Plusieurs mois sont passés où j’avoue m’être un peu coupée du monde. J’avais un peu oublié que j’avais donné mon numéro de téléphone à une jeune femme du nom de Tsuki, que j’ai rencontré dans un bar lors d’un de nos derniers concerts. En même temps, il faut dire que j’ai été beaucoup occupée ces derniers mois. Nous avons eu un énorme et dernier concert, j’ai avoué à tous mes fans que je coupais définitivement les ponts avec la musique pour me consacrer à cette passion qui va devenir un vrai métier.

En plus, dans le même temps, enfin ça fait un mois que l’on a ouvert la boutique. Ho gosh, j’ai tellement eu de travail depuis que l’on s’est croisés. Ça fait presque une année ça quand même. Je ne sais même pas si elle se rappelle encore de moi à vrai dire. Bon, si, j’espère bien. Ah oui si, en fait on n’a pas tellement coupé les ponts que ça ! Je lui ai envoyé des invitations pour sa sœur et elle, pour notre dernier concert. Tout comme à Kimiko d’ailleurs. Même si la boutique vient seulement d’ouvrir, je peux bien prendre un jour pour aller faire du shopping. Je pourrais toujours dire à la jeune femme de me rejoindre à la boutique et après on irait ensemble prendre le train pour Osaka. Après quelques échanges par message, quelques semaines auparavant, nous avons enfin convenues de cette date. Ça n'a pas été évident de caler cette journée avec mon agenda de ministre je dois dire.

Je connais ma seconde Erika depuis bien longtemps et je lui fais une confiance aveugle pour que tout aille comme sur des roulettes. Pour l’instant, on prend que des commandes sur mesure et on se contente de limiter aussi le nombre. Ça devrait aller pour elle, même si bien entendu, nous avons le droit à un ballet de jeunes filles toute la journée, venant juste voir la boutique ou pour essayer de me parler et avoir des conseils. Je ne les donne pas gratuitement mes conseils. Ou alors ça dépend à qui.

J’avais enfin envoyé un message à Tsuki la veille pour lui donner la location de notre rendez-vous avant que l’on ne commence réellement cette journée shopping entre femmes. J’ai toujours une pleine notoriété et si je ne fais pas attention encore aujourd’hui, on va venir m’ennuyer dans la rue. Je ne voudrais pas trop infliger ça à la jeune femme. On est là pour passer un bon moment, pas pour se faire arrêter toutes les quatre secondes parce qu’un de mes fans voudrait absolument un autographe, une photo avec moi et que ça va ensuite partir en piaillant : « J’ai eu la chance de rencontrer Aliyah ! Kya kya kya trop contente. J’ai même eu le droit à son super sourire Oh gosh je fonds ! » et blablabla.

Je lui avais demandé que l’on se retrouve un peu tôt avant qu’il n’y ait la grande foule à la boutique et que je ne puisse pas partir tranquillement. J’ai toujours un chauffeur à ma disposition, c’est ça d’être célèbre donc finalement, au lieu de se risquer à prendre les transports en commun, on pourra toujours y aller en voiture. Et comme ça, ça m’évite de devoir être sur le qui-vive tout le temps. Mon chauffeur n’aura qu’à nous poser à tel endroit et après on se débrouillera. Je l’appellerais quand il y aura besoin et le tour est joué. J’avoue être un peu stressée face à cette idée de sortie shopping. Après j’assume, c’est moi qui lui ai proposé en la déroutant aussi. Aujourd’hui, je suis habillée d’un pantalon blanc avec un pull assez large de couleur violet, à capuche. Des baskets compensées blanches et noires assez simples. Lunettes sur le nez pour faire genre, cheveux attachés de côté pour pouvoir mettre la capuche plus facilement et qu’ils ne se voient pas trop. Je n’aurais plus qu’à mettre un masque et le tour sera joué. Ah, la voilà.

« Salut Tsuki ! Du coup, il y a un petit changement de plan. C’est mon chauffeur qui va nous y emmener. Je me sentirais moins stressée que de prendre les transports en commun… On peut tout à fait faire un tour à Osaka en premier et revenir sur Kobe pour les quelques magasins sympa de Koyane et Uzume, si c’est okay pour toi. »

A vrai dire, je ne devrais plus avoir de chauffeur mais je peux encore me payer ce service alors pourquoi refuser. Et je sais que mon époux est plus rassuré quand il n’est pas là et qu’il y a quelqu’un à sa place. Puis comme j’avais un peu la hantise par rapport au train et autre, non finalement, en fait, c’est très bien qu’il soit là.

