Charles hocha la tête, les yeux quelques secondes fixés sur la carte de l'homme. Il ne semblait pas apprécier leur méfiance et Charles se confortait dans son idée qu'ils seraient mieux à quelques pas de lui. Kyo ne semblait pas l'apprécier non plus et Charles s'empêcha de sourire quand elle lui proposa de remonter le cortège ensemble.

« On a qu'à- » Quelqu'un fut repousser entre eux par la foule, des excuses balbutiées avant de repartir. Le métis regarda le reste du cortège, les sourcils en entendant des exclamations se rapprocher et de plus en plus de monde poussait vers l'avant. Puis il y eu un crie plus proche, il fut pousser à son tour en avant, Kyo un mètre derrière lui, et tout le cortège ce mit à courir. Il tourna la tête et vit la tatouée maintenant presque trois mètres plus loin. Il regarda à nouveau devant lui puis encore en arrière et ne la retrouva plus. A côté de lui quelqu'un bousculé tomba, et Charles paniqua.

Il s'arrêta et faillit tomber à son tour, rattrapé par quelqu'un dans la foule qui le retint par l'épaule avant de continuer sa course. Il resta immobile encore une seconde avant de commencer à remonter. Il fallait se glisser entre les silhouettes, les repousser, en agripper d'autres, par l'épaule ou les cheveux, à ce stade il ne regardait plus. Les pensées s'enchaînaient trop vite et il les oubliait au fur à mesure, seul avec de l’inquiétude et un surplus de colère qui explosa. Il cria sur un groupe de son âge, frappa un type large d'épaule qui l'avait fait reculer de plusieurs mètres en l'entraînant avec lui. Repoussa quelqu'un qui tomba en derrière, sur quelques d'autres, des dominos anonymes. Les yeux à moitié sur le sol pour voir Kyo, il y eu même un coup de tête avec une dame, qui continua de courir. Puis il vit une épaule, un vêtement large, une mains agrippée quelques secondes à un jeans qui ne s'arrêta pas. Il enjamba Kyo, glissa ses avant-bras sous ses épaules et la hissa contre lui puis plus haut sur son épaule, un bras sous sa taille et l'autre au milieu de son dos.

Il retourna dans le flot de la foule, à nouveau pousser par ceux derrière eux. « Kyo faut que tu t'accroches, s'il te plaît faut surtout pas que tu me lâche » A chaque pas en avant il essayait de se diriger un peu plus vers la droite, jusqu'aux bords du cortège, moins dense. D'autres manifestants fuyaient par-là et il senti un bras dans son dos le pousser sur les derniers mètres. Il se retourna juste le temps de voir la silhouette d'un quarantenaire s'éloigner en courant, une mains refermée autour de son oreille. Charles pensa vaguement au policier plus tôt puis il revint à Kyo. Il la reposa doucement, un bras autour de ses épaules pour la maintenir debout contre lui, et récupéra son téléphone dans sa poche. Ses mains tremblaient, il dut fermer les yeux et respirer un instant avant de composer le numéro des urgences. « Allo ? Une amie c'est fait piétiner, on est dans le district d'Uzume, elle est tombée dans un mouvement de foule... »

Il échangea encore quelques mots avec le standardiste et raccrocha, les lèvres pincées et une expiration profonde avant de répondre à Kyo. « Ils peuvent pas remonter jusqu'ici, il y a eu un accident à l'arrière et ils ont envoyé des ambulances » Ils pouvaient remonter jusque là-bas. Peut-être qu'il n'y aurait pas de place pour Kyo- il arrêta l'idée là.

« On peut remonter jusqu'à la place, mais s'il y'a un accident c'est peut-être risqué... Qu'est-ce que tu préfères faire ? » Elle voulait être en sécurité, s'éloigner de la foule et du bruit, et Charles fit quelques pas avec elle vers une rue perpendiculaire pour s'éloigner encore du cortège.

