sourire, approchant légèrement aussi son visage. Elle sursauta presque en entendant une nouvelle gerbe d'anglais échapper à la femme.

Les mots étaient assez rares et courts pour qu'elle réussisse cette fois à comprendre grossièrement l'anglais de la femme, s'attendant cette fois à l'accent jamais entendu quelques secondes auparavant. Et un sourire déborda sur ses lèvres, répondant à ceux de l'inconnue, à l’effervescence et la joie qui vibraient dans ses mouvements quand elle s'agitait, frappant dans ses mains ou regardant autour d'elle. C'était rafraîchissant, un compliment sans intention derrière, gratuit et venant d'une femme. Luce avait toujours eu plus d'affinité avec ses consœurs qu'avec le sexe opposé, qui lui avait donné toutes les raisons du monde de se draper d'un peu de misandrie.  Les infimes moments de sororités, comme un compliment échangé, avaient toujours représentés un plus grands booste pour elle que n'importe quel flirt – sauf avec un seul. Alors au mot de l'anglophone, un rire lui échappa :

« Merci... »

Et un mot en japonais, plus articulé et détaché qu'à l'habitude, parce que l'alcool et leurs accents respectifs la rendaient d'un coup beaucoup plus consciente de son japonais et de ses habituels erreurs de prononciation.
Luce regarda la femme soudainement se tourner vers le bar et batailler pour commander auprès du barman, un demi-sourire sur les lèvres et un sourcil se haussant avec discrétion en l'entendant commande une autre boisson alcoolisée.  

Elle jeta un rapide regard à la scène, apercevant le batteur courber la nuque sous les reproches du reste du groupe. Un sourire lui échappa : même une fois les bouteilles récupérées, elle aurait un peu de temps pour parler avec l'inconnue.

La musicienne s'accouda au bar, un peu penchée vers l'inconnue pour être entendue par-dessus les conversations et les commandes criées à la volée.

« Je m'appelle Luce. Et toi ? »

Un barman revient à ce moment, avec deux bouteilles dégoulinantes de condensation et les déposa rapidement devant Luce avant de courir prendre une autre commande. Elle regarda les deux bouteilles du coin de l'oeil et en attrapa une au hasard, rajoutant.

« Tu préfères pas un verre d'eau pour faire passer l'alcool ? »

   

Luce sourit en voyant Kate secouer la tête, les sourcils froncés et une légère courbe des lèvres disant comme l'idée d'un verre d'eau hérissait. Elle avait proposé sans réelles convictions, presque sûre que Kate n'était pas venu pour être raisonnable. Elle devait être étudiante ou à peine en train de commencer à travailler, et cette soirée devait être être son occasion de laisser le stress et le devoir au vestiaire du club. La musicienne se pencha à nouveau pour l'écouter à travers la musique et le bruit des commandes. Elle s'accrochait à quelques syllabes pour suivre le japonais toujours teintés du fameux accent inconnu, et sourit en comprenant, ses déductions confirmés.

«  Ok » Rit-elle, à peine intelligible alors qu'elle se reculait pour échanger un regard et un sourire avec la femme. Ses sourcils tiquèrent à la mention d'un homme. Ou peut-être qu'elle avait mal comprit, peut-être que le japonais de Kate lui faisait défaut, peut-être qu'elle était emmêlé dans ses mots avec l’alcool, mais la méfiance de Luce était piqué. Le club où ils jouaient n'était pas encore passé aux couvercles anti-drogues – comme beaucoup trop d'autres à son goût – et du coup de l'oeil elle vit le barman arriver vers elle et déposer le verre de Kate devant elle. Les drogues circulaient mal au japon, alors la possibilité de voir son verre empoisonné était souvent sous-estimé, même si déjà rare. Pour autant, elle n'avait pas envie que le cas sur cent se produise dans une soirée où elle jouait.

Elle tourna la tête vers la scène et le regard de la chanteuse qui la cherchait dans la salle. « Je dois retourner jouer, mais après ? Une fois le concert finit. » Luce essayerait de garder un œil sur Kate dans la foule, et surtout s'assurerait qu'elle allait toujours bien une fois la soirée ayant finit de battre son plein.

tw : alcool, baiser qui traîne et qui devient un peu forcé vers la fin.