« Et du coup… bah voilà la boutique en question. On pourra y passer après notre virée shopping si tu veux, ou tu pourras toujours revenir. »

Ce n’est pas que je ne veuille pas lui faire le tour du voisinage, c’est surtout que les étagères sont un peu vides du fait qu’on privilégie pour l’instant le sur-mesure. Mais sans doute un de ces jours, elles seront remplies de pièces qu’il est possible de reproduire à moindre coût. Juste pour offrir quelque chose de plus abordable à celles qui ne peuvent pas se permettre le luxe du sur-mesure. Je l’invite ensuite à monter en voiture et c’est parti pour une balade en voiture jusqu’à Osaka.

« Tu as déjà visité Osaka ? Enfin, pardon, je devrais d’abord te demander comment tu vas depuis… la dernière fois ? »

La demoiselle n’a pas fait de faux pas sur ce qu’elle a mis aujourd’hui. Je vois qu’elle attache quand même un peu d’importance à son style. Je souris avant de lui montrer rapidement la boutique. Je ne peux m’empêcher d’opter pour un grand sourire quand elle me dit que la boutique est magnifique. Mon égo est assez facile à combler en soit. Une fois installées dans la voiture, je donne l’adresse de mon chauffeur qui part sans plus tarder. Je craignais manager un peu la conversation et de n’être pas très intéressante mais finalement Tsuki me fait part de son intérêt pour ma vie bien remplie.

« Oui ça va merci. Et bien écoute, je ne sais pas si je peux dire que je suis heureuse de cette nouvelle vie tout de suite parce que ça fait qu’un mois que j’ai ouvert donc je suppose que c’est le temps que je trouve ma place. »

Je ne vais pas lui dire que je suis du genre tellement passionné par mon travail que j’ai du mal à le quitter et je peux me transformer en véritable dragon quand les choses ne vont pas dans mon sens. Les paysages défilent devant nous et quand je lui demande si elle est déjà allée à Osaka, sa réponse ne m’étonne pas trop. Qui ne visite pas Osaka au moins une fois dans sa vie ? Après tout, on est tout près. C’est tellement facile de pouvoir y aller, soit en train, soit en voiture. Bon, je ne suis pas non plus un grand exemple. J’ai tendance à préférer Tokyo que Osaka pour le shopping mais ça ira très bien pour cette fois-ci.

Sanda et Kobe s’éloignent enfin de notre champ de vision. Je ris légèrement quand Tsuki me fait remarquer que c’est la première fois qu’elle se fait conduire. Ça va faire gosse de riche de dire ça mais en même temps, pas tout le monde a le luxe de pouvoir se payer un chauffeur. Mais je vais garder cette pensée de riche pour moi, ça vaut mieux. Je ne veux pas paraitre hautaine ou je ne sais quoi d’autre. Même si la Aliyah en public en a rien à foutre d’être hautaine. C’est presque ma marque de fabrique à ce qui parait.

« C’est vrai que c’est plus agréable. J’aurais pu conduire mais… la flemme à vrai dire. »

J’ai mon permis, ce n’est pas le problème mais j’ai tendance à me prendre pour Paul Walker dans Fast & Furious alors je conduis que très peu. En même temps, ce n’est pas drôle s’il n’y a pas un peu d’adrénaline au passage. Et du coup, bah vaut mieux pas que je conduise, on va éviter de mettre en danger les passagers. Enfin, la question ne se pose pas quand je suis avec Magoichi, c’est lui qui conduit d’office. Du coup, j’ai l’habitude de me faire conduire et j’aime bien ça en fait. Les buildings d’Osaka si reconnaissables, notamment avec l’Umeda Sky Building, que je trouve être vraiment sympa niveau architecture.

« Ah oui Tsuki, appelle-moi Lili quand on sera dans la rue, en train de faire les magasins, si tu as besoin. Mes fans ne connaissent pas ce surnom et il peut être utilisé pour plusieurs prénoms. Même les murs ont des oreilles quand on est à l’extérieur. La moindre personne qui entend mon prénom va être susceptible de venir nous voir et je serais reconnue… »

Parano ? Mais pas du tout voyons ! Même en m’appelant par mon surnom officiel à savoir Ali, certains ont compris qui j’étais et les virées à l’extérieur devenaient plus que compliqué. Mon chauffeur nous laisse sur un parking peu fréquenté proche du quartier de America Mura. C’est un peu le temple de la mode de Osaka. Je mis mon chapeau puis mon masque et le tour est joué pour pouvoir sortir. Je vais bien entendu rester sur mes gardes comme je le fais tout le temps mais disons que les risques devraient être un peu moins grand. Ici, chacun a son style et on n’est pas souvent regardé ; ce qui est plutôt une bonne chose dans mon cas. Je préviens simplement le chauffeur que je lui dirais quand et où venir nous chercher. Nous pouvons explorer un peu ; le quartier n’est pas immense non plus mais bien fourni.