« Ok... On essaye de se rapprocher des ambulances par les ruelles, ça te va ? Et si,si on tombe sur un endroit où on peut s'arrête, on y va si tu veux... » Négocia-t-il avec un regard vers le cortège. Même si elle n'avait pas mal, Charles craignait trop un de ces scénarios catastrophes ou ils repartiraient chacun de leur côté, pour qu'il apprenne demain que Kyo était morte d'une hémorragie, ou quoi que ce soit d'autres qui se serait manifesté au bout de quelques heures. Il relâcha sa prise autour de sa taille et passa un bras sous les siens pour l'aider à marcher ; osant à peine toucher ses côtés. En temps normal, il se serait aligné sur le ressenti de Kyo pour ne pas froisser son égo : cette fois c'était parce qu'il préférait garder assez d'énergie pour à nouveau être capable de la porter au besoin.

« Si ça va, fais pas la fière et dis-le... » Souffla-t-il avec quelques pas dans la ruelle, la voix nerveuse. « J'appuie pas sur tes côtes hein ? »  Il tourna dans une autre ruelle, parallèle à l'avenue que le cortège avait prit et qui devrait les ramener à la place Kiku. Ils  croisaient parfois des manifestants qui avaient réussit à sortir du mouvement de foule et s'éloigner eux aussi, et Charles ne pouvait pas s'empêcher de se crisper et lancer un rapide regard circulaire quand il entendait un bruit de pas proche. Il n'oubliait pas les silhouettes en noir et n'avait pas envie d'en croiser une. Juste au cas où.

Kyô se laissait guider pas après pas, la confusion et la douleur ayant déjà balayé tout son discernement. Elle se sentait comme une proie à la recherche d’un abri pendant que Charles gérait la situation avec beaucoup plus de sang froid, comme s’il savait quoi faire. C’était rassurant de croire qu’ils allaient finir par tomber sur les ambulances, alors elle acquiesça à sa proposition avec pour seule idée en tête de s’éloigner au maximum de la foule.

Malgré tout ce que son corps avait déjà encaissé, elle arrivait encore à se tenir debout et à marcher grâce le soutien de Charles. Elle n’avait pas d’autre chois que de puiser dans ses dernières forces pour atteindre un endroit sûr, avant de pouvoir enfin s’y effondrer et se rendre compte de l’état dans lequel elle était vraiment. Charles avait beau s’inquiéter pour ses côtes, elle n’était même pas en mesure de dire où était localisée sa douleur tant elle irradiait à travers toute ses chairs.

– Tu me fais pas mal, il faut qu’on continue d’avancer. Je veux vraiment pas rester ici… Je veux pas.

Mais après de longues minutes d’une progression lente et laborieuse des bruits perçants retentirent au loin, interrompant sa progression. Elle obligea Charles à s’arrêter lui aussi en le retenant de toutes ses forces, cramponnée à ses vêtements.

– T’as entendu ? C’est quoi ?

Les bruits se répétaient, de plus en plus nombreux, comme si quelqu’un faisait exploser des pétards. Kyô jeta des regards anxieux tout autour d’eux pour essayer de comprendre ce qui se passait, jusqu’à ce qu’elle croise l’espace d’une seconde le regard d’une silhouette inquiétante au bout de la rue. Ses yeux se posèrent ensuite sur l’objet sombre qu’il tenait à la main, avant de réaliser avec effroi ce qui était en train de se passer. En continuant sur ce chemin, ils fonceraient tout droit vers le danger.

– Il y a des mecs armés je crois, il faut qu’on se cache…

Elle essayait de l'entraîner sur le bas côté avant qu’ils ne se fassent encore plus remarquer, sans avoir assez de force pour l’attirer trop loin. Le plus vite possible, elle essaya de trouver la meilleure cachette, un refuge qui pourrait les accueillir, ou même rien qu’un endroit où ils seraient à couvert jusqu’à ce que son choix s’arrête sur un petit renfoncement dans l’intervalle qui séparait deux bâtiments barricadés. Entre un distributeur automatique et une voiture garée là, il y devait y avoir assez de place pour qu’ils s’y enfoncent tous les deux sans que leur présence ne soit trop remarquée depuis la rue. Faute de meilleure idée, elle tendit sa main tremblante vers cet interstice pour le désigner.

– On pourrait aller là et attendre… que ça passe.

C’était son instinct de survie qui parlait, qui lui soufflait de se faire oublier et de ne ressortir que quand elle n’entendrait plus aucun bruit, plus aucun cri.