   

Elle sourit devant Kate et son chuhai, duo de choque si elle se fiait aux étincelles qui pétillaient dans les yeux de la jeune femme. Elle aimait bien cette fille. C'était une jolie rencontre. Ceux qui s'accrochaient aux sourires et à un peu de lumière étaient apaisant, et Luce aimait se dire que si elle les appréciait tant, c'est qu'elle n'étais pas si différente d'eux.
L'étreinte de Kate la prit au dépourvue, les yeux ronds puis un sourcils haussé et un sourire sur les lèvres, avant qu'elle ne pose une main sur son dos et la sente déjà se reculer. Elle rit du bout des lèvres devant ses compliments, le buste à peine incliné dans un salut discret.

« A tout à l'heure Kate » Répondit-elle, encore amusé, avec un signe de la main en miroir à celui de la jeune femme, lourds du poids d'une bouteille d'eau et moins léger.

Elle remonta sur scène et les autres membres du groupe la débarrassèrent en une seconde des deux bouteilles, un bruit de plastique compressé signant la fin de la pause. La musicienne prit à son tour une gorgée pendant que le batteur commençait le rythme du prochain morceau – elle ne jouait pas encore, la basse arrivait bien après, alors en attendant elle faisait le show, buvait avec un hochement de tête en rythme parce que ça semble simple, ils paraissaient virtuoses et c'était aussi ce que les gens venaient voir, quelque chose qui les étonne, les distrait, les fasse rire ou hyper-ventiler parce qu'il y avait cette fille sur scène qui se la pétait un peu et se donnait des airs cool.

Elle plaqua un accord avec un regard général à la salle, à la recherche d'un demi-chignon presque défait en train de sauter dans la foule, et elle aperçut vite deux bras et un regard curieux qui s'agitaient et tentaient de s'approcher un peu plus de la scène. Luce sourit à Kate et lui glissa un geste de la main entre deux morceaux, avant de se concentrer de nouveaux. Le batteur avait tendance à accélérer à la fin des sets, encore plus à la fin d'un concert, alors elle allait devoir tenir la rythmique et oublier Kate.
Quand elle releva le nez de ses cordes presque une heure plus tard, il lui fallut quelques secondes pour retrouver l'autre femme : à l'opposé de la salle, ses mains sur les épaules d'un homme qui avait enroulé des bras légers autour de sa taille et pressait leurs lèvres ensembles. Un souffle attendrit et un sourire narquois lui échappa : ils étaient adorables, elle était contente pour Kate, et un peu jalouse aussi. Elle n'avait plus ça elle, ne l'aurait d'ailleurs peut-être plus jamais : elle n'arrivait plus à faire confiance, et sa misandrie crevait le plafond.

La musicienne commença à ranger son matériel comme le reste du groupe, ils démêlaient les files puis les enroulés, roulaient des yeux devant le batteur qui continuait en acoustique quelques rythmes pour crâner, prenaient une gorgée d'eau. Elle se redressa avec un gémissement après avoir enroulé trois mètres de files et chercha à nouveau Kate dans la foule, ses yeux surtout autour du bar où elle avait dû aller avec sa trouvaille du soir, partager un autre chuhai. Mais elle était toujours au même endroit, avec les mêmes bras autour de sa taille, les mêmes contre sa bouche, et une prise plus ferme sur les épaules de l'homme. Les sourcils de Luce se froncèrent, et quand ses yeux captèrent un léger pas en arrière de la part de Kate, elle commença à s'approcher avec lenteur d'un des derniers amplis qu'ils n'avaient pas rangés. Le gars n'était pas méchant. Pas futé, pas à l'écoute, pas un bon coup probablement aussi, mais son problème était surtout d'être trop alcoolisé pour s'occuper de Kate. Luce tourna un bouton et un sifflement commença à monter dans la salle. Les mains se levèrent pour couvrir les têtes, Kate et son inconnu ne firent pas exception, et elle se dépêcha de rétreindre, des excuses balbutiées entre les reproches justifiés de ses collègues.

Elle sauta presque de scène – un des nombreux autres tours que les musiciens avaient trouvés pour vendre du spectacle – avec le claquement de ses épaisses semelles sur le sol pour l'accompagner, et courut presque vers Kate. Une mains sur son épaule et un « salut ! » un peu essoufflé, elle sourit à Kate avant d'adresser un signe de tête à l'inconnu.

« On a finit » Dit-elle avec un rire. «  Vous avez aimé le deuxième set ? » Elle regarda Kate puis son acolyte, un demi-sourire aux lèvres, sa main toujours sur l'épaule de la jeune femme.