« Prête pour cette virée shopping Tsuki ? America Mura est plutôt central, on devrait pouvoir y trouver pas mal de choses sympathiques. »

Je vais essayer de me contenir pour qu’elle arrive à suivre et en essayant de ne pas trop lui faire de cours sur la mode. Non parce que je me connais hein… Est-ce que son instinct de femme va la guider et la faire aller dans presque tous les magasins ? J’ai hâte de voir ce qu’il va en ressortir de cette petite virée.

C’est officiellement parti pour notre virée dans America Mura. L’effervescence du quartier commence à monter. Les gens se précipitent pour certains dans des magasins de seconde main, d’autres regardent les vêtements mis en valeur à l’entrée des boutiques. C’est comme être dans une friperie géante. Je jette quelques coups d’œil à droite à gauche, toujours sur le qui-vive quand je sors quelque part. C’est devenu mon quotidien depuis que je suis connue. La miss m’interpelle en me demandant si j’ai des envies particulières et me faisant part de ses attentes et ses besoins quant à cette virée shopping. Des sandales pour l’été je dis oui. On ne devrait pas en tant que femme toujours trainer en basket ! Où est la féminité dans toute sa splendeur ? Et il me semble avoir mal entendu ; elle a bien dit qu’elle n’avait qu’une seule paire de sandales ? Mais quoi ! Comment est-ce possible ? On devrait tous avoir au moins une ou deux paires de baskets, une ou deux paires de bottes et au moins plusieurs paires de sandales et talons dans sa garde-robe ! Ou alors c’est moi qui aime un peu trop que ma penderie soit remplie avec de jolies choses.

J’hoche la tête quand elle dit qu’elle voudrait aussi peut-être une robe. C’est une très bonne idée oui. Voilà, j’ai trouvé ma nouvelle mission ! L’aider à trouver une jolie robe qui la mette en valeur. Le quartier propose des vêtements pas trop chers en plus, ça devrait aller pour son porte-monnaie. C’est une jolie femme, pourquoi le cacher. Je suis certaine qu’elle pourrait en faire tomber plus d’un si son charme naturel est bien mis en valeur. Mais de mon côté… Je n’ai toujours pas répondu à sa question. Je ne sais pas si j’ai réellement besoin de quelque chose. Peut-être du tissu.

« Je t’avoue que je ne sais trop. Peut-être du tissu, je ne sais pas. On verra si un coup de cœur me tombe dessus. »

Quand je ne design pas moi-même mes vêtements, je marche très souvent au coup de cœur. Et également, je réfléchis si le vêtement va s’harmoniser avec le reste de ma garde-robe. C’est ce qui est le plus important à mes yeux à vrai dire. Harmoniser le tout.

« Si tu as besoin de conseils pour arriver à trouver une robe, n’hésite pas. »

Ah qui pourrait se payer le luxe de pouvoir faire du shopping avec moi, et encore plus d’avoir le droit à des conseils gratuits ? Ce n’est réservé qu’à mes plus proches amis ou aux personnes que j’accepte dans mon cercle ultra restreint de connaissances.

« Okay allons-y et tu verras que dans ce quartier, la plupart du temps les prix sont abordables. »

J’entre à sa suite dans la boutique ; l’endroit est plutôt calme et chaleureux. Nous sommes venues assez en avance pour qu’il n’y ait pas encore l’effet de masse donc qu’il n’y ait personne d’autres que nous ne m’étonne absolument pas. Je jette un petit coup d’œil au rayonnage. Pas beaucoup fourni mais parfois c’est mieux comme ça. La vendeuse me fixe pendant quelques secondes alors que je détourne le regard sciemment pour me concentrer sur la découverte de Tsuki. Une robe kaki un peu oversize. Je prends mon air de femme d’affaire hautaine en croisant les bras, les doigts sous le menton en mode penseur. Je ne sais pas trop… Mon idée est plutôt de la mettre en valeur ; les oversize ne vont pas à tout le monde. Après… ah quelque part, ça pourrait très bien lui aller. Mais peut-être pas de cette couleur. Il serait intéressant de voir comment ça lui va avant de réfléchir à la couleur.

« Tu devrais l’essayer. Je ne suis pas spécialement fan du kaki, je trouve que ça ne sied pas forcément à tout le monde, cependant la coupe de la robe en soit pourrait bien t’aller. Mais d’abord, je veux voir comment cela te va avant de rendre mon verdict final. »

Je commence à regarder dans le rayon si je trouve une autre couleur à cette robe. Je finis par aller voir la vendeuse car il n’y a pas d’autres couleurs. Celle-ci, semble-t-il après avoir eu un moment d’extase pour je ne sais quelle raison, me dit que c’est un modèle unique et qu’elle n’a pas d’autres couleurs. Soit, je viens d’avoir une idée tout d’un coup. Si Tsuki veut partir sur cette robe, je peux toujours la lui personnaliser un peu en la faisant apparaître plus militaire grâce à des tissus et autres joyeusetés. Ce style pourrait tout aussi bien lui aller. Avant de revenir vers la jeune femme, je parcours l’ensemble des tenues et en trouve une qui pourrait bien lui aller. Elle est simple, une coupe fluide, un léger décolleté en V avec quelques touches de dentelle sur les manches courtes et sur le bas de la robe. De couleur bleu clair, je crois bien que ça lui irait pas mal. Je reviens vers la jeune femme pour voir le résultat, avec ma découverte dans les mains.

« Tu te trouves comment dedans ? A l’aise ou pas trop ? »

Je ne vais pas dire devant la vendeuse que je trouve cette robe trop simple à mon goût et qu’elle aurait bien besoin d’un petit peu de personnalisation pour la rendre vraiment attrayante. Je finis par lui tendre l’autre robe.

« Tiens, essaie. J’ai trouvé une autre robe qui sans aucun doute t’irait bien. Je crois que le bleu est la couleur qui te va le mieux. Dis-moi ce que tu en penses. »

Peut-être même mieux que la robe oversize d’ailleurs. Et voilà… Je me serais tenue à peine trois minutes avant de lui déverser mon savoir et mes conseils en matière de robe… Plus qu’à attendre de voir si elle veut bien l’essayer et le cas échéant, le résultat. Mais mon petit doigt me dit qu’elle va vraiment se mettre en valeur, juste avec cette robe bleu clair que je viens de lui présenter. Elle semble simple, vraiment très simple mais très souvent la simplicité, c’est ce qui fait tout. Aujourd’hui, je suis habillée bien plus sobrement que je peux l’être en temps normal, ce qui est un gros effort en soit pour moi.

Je vois bien que la jeune femme n’est pas forcément à l’aise dans la robe oversize mais qu’elle n’ose pas le dire à la vendeuse. Ce n’est pas très étonnant, on hésite toujours à dire ce que l’on pense quand quelque chose nous dérange. Cependant, il ne faut pas hésiter. Finalement, Tsuki accepte d’enfiler la robe bleu clair en la trouvant jolie en plus de ça, ce qui me réjouit plutôt. Et je ne suis pas peu fière du résultat ; ça lui va très bien. Un sourire fier se dessine sur mes lèvres alors qu’elle se regarde sous toutes les coutures. Oui, ça lui va vraiment bien. Huhu, ravie de voir qu’elle craque pour cette petite robe, j’hausse légèrement les épaules.

« Il suffit d’avoir quelqu’un qui a quelques bons conseils et le tour est joué. »

Oui, je m’offre des fleurs pour lui avoir permis de trouver une robe qui lui aille, et ce dès le premier magasin. Promis, je vais essayer de ne pas trop lui trouver pleins de choses. Je pense qu’elle n’a pas non plus le budget que j’ai. Je l’attends bien sagement, ne m’attendant pas à ce qu’elle me trouve une tenue. Un short noir avec une chemise blanc. Je souris car c’est effectivement un peu mon style de mettre ce genre de choses et de savoir qu’elle pense que ça pourrait être joli sur moi, prouve qu’on me met moi-même au défi de mettre autre chose que ce que j’ai l’habitude de créer pour moi-même. C’est intéressant. Ah non, elle rougit. La miss pense sans doute que cela ne va pas me plaire et que ça parait sans doute bizarre de proposer quelque chose à quelqu’un qui commence à bien s’y connaitre.

« Je vais essayer, oui, c’est sympa ce que tu as trouvé. »

Je souris une nouvelle fois avant de disparaitre derrière le rideau de la cabine. Voyons voir, voyons voir. J’enlevais mon pantalon pour passer le short. Okay, la taille ça va pile poil. J’enlevais ensuite mon pull et mon t-shirt pour passer la chemisette. Avec les baskets compensées, l’harmonie est parfaite. Je finis par sortir de la cabine avant de prendre une pose de mannequin.