   

Kate avait l'air d'aller bien, pétillait comme avant, son accent toujours inconnu au coin de ses mots et Luce sourit et l'écouta parler des membres du groupe, un foncement de sourcils imperceptible quand elle complimenta le batteur. Mais elle était adorable, se perdait dans ses phrases et trébuchait sur ses mots et elle donnait envie à Luce de sourire et de l'écouter encore quelques heures, jusqu'à ce que le bar fermait, jusqu'à ce que les premiers tramways passent, jusqu'à ce que le soleil se lève. Peut-être qu'elle était plus calme sans alcool dans le sang, plus renfermée, cette Kate là en tout cas lui plaisait.

Puis Kate la « présenta » à l'inconnu et parti vers le bar, sa main autour de la sienne, l'avancée fluide dans la foule moins dense, et commanda deux autres chuhais. Luce pensa à lui proposer de n'en prendre qu'un, de le partager, parce que la plus jeune avait déjà assez d'alcool dans le sang, mais elle se tut. Elle pourrait toujours raccompagner Kate, qui en attendant leur verre, commençait à parler. De ses études, de ses amis, de ce nouveau projet qu'elle avait, de ses photos qu'elle voulait développer, des endroits où elle avait fait la fête, de ses gens qu'elle avait rencontré et Luce ne voulait pas l’interrompre, se contentait d'un hochement de tête à des endroits clés, d'un sourire qui l'invitait à continuer de parler. Elle apprit que Kate était en étude d'art, qu'elle était à Amai Gakuen, que son accent était un accent Irlandais et qu'elle venait de là-bas, qu'elle avait un classement personnel de boisson. Et leurs verres arrivèrent, elles partirent vers une table éloignée, avec une guirlande un peu moche accrochée quelques part au-dessus de leur tête, mais qui faisait une auréole rouge sur les cheveux de Kate.

Luce porta son verre à ses lèvres sous une attention curieuse, les yeux fermés à la sensation des bulles qui éclataient, du goût très lointain de l'alcool, derrière un pique plus acide. Les boissons pétillantes n'étaient pas ce qu'elle préférait, c'était un peu trop pour son palais qui ne savait plus où chercher et ressentir. Mais elle comprenait ce qu'on pouvait leur trouver et le Chuhai était rafraîchissant, un peu revigorant avec une soirée entière à jouer debout, le poids d'une basse sur les épaules. Elle rouvrit les yeux. « Je crois que j'en ai bu un il y a longtemps, le goût me dit vaguement quelque chose. C'est agréable après une soirée à jouer » Dit-elle, ses yeux suivant doucement ceux de Kate sur la foule. Elle vit l'inconnu qu'elle embrassait une dizaine de minutes plutôt, et revient à Kate du coin des yeux, une autre gorgée de Chuhai avant de demander, un air détaché sur le visage : « C'était un ami à toi ? »

   

La musicienne hocha la tête avec une gorgée de son verre, regarda le type en question avec une oreille pour les explications de Kate. Elle sourit derrière son chuhai à la question de l'étudiante et n'eut pas à répondre, mais lui lança un regard amusé en continuant de l'écouter.

Luce crut que Kate était sur un de ces débordements d'émotion que l'alcool créait parfois, le bord des yeux brillants et les commissures des lèvres secoués de spasmes. Mais l'étudiante ne semblait pas pencher dans l'émotion, elle suivait une piste qui devait être logique pour elle, la déroulait et voyait jusqu'où tout ça l'emmenait. Luce ne la connaissait pas encore assez pour savoir si ses déambulations étaient hasardeuses, ou si c'était un peu de ses peurs ordinaires mises à jours, mais elle n'osait pas l’interrompre. Si elle tentait de la réconforter, d'hocher la tête ou la contre-dire, elle avait peur de briser son file d'équilibriste. Alors elle resta silencieuse, l'écouta et la regarda, sa bouche cachée verrière son verre de chuhai. Les bullent éclataient sur le bord de ses lèvres et elle en reprit une gorgée, les oreilles maintenant à l'écoute du silence que Kate laissait se tendre entre elles, le regard dans le vide et les mains autour de son propre verre. Les pensées de la musicienne partirent de leur propre côté en douceur, le silence souvent tendu quand les conversations s'épuisaient devint doucement indifférent, simplement là. Au milieu du calme qui c'était installé à la table, noyée dans le vacarme maintenant flou de la salle, la question de Kate la fit presque sursauter. Elle reposa son verre avec un sourire calme et ramena une jambe contre elle, son talon sur le bord de la chaise, son menton sur son genou. Elle n'aimait pas parler de l'Italie : c'était la peur du coupable, elle le savait, cette tension au creux de la poitrine quand elle craignait qu'un mot la trahisse, et qu'on se retourne vers elle avec un regard accusateur.