« C’est pas mal non ? Ça passe bien avec les baskets. »

Ce que j’avais nié auparavant sembla se produire. La vendeuse curieuse de voir ce qu’il en était de la tenue sur moi m’a tout de suite reconnue. C’est contraignant d’essayer une tenue avec toutes sortes de déguisements sur la figure. Admirative à mon plus grand dam, elle se dépêcha d’aller chercher son téléphone, me demandant la permission de me prendre en photo avec une de ses tenues… On va dire qu’il faut s’entraider entre « collègues ». Déjà, elle ne me demande pas un autographe, ce qui est une bonne chose en soi. Je ne doute pas un seul instant que la photo va aller sur sa page internet. Enfin, si grâce à ça, ça peut lui ramener un peu de monde. Mais ce n’est pas spécialement plaisant de se faire prendre en photo par les gens quand on veut juste passer une journée tranquille avec son amie. J’aurais pu dire non mais elle aurait sans doute fait la gueule et m’aurait ensuite flinguée sur internet parce que j’ai refusé de prendre une photo dans sa boutique. D’autres haters auraient ensuite suivi et le cercle vicieux de la haine aurait fini par prendre trop d’ampleur.

Je retournais assez rapidement dans la cabine afin de me changer et remettre tout mon déguisement en place. Je ne peux pas me permettre de rester trop longtemps dans cette boutique, au risque qu’elle sorte dans la rue pour dire à qui veut l’entendre qu’Aliyah la chanteuse et styliste est là. Je finis par passer à la caisse avec mes deux articles avant de regarder Tsuki.

« On continue ? »

Une fois sorties de la boutique, je regardais à mes alentours. C’est bon, pas de photographes en vue. Je finis par légèrement soupirer.

« J’espère que ça ne va pas être comme ça à chaque fois que j’essaie une tenue… Je fais la promotion d’autres boutiques alors que j’ai déjà forte affaire avec ma propre promotion… »

Je scrutais mon téléphone pour voir si j’avais des notifications et oui effectivement. Erika me demandant d’acheter certains types de tissus car nous n’en avons plus beaucoup. Ah parfait. J’aime perdre des heures et des heures dans les magasins de tissus. Surtout Toraya Shoten, situé dans les arcades. Trois étages de tissus en tout genre. Ho bien sûr, ils n’ont pas tout mais je devrais quand même pouvoir trouver ce dont j’ai besoin.

« On peut continuer un moment ici si tu vois d’autres trucs qui t’intéresse, je dois ensuite aller à Toraya Shoten pour acheter du tissu. Ce n’est pas très loin d’ici en traversant le pont de Dotonburi. »

Comme dit plutôt, c’est elle qui mène la danse aujourd’hui. Je ne suis là que pour distiller mon savoir sur la mode. Même si les situations inconvenantes risquent de continuer pendant notre périple, c’est plutôt sympa de passer du temps à faire les magasins avec une amie. Je n’ai jamais eu l’occasion, ni vraiment le temps de pouvoir une activité comme celle-ci. Je me surprends à apprécier juste regarder dans les rayonnages des boutiques.

Le compliment de Tsuki me fit plaisir alors que j’essayais cette nouvelle tenue. Bien sûr que je finis par l’acheter, ça va très bien avec mes chaussures compensées et mon teint. Alors que je me changeais, la jeune femme me fait part de sa culpabilité à m’avoir demandé d’essayer une tenue alors qu’avec ma célébrité, c’est sans doute un exercice assez risqué.

« Ne t’en fais pas pour ça. Ne te sens pas coupable, j’ai pris le risque moi-même en voulant essayer. Ce n’est pas grave, ça va avec de toute manière. Je ne peux décemment pas à chaque fois que j’ai envie de me promener dans le quartier, passer un coup de fil à toutes les boutiques avant pour les réserver et leur dire que je veux être tranquille pour essayer ? »

Je l’ai déjà eu fait quand j’étais bien célèbre en tant que chanteuse. Je ne voulais pas être dérangée alors j’ai demandé à mon manager s’il pouvait appeler toutes les boutiques pour leur dire que je passerais et que donc, éviter qu’il y ait du monde à ce moment-là. Ça paraît sans doute un peu mégalo ou que sais-je mais il n’y a que comme ça que je pouvais passer des journées shopping tranquille. Je lui explique donc ensuite que j’ai du tissu à acheter et sur le chemin, nous nous arrêtons dans une boutique de chaussures pour que la miss puisse trouver une paire de sandales à sa convenance. Manque de pot, elle ne trouva rien de vraiment confortable et ainsi, nous sortîmes. Je lui souris.

« Il ne faut jamais perdre espoir effectivement de trouver la perle rare. Oui, on pourra toujours repasser par ici. De toute manière, je ne vais faire que commander ensuite ils me les livreront et le tour sera joué. On ne va pas se trimballer avec des rouleaux de tissus, je te rassure. »

En plus, c’est déjà une réussite en soi d’avoir trouvé une perle rare en si peu de temps alors il faut bien trimer un peu pour pouvoir trouver d’autres perles rares n’est-ce pas ? Je la dirige vers les arcades où se trouve mon fournisseur de tissu, passant par le pont Dotombori, un peu trop célèbre pour les crétins qui saute dans la rivière du même nom et qui meurent. Surtout l’hiver à cause de l’eau gelée. L’endroit grouille de monde, comme toujours alors je redouble d’attention pour éviter que l’on me reconnaisse. Je me détends un peu plus quand nous arrivons enfin à la boutique de tissus. L’endroit n’est pas trop fréquenté donc ça passe mieux. Je sors mon téléphone de la poche avant de me tourner vers Tsuki qui est prête à me donner un coup de main pour trouver ce dont j’ai besoin.

« Alors voyons voir son message… J’ai besoin de toile Canvas en couleur ocre 2 rouleaux, de la dentelle blanche 1 rouleau, du lin en couleur bordeaux et noire 2 rouleaux de chaque couleur, ainsi que de la soie de couleur beige, blanche et bordeaux 3 rouleaux de chaque couleur. Je pense que ce sera déjà pas mal avec ça. Je crois me souvenir que le Canvas et la dentelle sont au premier étage, tu veux t’en occuper ? Le lin et la soie sont au deuxième étage. Ou tu préfères qu’on y aille ensemble comme ça je te montre à quoi ça correspond exactement ? »

A vrai dire, il me suffirait de recopier la liste sur un papier et de la donner à un des vendeurs pour qu’il aille chercher tout ce que je veux et me faire le bon de commande et de livraison. Mais c’est plus intéressant de pouvoir toucher les différents tissus. Parfois, ça donne même de nouvelles idées de conception. Je pourrais vraiment y passer des heures et des heures dans ce genre de magasin. C’est mon univers, c’est là où je me sens le plus à l’aise. Ah et je vais prendre quelques boutons et autres trucs de mercerie pour nos accessoires type cravate, nœud etc. Je traverse les rayons à la recherche de mes tissus, montrant différents trucs à Tsuki et lui expliquant un peu les différents tissus que l’on peut trouver et ce qu’on peut faire avec.

La dentelle et le Canvas sont plutôt utilisés pour des vêtements de cérémonie type mariage. Le lin et la soie peuvent être utilisés pour toutes sortes de vêtements mais généralement, mes clients me demandent des costumes en lin, des tailleurs en soie ou des robes. Ça dépend vraiment du type de client que j’ai. Et il y en a d’autres qui me demandent un vêtement moins couteux alors je fais marcher le Canvas ou le coton mélangé polyester car c’est ce qui revient moins cher. Je m’arrête souvent, regardant les couleurs sait-on jamais s’il y en a une qui me tape dans l’œil.

« Alors, comment trouves-tu l’endroit ? Si un tissu te plait, dis-le-moi, j’en ferais quelque chose avec. »

Je lui offris un grand sourire.

J’acquiesce, oui, ce sera beaucoup plus simple d’y aller ensemble. On peut rapidement se perdre dans ces rayons. Quand je lui propose de choisir un tissu pour lui confectionner quelque chose, je dois dire que je fus plutôt surprise de sa réponse et en même temps, j’ai trouvé ça mignon. Je n’ai plus réellement de famille, enfin à part mes frères je veux dire, donc je ne sais pas trop ce que c’est de vouloir plaisir aux plus anciens. Je ne couds pas forcément pour Hayato et Ryo, ne voulant pas les entrainer dans certains de mes délires de stylistes. J’ai un autre cobaye à ma disposition en plus de ça. Bien plus charmant qui se laisse volontiers faire, à savoir mon très cher bien-aimé. Mais donc un tissu pour en faire un Obi. De la soie donc, et de la soie avec de beaux motifs tant qu’à faire. Tsuki m’explique ensuite que sa grand-mère sait coudre mais qu’elle voudrait essayer de le faire elle-même. Intéressant, un cadeau vraiment original empli d’amour.

« Hum je vois, c’est intéressant je dois dire et original comme cadeau. Il est assez difficile de coudre un Obi surtout traditionnel avec une bonne vieille machine à coudre où l’on sue de tout son joug car on coud fil par fil, mais avec une machine à coudre dernier cri et du tissu spécial, ce n’est pas hyper compliqué. Tu t’es déjà servie d’une machine à coudre ? »

Je pourrais toujours essayer de lui apprendre, ça n’a rien de très compliqué en soit. Il faut juste apprendre à dompter la bête. Et puis, il faut surtout faire attention à l’aiguille que l’on va utiliser pour qu’il soit adapté au tissu. C’est une question de technique et surtout une question d’avoir le meilleur matériel à sa disposition. Non parce que casser des machines à coudre à cause du tissu et de l’aiguille qui n’allaient pas ensemble… Ça m’est déjà arrivé plus d’une fois lors de mon apprentissage.