« D'Italie. De Ligurie précisément. C'est une région près de la Méditerranée. » Toutes les années qu'elle avait passées en Italie, elle les avait vécues dans cette région. Elle avait grandi dans une ville à quelques heures de Gênes, puis elle avait étudié là-bas, emménagée là-bas, provoquée un accident de voiture là-bas et finit en convalescence là-bas. Elle aimait cet endroit – peut-être était-ce pour ça qu'elle avait choisi de venir à Kobe, parce que c'était une ville proche de la mer aussi – mais elle n'y remettrait sûrement jamais les pieds.

« Ça croule sous les touristes à presque n'importe quelle saison, mais c'est sympa. Les prix doivent inabordables maintenant » Dit-elle, finissant presque sur un chuchotement, le sourire un peu pincé. Elle savait qu'elle avait laissé beaucoup de monde derrière elle, sa mère, ses cousins, ce groupe d'ami, ce garçon un peu plus vieux qui lui avait apporté des fleurs à l’hôpital et qui avait sûrement espéré pouvoir prendre une place encore fraîche de sang. Ils étaient tous restés au milieu des touristes, dans les salles de répétition du conservatoire de Gênes, et ils ne savaient pas pourquoi elle était partie, ils n'avaient eu que cette explication floue et bancale qu'elle avait fabriquée pour partir le plus loin possible, le plus vite possible, ne plus jamais parler Italien, ne jamais croiser aucun homme qui s'appellerait « Bruno ».

Elle releva la tête, offrit un sourire gêné à Kate et retourna la question, « Et toi ? » En se demandant si elle aussi avait fuit quelque chose, ou si elle était venue ici pour cette école réputée de tous les ambitieux du globe se disputaient.

   

Un haussement de sourcils échappa à Luca. C'était donc pour ça. L'accent. Elle sourit derrière son verre en ce demandant si Kate avait grandit en ville ou en campagne, à quoi avait ressemblait son enfance et son adolescence. Si elle avait aussi grandit près de la mère, ou si c'était un événement particulier pour elle, un voyage de plusieurs heures pendant les grandes vacances, quelques nuits à l’hôtel ou dans un gîte, et la moindre minute les pieds dans le sable parce qu'il fallait profiter de tout. Si elle avait toujours été comme ça, à considérer un pays et une mer comme « pas grand chose ». Et Luce eu un infime bout de réponse, et elle n'était pas étonnée que Kate aime la pluie, c'était cliché mais elle ressemblait à ce genre de fille pas vraiment sportive mais qui aimait aller marcher en foret pendant plusieurs heures, qui sourirait en trouvant une sauterelle sur le bord de la route et rentrerait bien plus tard de prévu.
Elle pensa vaguement que si elles se recroisaient un jour, si elles restaient en contact après ce soir, elles devraient aller à la plage de Kobe. Pour comparer. Chacune donner leurs anecdotes.

La musicienne leva aussi son verre et le frappa doucement contre celui de Kate, répétant : « A nous »

Luce leva la tête et sourit, avant de sentir la tête de Kate tomber sur son épaule. Elle baissa les yeux pour regarder l'étudiante, un demi-sourire aux lèvres, et vint tapoter sa tête du bout des doigts.
« J'en suis sûre aussi, Kate » Dit-elle avec un sourire vague et amusé, un regard vers les autres musiciens, autour de la camionnette ou étaient rangés le matériel. La chanteuse lui fit un sourire fatigué avec un haussement d'épaule, et un petit geste de la main pour lire dire de partir de son côté. Elle en entendrait sûrement parler à la prochaine répétition. Et celle d'encore après. Elle leur adressa un sourire désolé et se retourna vers Kate, demandant doucement « Tu veux que je te raccompagne ? ». Et la réponse la fit sourire parce que Kate ne réagissait pas comme s'il s'agissait d'une corvée – rentrer chez soi en voyant et en oubliant de marcher droit – mais une autre partie de la soirée, comme si elles partaient pour un autre bar. Un taxi aurait été plus pratique, mais elle n'avait pas envie que la moitié de sa paye du soir flambe si vite, ni de discuter de question financière avec Kate et ses quelques grammes dans le sang. Alors le métro était encore le plus pratique et elles se mirent en route en tanguant doucement, Luce aida l'étudiante à descendre les escaliers sans tomber, l'occupa pendant qu'elles attendaient le prochain métro, la fit s’asseoir une fois dans le wagon.  « Ça va ? » Elle esquissa un petit sourire vers Kate, légèrement penchée vers elle et avec une main sur chaque épaule.