Je finis par apercevoir un vendeur à qui je donnais la liste de ce dont j’avais besoin avant de me diriger avec Tsuki vers les rayons de dentelle. C’est vrai qu’il y en a de toutes sortes et je commence à regarder le tissu précis qu’il me faudrait. Toutes les dentelles ne se ressemblent pas, alors forcément…

« Oui c’est vrai qu’elles sont magnifiques. Eh bien, on peut en faire des robes de mariées principalement, des sortes de paréo ou de petits hauts très sympathiques pour l’été. Je dirais qu’il y a pleins de possibilités. Quant à ton idée de coudre un Obi pour ta grand-mère, viens me voir à la boutique un de ces jours, plutôt en fin de journée. Je t’apprendrais comment coudre ce genre de d’accessoires. »

Je préférerais bien entendu qu’elle apprenne déjà, voir si ce n’est pas trop catastrophique avant de lui proposer de le faire moi-même. Je dirais que cela me fera perdre le même temps mais elle a l’air de beaucoup tenir à cette idée de le faire soi-même donc, autant lui donner un petit coup de pouce dans ce sens. Je trouve enfin le rouleau de dentelle que j’ai besoin, signifiant à un autre vendeur de le mettre sur ma commande avant d’embarquer Tsuki avec moi pour l’étage des soies. Et plus particulièrement, les rouleaux qui servent à assembler kimonos et obis.

« Nous voilà dans l’antre spéciale des tissus utilisés pour assembler kimonos et obis. Chaque tissu a un motif différent, il y en a des unis également. A toi de trouver ta perle rare. Ah une autre chose, c’est plutôt bien d’avoir deux sortes de tissus. Il faut que le Obi soit résistant donc généralement il est cousu avec une doublure. Et comme ça, tu peux l’attacher soit d’une face, soit de l’autre. Ça donne de la dynamique au kimono. »

Je la laisse regarder tandis que de mon côté, je passe en revue les différents motifs. Ils sont tous sympas mais le style Kimono ne me sied pas vraiment. J’en ai bien sûr un mais il est uniquement pour les occasions spéciales. Blanc avec des lotus en or, ce fut mon kimono de mariage. Celui que j’avais décidé de confectionner parce que je ne me voyais dans un aucun autre. Ce n’est pas qu’il me reflète complètement mais je l’aimais bien comme ça. Je reviens un petit moment plus tard vers Tsuki pour voir ce qu’elle avait trouvé.

« C’est plutôt sympa ça ! Il faut que tu en prennes au moins 1,50 mètre de chaque. Les Obis sont toujours long. »

Et un grondement se fit entendre juste après. Provenant de mon ventre… On a dû passer pas mal de temps pour que mon ventre crie famine… On peut toujours voir pour manger dans un petit restaurant, pas loin d’ici ou rentrer à Kobe et manger là-bas.

« Je crois qu’il est temps de se sustenter haha… Je ne connais pas trop les restaurants d’ici ou quoi. Je ne sais pas, où veux-tu aller ? »

Tsuki finit par choisir un motif qui lui plait réellement et nous partons régler nos achats en caisse. Comme toujours, je garde soigneusement le reçu de la commande et le range avec la carte de crédit destinée à payer les fournitures pour la boutique. Deux comptes bancaires séparés bien entendu. J’en ai troisième également qui me servait quand j’étais chanteuse mais celui-ci à présent est devenu le compte à économies si jamais un jour, nous avions un problème avec mon époux. Je remis en place mon déguisement avant que de prendre la direction de la sortie. Une fois de retour à l’extérieur du magasin, nous commençons notre inspection pour trouver un petit restaurant qui puisse nous permettre de nous sustenter. Ça sent un peu trop bon et aiguise de plus en plus mon appétit. Finalement, nous tombons sur un petit restaurant proposant du Tonkatsu. Bonne idée, cela fait bien longtemps que je n’en ai pas mangé. Je suis plutôt habitué aux mets raffinés de mon chef à domicile plutôt qu’un repas traditionnel pris sur le pouce.

« C’est très bien. »

Dis-je dans un sourire plutôt bienveillant. Heureusement, nous trouvâmes une petite place à l’écart. Je reste malgré tout sur mes gardes. On ne sait jamais. On se place de sorte que je sois dos à la foule, ce qui devrait pouvoir éviter de me faire reconnaitre tout de suite et passer un bon moment. J’aimerais manger en paix pour une fois. C’est aussi pour ça que je ne sors pas au restaurant pour manger. Ou alors, ce sont dans de grands restaurants raffinés pour les riches, où je suis certaine d’avoir la paix car personne ne fait attention à qui est attablé. Alors que dans les petites gargotes comme ça, au milieu du peuple… Impossible réellement de pouvoir manger en paix, même avec un déguisement aussi bien fait. Il y a toujours des gens un peu suspicieux qui remarquent un seul détail qui peut faire pencher toute la balance. La serveuse arrive assez rapidement, alors je me contente de commander un Tonkatsu curry sans le chou. J’aime bien la version curry du Tonkatsu, ça passe bien mais pas le chou. Je n’aime pas ça. On nous sert un peu de thé comme boisson et finalement les plats arrivent bien vite. Je scinde mes baguettes en deux avant de regarder la jeune femme, souriant de voir qu’elle a l’air complètement aux anges.

« Itadakimasu. »

Des forces pour l’après-midi hein. Je ne sais pas si je vais pouvoir encore faire du lèche-vitrine comme ça. J’ai l’impression de ne pas être hyper détendue car je dois regarder de partout pour repérer de potentiels individus qui voudraient soit me prendre en photo, soit me demander un autographe car ils m’auraient reconnu. On ne se demandera pas pourquoi je ne sors pas faire du shopping souvent et aussi pourquoi finalement, je préfère coudre mes propres vêtements. Je m’évite ce genre de problèmes plus qu’emmerdants qu’autre chose. Je commence à manger tranquillement, hum, c’est plutôt bon oui. Je ne sais pas trop quoi dire, je sais que je devrais sans doute faire la conversation mais je n’ai pas réellement de sujet là tout de suite. Je savoure mon repas et j’aime le faire en silence, écoutant d’une demi-oreille ce qui peut se passer autour de moi.

Subitement, je pose mes baguettes, un frisson me parcourant l’échine. J’ai l’impression d’être observée et je ne sais pas pour quelle raison. Je me penche légèrement vers Tsuki pour lui murmurer.

« Je me sens observée… Est-ce que tu vois quelque chose d’étrange ou pas dans mon dos ? »

Quand je disais que même le plus « parfait » des déguisements finit toujours par se faire démasquer ! C’est le problème des fans absolus… Ils vous connaissent tellement bien parce qu’ils regardent vos photos toute la journée – ça fait peur d’ailleurs, qu’ils savent reconnaitre la moindre petite chose chez vous. Je ne veux pas m’affoler et en même temps, j’ai envie de finir mon repas en paix. Je prends sur moi pour ne pas faire de vagues et rester la plus impassible possible. Je reprends mes baguettes pour terminer mon repas mais je ne me sens absolument pas tranquille. Je finis mon plat non sans mal et en relevant mon regard, je faillis crier en voyant un homme se tenir devant notre table. Mon cœur a raté deux battements espèce de crétin !

« Je savais que c’était toi Aliyah. Qu’est-ce que tu fais sur Osaka ? »

« Crétin ! Ça ne va pas d’observer les gens comme ça ? C’est plutôt à moi de te poser la question oui. Tu n’es pas en tournée ? »

Bien évidemment, je le connais. Et heureusement, ce n’est pas un fan.

« Tsuki… Je te présente un de mes anciens musiciens et ami, Kenta… Le batteur des Spyair. »

« Enchantée demoiselle. Pour te répondre, on vient de finir notre dernière date sur Osaka et j’en profitais pour prendre un peu de bon temps avant de repartir dans la prochaine ville. »

« Rah assieds-toi, si quelqu’un nous reconnait, on est fichus. Comment tu fais pour rester aussi calme alors qu’un tas de gens peuvent te reconnaitre ? »

« Je n’ai pas ta prestance ma chère. Et en plus, même si je suis super connu, en fait, les gens ne se souviennent pas trop de mon visage. Ils vont plutôt reconnaitre Ike mais moi, ça passe encore. Et toi, bah en même temps, chanteuse devenue styliste de haute couture… Haha, fallait pas t’étonner que la célébrité continue de te coller à la peau, tu ne crois pas ? »

« Merci pour la leçon… Je te préviens, si c’est toi ou pas, la prochaine personne qui m’observe, je l’envoie direct à l’hôpital. »

Je finis par bougonner légèrement, comme si je retombais un peu en enfance, du moins quelques années en arrière où dans ce groupe, on était plus que soudés. Alors que lui se met à rigoler face à ma menace. Il sait de quoi je suis capable et pourtant, il n’a pas peur. Je regardais à nouveau Tsuki, un peu penaude.

« Eh bien tu as de la chance Tsuki, aujourd’hui tu auras rencontré un autre membre des Spyair, ta sœur va être contente et jalouse à la fois y’a moyen. C’est moi qui paie pour ce midi. Prête à continuer cette journée ? »